[…] les METZ semblent capables de faire encore mieux, et d’aller encore plus loin. Peut-être d’unir lors d’une quatrième sortie l’esprit Pop au souffle Rock, en laissant un baiser Post Hardcore sur le front ? Je les laisse faire après tout, mais je serai là, encore une fois. Non parce qu’ils portent le même nom que ma ville de naissance, mais parce qu’ils portent le Rock à ébullition […]
C’est ainsi que je terminais ma chronique de Strange Peace il y a trois ans, sans vraiment savoir si les METZ allaient oui ou non publier un quatrième LP. Après tout, en 2017 personne ne pouvait encore prévoir la débâcle de 2020, la fin des concerts live, et l’avènement des prestations en streaming, la seule façon de partager une performance avec le public. Aujourd’hui, avec les éléments en notre possession, dans l’expectative d’un avenir en suspens, l’agonie des intermittents du spectacle, des organisateurs, des programmateurs, de tous ces métiers de l’ombre qui attendent qu’une décision ferme soit prise, les choses s’aggravent et le drame risque de prendre des proportions tragiques. Si la situation ne s’arrange pas rapidement, on peut s’attendre à quelques suicides tout à fait justifiés, face à l’immobilisme des gouvernements et à leurs parti-pris qui permettent à certains de se voir accorder des passe-droits, tandis que d’autres mettent la clé sous la porte dans l’indifférence totale des décideurs. Alors, non, il n’est pas étonnant que le quatrième album des canadiens sonne aussi urgent, tendu, chaotique et indomptable, puisqu’il est le reflet de la dualité de son époque. Cette peur de l’inconnu, cette méconnaissance de l’avenir, et cette question qui reste en suspens : pourra-t-on exercer notre métier dans des conditions normales un jour ? Mais dans les faits, Atlas Vending n’est pas vraiment différent des trois LPs qui le précèdent. Il est aussi Noisy, aussi chaotique, peut-être même plus, et ses influences sont les mêmes. SONIC YOUTH, JESUS LIZARD, les SWANS, MELVINS, UNSANE, REFUSED, le Post Hardcore, et surtout, cette rage qui couve en filigrane. Et la rage étant le moteur des grandes révolutions, on peut peut-être s’attendre à un énorme soulèvement très bientôt.
Avec ce nouvel épitre toujours cautionné par Sub Pop, coproduit par Ben Greenberg (UNIFORM) avec Seth Manchester à la console (DAUGHTERS, LINGUA IGNOTA, THE BODY) le tout emballé au Machines with Magnets , le trio (Alex, Chris, Hayden, toujours) ne pousse pas vraiment le bouchon plus loin, mais confirme sa position de leader sur la scène Noisy Post qu’il a gagné à la sueur de son front et à la bile de ses mots. D’ailleurs, selon ceux d’Alex, le tout est « une échappée dans laquelle il faut tout laisser derrière, puisqu’il s’agit de surpasser des obstacles et des liens qui vous ont toujours retenus, se relever et s’immerger dans ce qui nous fait avancer, aimer et changer ». Le même Alex assume ses solides positions, et affirme aussi qu’il ne faut pas trop intellectualiser sa musique, mais la laisser murir et évoluer selon ses ambitions. Et les ambitions du trio de Toronto sont grandes, bien que plus facilement devinables par l’auditeur qu’assumées par le groupe. En substance, et en écoutant cet Atlas Vending, on constate que METZ pourrait bien être le fils d’un UNSANE qui n’aurait jamais renoncé au combat, et qui continuerait d’arpenter les rues à la recherche d’un espoir sous la couche de misère contemporaine. Les guitares sont de plus en plus acides, aiguisées, parfois blasées, mais toujours combatives et pugnaces. Avec un tel degré de confiance dans les bagages, le trio se permet même d’incarner le FUGAZI des temps moderne sur « Hail Taxi », l’un des morceaux les plus mélodiques de l’album. Une charge virale qui nous contamine tous et nous donne envie d’aller voir ailleurs sans savoir si justement un ailleurs existe. Toutefois, faites attention à ne pas voir trop de lumière filtrer de ce nouvel album, elle est éparse et ne se montre pas sur commande. « Pulse » impose d’ailleurs un blackout total de ses dissonances assourdissantes, et de son tempo Indus à rendre le jeune Michael Gira fou de jalousie. Le chant, mixé largement en arrière supporte bien les effets et la réverb, mais la guitare lamine un motif concentrique, avant que la batterie n’explose tout de sa frappe erratique. Avec une intro pareille, les canadiens préviennent que le jour qui se lève ne sera guère plus porteur d’espoir que le précédent, et sombre dans le bruit d’un Post Hardcore blanc comme une nuit sans sommeil. Heureusement, l’entame sert juste à mettre mal à l’aise et à attirer l’attention, pour la conserver intacte sur le fulgurant « Blind Youth Industrial Park ».
Toujours aussi doués pour recycler les méthodes en vogue dans l’Amérique des nineties, ces répétitions dans le phrasé du chant, cette façon d’intégrer des éléments alternatifs et harmoniques dans un contexte purement Hardcore, pour faire sonner l’hallali comme les BLOODY VALENTINE, tout en conservant en tête l’importance de la scène new-yorkaise sur le désespoir mondial. La basse est comme d’habitude énorme, au moins autant que chez les FETISH 69, le chant a gagné en maturité, et le son nous ramène des années en arrière, lorsque les productions n’étaient pas standardisées et que le seul nom d’un producteur garantissait une écoute bien spécifique. Sur cet album, les instruments respirent dans la moiteur étouffante qu’ils créent de leurs strates de son si épaisses qu’on ne voit pas le jour passer. La discordance, l’assonance, la polyrythmie, les leitmotivs balancés comme à la parade, METZ connaît bien, et résume le tout en moins de trois minutes sur le cathartique « Sugar Pill », pilule bleue ou pilule rouge qu’on avale sans connaître le résultat. Mais on l’avale pour oublier ce qu’on connaît déjà, et pour voir si l’altération de la réalité est plus supportable que la réalité elle-même.
Et en quarante minutes, le groupe suit simplement sa route, sans se poser de problème existentiel. Il ne propose rien de neuf, ne cherche même pas à surpasser Strange Peace, ni à s’en servir de comparaison, il tente juste de marcher, une note après l’autre, pour voir où son propre chemin le mène. Il le mène sur les routes du chaos, avec un « Framed By The Comet’s Tail » qui fait très mal au cœur de ses itérations en pacemaker mal réglé, ou sur le chemin d’un Rock réduit à sa plus simple expression de bruit via « Parasite ».
Et puis vient la longue fin, celle qu’on attend de la part d’un groupe de cette trempe, qui balance « A Boat To Drown In » pour solde de tout compte. Sept minutes et quelques d’un up tempo à peine dérangé par la linéarité d’une guitare qui ne module jamais, sept minutes qui fonctionnent comme un mantra, ou un long cri poussé de façon monocorde, pour bien symboliser cette époque où les oreilles n’entendent que les plaintes de leur propre bouche. Il faut de l’audace ou de l’inconscience pour achever un tel album par sept minutes aux secondes identiques. Mais les METZ jouent ce qu’ils ressentent. L’autre question : seront-ils capables la prochaine fois de faire encore mieux ? La réponse dans trois ans, si d’ici là, personne n’a fêté le jour où la musique est morte.
Titres de l’album:
01. Pulse
02. Blind Youth Industrial Park
03. The Mirror
04. No Ceiling
05. Hail Taxi
06. Draw Us In
07. Sugar Pill
08. Framed By The Comet’s Tail
09. Parasite
10. A Boat To Drown In
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49