Assassine(s)

Celeste

28/01/2022

Nuclear Blast

Les (s) sont de retour. Enigmatique intro de chronique, mais les spécialistes savent de quoi je parle, particulièrement ceux qui suivent l’actualité du géant Nuclear Blast. Le label allemand a en effet révélé il y a peu l’association avec les français de CELESTE, pour leur cinquième album, qui respecte donc une fois encore ces mystérieuses parenthèses, comme si une partie finale de leur histoire se devait de marquer une pause pour ne pas trop en révéler, et rester dans le doute. Mais CELESTE fait partie depuis longtemps de notre patrimoine, plus de quinze ans pour être précis, et si le groupe s’est fait plus rare ce dernières années - depuis la parution d’Animale(s) en 2013 - il n’en a pas moins gardé une emprise sur la scène extrême, jusqu’à susciter des suées de son absence prolongée.

Cinq années de silence, voilà le prix que nous avons payé après la publication d’Infidèle(s), album majeur qui nous avait laissé à la croisée des chemins. On sentait que le groupe lyonnais multipliait les options pour ne pas rester coincé à la case départ, mais on attendait de savoir quelle allait être la direction à suivre pour rester dans leurs pas. Et conscient de ces attentes, le groupe a teasé son album avec beaucoup d’intelligence depuis le mois de décembre, multipliant les vidéos, les photos de tournage, et autres énigmes musicales destinées à nous mettre le sang aux gencives.

Et ces images justement ont fait tourner l’imagination des fans à plein régime, même si accompagnées d’une musique ne laissant pas place au doute. Gardant ses racines brutales et viscérales, le quatuor énigmatique insufflait une grosse dose de mélancolie amère dans son art, pour nous proposer une fois encore un voyage immersif dans un monde sombre, à la beauté hivernale, mais à la violence bien concrète. Naviguant une fois de plus entre les styles pour ne pas heurter les rochers, CELESTE propose donc via le scénario d’Assassine(s) une plongée dans les abysses de la nature humaine, via un mur de riffs et un chant typiquement BM, parfaitement en adéquation avec la froideur ambiante.

Dans les faits, et avec un minimum de recul, tous les symptômes de la maladie CELESTE se ressentent à nouveau. Cette fièvre rythmique, cette douleur de guitares en embuscade dans les veines, ces frissons lors des progressions les plus maladives, et cette sensation étrange de perte de repères que les mots français accentuent de leur phrasé. De fait, référez-vous à cette superbe pochette en noir et blanc, et observez ce visage tenu à plusieurs mains. Rêve étrange, oppression, cauchemar lucide, prise de conscience, ou agression extérieure ? Les éléments sont multiples, mais la réponse une fois encore en forme de puzzle, une fois tous les chapitres écoutés, laissant quelques points de suspension pour ne pas trop en révéler. Le feuilleton CELESTE est de ceux qui laissent un cliffhanger mystérieux imposer le silence de la brume, et un questionnement inévitable : qu’est-ce que tout cela veut-il dire ?

Finalement, sans réponse claire à cette question, nous avons-nous-même élaboré certaines hypothèses. Hypothèses partiellement confirmées par les huit morceaux de ce nouvel album, intransigeant, précieux et précis, et pourtant suffisamment vague pour laisser place à l’imagination collective. « Des Torrents de Coups » ne tergiverse pas au moment de la reprise de contact, et convoque NEUROSIS et ISIS aux agapes d’un BM à la française, de celui développé par les esprits des Acteurs de L’ombre, impose la lourdeur étouffante aux harmonies presque mortes-nées, et laisse Johan s’époumoner pour battre le rappel. Le questionnement du genre ne se justifie plus depuis longtemps, et ce Proto-Sludge progressif noirci d’une bonne couche de méchanceté finlandaise nous entraîne sur la piste d’un meurtre, celui des convenances et autres coutumes à respecter.

Car ici, on ne respecte que le rêve, aussi noir soit-il, et peut engageant.

Sans tergiverser ou trouver la formule définitive qui ne s’impose pas, on pourrait dire que CELESTE roule sur sa propre route, et qu’il provoque des arrêts pas toujours logiques. Si les premiers morceaux gardent la même trame narrative, s’il faut attendre l’interlude Ambient « (A) » pour reprendre son souffle, « Il a Tant Rêvé d'elles » accentue encore le malaise en laissant les percussions accentuer leur pression.

Pas vraiment déstabilisant, ce nouvel album ose juste quelques innovations mineures dans une tradition inamovible. Le son est évidemment énorme et en écho de ruines, mais l’attitude glisse quelque peu vers une méchanceté de plus en plus prononcée. « Elle se Répète Froidement », létal comme un dernier baiser empoisonné, regarde les victimes en pleine rigor mortis, contemple le paysage enneigé et onirique, mais « Le Coeur Noir Charbon » oppose une fin de non-recevoir à l’optimisme et l’envie de lendemains meilleurs.

Rythmiquement imparable, construit comme un crescendo d’horreur concrète, Assassine(s) est une brume blafarde sur une cité déshumanisée, et une façon d’entrevoir l’art comme la transposition la plus fidèle d’une réalité abjecte. Une absence de complaisance, certains automatismes gardés, pour une avancée non majeure, mais qui repousse encore une fois la dernière pièce du puzzle hors de la table.                  

          

                                                                                                                                                                                                      

Titres de l’album:

01. Des Torrents de Coups

02. De tes Yeux Bleus Perlés

03. Nonchalantes de Beauté

04. Draguée Tout au Fond

05. (A)

06. Il a Tant Rêvé d'elles

07. Elle se Répète Froidement

08. Le Coeur Noir Charbon


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par mortne2001 le 06/02/2022 à 15:30
85 %    1221

Commentaires (2) | Ajouter un commentaire


RBD
membre enregistré
11/02/2022, 12:09:27

Par parenthèse... cette pochette me semble plus qu'inspirée par celle de l'album "Contact" de Pharmakon.


Kairos
@86.229.44.69
19/02/2022, 21:56:42

Voir celle de Decline of the I - Johannes

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