La vie passe, tu atteins un certain âge, tu es en couple depuis de longues années, et puis soudainement, une ex te téléphone pour prendre de tes nouvelles, et te propose un rendez-vous. Tu ne comprends pas très bien l’utilité de la démarche ni ses raisons, mais intrigué, tu acceptes le rencard en te disant qu’au moins, tu évoqueras des souvenirs plus ou moins bons. Cette scène imaginaire a sans doute pris corps des centaines de fois, mais le résultat a varié selon les circonstances. La plupart des protagonistes sont repartis ni déçus ni ravis, et certains ont même méchamment fait la gueule en voyant l’état de l’ancienne conquête.
En art, la problématique est la même. On grandit avec certains artistes, qui connaissent une longue et prolifique carrière, mais on traverse aussi l’adolescence en faisant la connaissance de gloires éphémères, qui le temps d’un ou deux albums nous procurent un plaisir certain. Après tout, tous n’ont pas la chance de rencontrer le succès, ou d’avoir derrière eux une structure solide leur permettant de continuer à prendre la route.
Et immanquablement, si tu es de ma génération, et que le Thrash est définitivement ton verre de bière préféré, tu as connu les années Roadrunner, et un groupe comme ATROPHY.
ATROPHY, souvent vendu à l’époque en doublette avec les plus coreux ACROPHET était une solide signature du label néerlandais. Le premier album du quintet, Socialized Hate est aujourd’hui un classique de la série B, solide, mature et entraînant, mais c’est véritablement Violent by Nature qui a propulsé les originaires de Tucson dans l’Arizona dans la galaxie des thrasheurs capables et inventifs. Tous les addicts se sont trémoussés au son de « Puppies and Friends » ou « Chemical Dependancy », et le souvenir d’une musique puissante mais intelligente est longtemps resté dans les mémoires…avant que l’histoire justement ne rattrape ses protagonistes pour les plonger dans les affres de l’oubli…Jusqu’à aujourd’hui.
ATROPHY a certes tourné pendant quelques années entre 2015 et 2020, avant que le COVID ne mette un terme à ses activités. Il y a quatre ans, Brian Zimmerman, chanteur depuis les débuts à baissé pavillon, laissant ses anciens camarades continuer sous la bannière SCARS OF ATROPHY. Mais l’homme, loin de jeter l’éponge et de se reconvertir en sosie de Bob, a recruté de nouveaux partenaires, avec un plan diabolique en tête : un comeback tonitruant avec un nouvel album, le premier en…trente-quatre ans.
Trente-quatre ans, c’est beaucoup, ne le nions pas, et ATROPHY rejoint donc ses petits camarades de MORDRED et ACID REIGN sur le banc des anciens de la promotion des années 80. Mais cette fois-ci, c’est secondé par des lieutenants de première ligne que le tempétueux chanteur affronte son destin, en pouvant s’appuyer sur le talent naturel de Mark Coglan & Nathan Montalvo (guitares), Josh Gibbs (basse) et Jonas Schütz (batterie). Mais un casting quatre étoiles n’engendre pas forcément un festival pour les oreilles, et même si depuis l’annonce de la parution d’un troisième album tout le monde attendait fébrilement le retour de l’enfant prodigue, il convenait de rester sur ses gardes et de se montrer méfiant. Mais en ce mois de mars, la méfiance a cédé la place à l’exubérance, puisque ce troisième album est le digne successeur de ses deux grands frères, évitant le piège de la modernité à outrance et de la normalisation en transe.
Et Asylum est donc la bête de compétition que nous espérions tous.
Pour la simple et bonne raison que le groupe a retrouvé le son qui le caractérisait et le différenciait de la scène californienne, un son bien évidemment subtilement relooké pour contenter non seulement de nouveaux fans, mais aussi satisfaire les anciens. ATROPHY n’a donc rien perdu de sa personnalité, et signe là l’un des albums Thrash de l’année. Enregistré, produit, mixé, et masterisé au Second Sight Studio, à Atlanta, Asylum laisse donc les timbrés prendre d’assaut l’asile, et faire ce qui leur chante du moment que ça grogne et que ça tabasse. Mais aussi paradoxal soit cette constatation, les fous sont bien plus lucides que les gardiens de la flamme.
Alors que la majorité des grands anciens s’empêtrent dans un Thrash générique certes plaisant sur l’instant, mais relativement pauvre en protéines sur la durée, Brian Zimmerman et les siens fouillent dans leurs bagages pour y trouver le costume parfait, histoire de le confier au blanchisseur. Et lorsque le quintet laisse parler la poudre ET son intelligence naturelle, ça nous donne « Distortion », l’un des meilleurs hymnes Thrash de ces trente dernières années.
Vicieux, puissant, solide, avenant, l’ATROPHY 2024 est un sacré concurrent. Sans nous refourguer de nouvelles versions à peine remaquillées d’anciens standards, le groupe retrouve son impulsion d’origine, et parvient à sonner plus old-school que les revivalists vintage qui nous dérangent semaine après semaine. « Punishment For All », tout est dit, et la fessée est sévère. Les guitares sonnent comme si San Francisco était toujours la capitale de la violence, la rythmique, aérée ne subit pas la compression habituelle réservée aux turbines Thrash, et le chant de Brian est toujours aussi atypique et mordant, permettant même au groupe de défier DESTRUCTION sur son propre terrain.
Si l’on devait établir un Big4 en dehors du Big4, ATROPHY figurerait indubitablement en bonne place. Avec deux guitaristes qui non seulement riffent mais aussi soloïsent comme des diables (l’envolée du monstrueux « Bleeding Out » est là pour en témoigner), un batteur qui cogne mais avec panache, et un bassiste qui assure son rôle de ciment, Asylum se rapproche du meilleur TESTAMENT, celui rapide et fluide des jeunes années (« American Dream »).
Intense de bout en bout, avec quelques idées plus mélodiques de temps à autres (« Close My Eyes », le genre de titre que Jeff Waters ne compose plus depuis des siècles), passionnant et pugnace, Asylum est beaucoup plus que la simple concrétisation d’un comeback que personne n’attendait. Il est un album fort, ample, magique, et la suite d’une carrière qui repose aujourd’hui sur une trilogie fabuleuse, et qui prend soudainement tout son sens.
Certaines ex vieillissent bien. Et les retrouver ranime une flamme éteinte depuis de longues années. De quoi continuer une romance qui n’aurait pas dû se terminer, et qui mérite clairement une seconde chance.
Titres de l’album:
01. Punishment For All
02. High Anxiety
03. Seeds Of Sorrow
04. Distortion
05. Bleeding Out
06. American Dream
07. Close My Eyes
08. The Apostle
09. Five Minutes ‘Til Suicide
Superbe ce papier avec un chroniqueur qui, ça se sent, a vécu l'époque Roadrunner et sa superbe compilation (a la non moins superbe pochette) Stars on Thrash.
Achat obligatoire.
P.S : Euh moi une ex m'appelle pour prendre de mes nouvelles et me proposer un rdv, je vois très bien l'utilité de la démarche, :-)
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