« Ce qu’on appelle raison de vivre est en même temps une excellente raison de mourir » (Albert Camus)
Vivre, mourir. Mourir pour un amour perdu, mourir pour une cause, pour son art, pour des idées, pour mettre un terme à une existence de souffrance…
Venir au monde résulte d’un processus unique. Le quitter peut se justifier de dizaines de manières. Mais entre les deux, un espace qu’il faut combler, par l’espoir, la haine, l’amour, la colère, le nihilisme, la foi…La vie et la mort sont si intimement liées qu’elles finissent par se confondre en tant que notion, et d’être banalisées pour ne plus représenter qu’un point de départ, et une fin, inéluctable. Mais le concept va beaucoup plus loin que ça…Et si nous ne naissions que pour remplir une mission ? Et si nous mourrions pour incarner une essence impalpable et invisible, que seul l’art nous permettrait d’appréhender ? Peinture, littératures, homélies…Chanter les louanges de la vie en les rapprochant de la conclusion de la mort permet d’appréhender les liens ténus qui unissent ces deux extrémités, et il semblerait que les DOWNFALL OF GAIA, avec Atrophy, nous proposent plus qu’une simple œuvre d’art abrasive. Ce quatrième album, en l’état, pourrait se vouloir time lapse d’une vie passée à chercher le pourquoi du comment, sans parvenir à identifier les tenants et aboutissants.
« En vérité, le chemin importe peu, la volonté d’arriver suffit à tout » (Albert Camus)
Depuis sa création en 2008, le collectif DOWNFALL OF GAIA s’est nourri de cette maxime, qui finalement, représente à merveille un parcours simple de fait, mais chaotique de fond. De débuts évidents à une dernière sortie plus nuancée que la moyenne, les Allemands des quatre coins du pays ont toujours cherché à transcender leurs influences et leur art pour s’en extirper. Pourtant jusqu’à présent, il était toujours possible de les identifier par comparaison à d’autres entités externes. On sentait que la lumière sombre qui baignait leur musique pouvait émaner d’étoiles morbides comme celles gravitant autour de la sphère DEAFHEAVEN, ou de l’astre dérivant d’ALTAR OF PLAGUES. Mais aujourd’hui, l’alignement des planètes a changé, et la trajectoire du quatuor a subit l’influence de la convergence des références, abandonnant au passage des traits forcés de leur caractère pour se révéler plus ardu à situer.
Post Black Metal puisqu’il fait bien le dire, les DOG le sont, indubitablement. Mais alors que jusqu’à présent, leurs morceaux gardaient toujours trace d’un Crust venimeux, ils en sont aujourd’hui totalement débarrassés, comme des oripeaux de haine qu’on jette sur la grève d’un port que l’on quitte sans regret.
Atrophy, qui de fait tisse un lien entre les rives de la vie et les plages de la mort se situe exactement entre les deux, et fait la jonction comme la légendaire barque du passeur pour permettre aux âmes de rejoindre leur dernière destination, non sans éprouver une dernière fois des sensations humaines déchirantes d’adieux.
« La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent » (Albert Camus)
On ne peut gère reprocher à DOWNFALL OF GAIA de s’être économisé durant toutes ces années. Et ce postulat est encore plus valide aujourd’hui, car après avoir attentivement écouté les six pistes d’Atrophy, on constate rapidement qu’ils ne se sont pas plus épargnés qu’hier.
Enregistré au Hidden Plant Studio de Berlin, mixé aux Atomic Garden Studios de San Francisco, célébrant l’arrivée de Marco Mazola à la guitare en lieu et place de Peter Wolff qui a préféré se concentrer sur sa famille et sa vie privée, ce quatrième longue durée des Allemands tire presque un trait sur le passé pour aplanir le présent et monter vers un avenir en forme de descentes de guitares tourbillonnantes, de glissements de blasts enivrants, d’escaliers de mélodies amères et acides qui agissent comme des mantras que personne ne prononce de peur de passer dans un autre monde asse opaque et effrayant.
Si le groupe est toujours aussi violent, la transition entre Aeon Unveils the Thrones of Decay et cette nouvelle pièce est tangible, palpable et immédiatement identifiable, bien que parfois les nuances soient assez infimes.
« Brood », la portée, le premier morceau de ce nouveau chapitre laisse pourtant s’évaporer une longue intro striée de cordes graves et de sonorités à la Reznor, qui laisse autant de questions en suspens qu’elle n’apporte pas de réponses, un peu comme un orchestre qui accorderait ses instruments avant de se lancer dans l’interprétation. Et ce lancement prend soudain la forme d’un déferlement de haine musicale qui n’a rien de Post BM, mais qui s’abreuve à la source fétide du BM en soi, le plus cru, le plus abject, et pourtant le plus viscéral. C’est donc cette orientation beaucoup plus tranchée et pourtant plus aléatoire qui définit la nouvelle direction prise par le quatuor Allemand, abandonnant au passage toutes ses inflexions Hardcore. Et que l’on retrouvera sur chaque pas en avant d’Atrophy, qui avance inéluctablement vers son destin fataliste.
« Le grand courage, c’est encore de tenir les yeux ouverts sur la lumière comme sur la mort » (Albert Camus)
En 2016, c’est exactement l’attitude adoptée par DOWNFALL OF GAIA, qui ne renie rien de son passé chaotique, mais qui reste lucidement campé sur des positions de vie et de mort. La mort d’une certaine utilisation de la violence au profit d’une autre, et la vie d’un espoir placé dans une musique qui évolue, vieillit, mais paradoxalement se montre plus forte que jamais.
Avec cinq morceaux (plus l’interlude « Ephemerol II », instrumental délicat et acoustique) qui s’étirent dans le temps, Atrophy lie le Post Crust teinté de Black d’antan et le Post BM de demain, qui prend place aujourd’hui. Mais en écoutant « Woe », terrifiant de violence brute, vous constaterez que l’approche n’a rien à voir avec celles des WOLVES IN THE THRONE ROOM, ou autres VATTNET VISKAR. Ici, la mélodie ne se développe pas au son d’instrumentations externes, ou d’ouverture vers le Folk et le Post Rock/Punk/Metal. Non, les guitares sont toujours aussi abruptes et violentes, le chant toujours aussi vomi des entrailles de la haine, et la rythmique ne connaît que peu de moments de silence. Et finalement, les DOG jouent du Post Black comme d’autres jouent du Black, en refusant d’admettre les limites inhérentes au style, limites qui ont été édictées implicitement, et appliquées tacitement. Et même si quelques riffs typiquement Metal parviennent à se tailler une place au banquet de l’ultraviolence sourde, ils laissent la place très rapidement à de longs crescendos harmoniques qui ne font jamais oublier ces couches de chant terrifiant en arrière-plan.
« Ephemerol » tente justement de replacer la mélodie dans un contexte plus classique et aéré, mais les plages en mid tempo vous rendent si mal à l’aise que vous en oubliez jusqu’à leur existence harmonique. Les longueurs sont patentes, mais envahies d’idées, de son, si bien que ce morceau frisant les dix minutes passe comme dans un coma créatif dont on n’appréhende pas les balises temporelles. Enormes riffs qui plaquent au sol quelques notes circulaires pourtant presque euphoriques, accélérations soudaines qui jouent sur le rythme cardiaque…Cathartique, et en phase avec une réalité de vie qui passe comme dans un dernier souffle…Et même si « Atrophy », reprend peu ou prou les mêmes structures, il les développe de façon plus concrète, et cette fois ci, se permet quelques digressions Post Rock plus affirmées, bien que la colère gronde toujours en surface. La rythmique devient percussions, les guitares sont comme des serpents s’entourant une dernière fois autour de votre cou, pour une dernière descente aux enfers aussi dangereuse que les précédentes. « Petrichor », c’est un peu l’arrivée à destination, ce monde occulte et absurde qui nous attend tous un jour ou l’autre. Notes de piano lourdes pour une harmonie biaisée qui ne rassure pas, et qui s’étend comme une conclusion logique de métamorphose de la laideur en beauté fatale. C’est sans doute le titre le plus abordable d’un point de vue d’assimilation, mais aussi la conclusion logique d’une progression de quarante minutes qui résument le parcours d’une vie entière.
Alors oui, le Crust, le Hardcore font partie des composantes qui n’ont pas survécu à la mutation. Oui, DOWNFALL OF GAIA joue du Post Black Metal, mais pas forcément dans le sens ou vous l’entendez en écoutant des groupes comme PANOPTICON, AGALLOCH ou ALCEST, loin de là. Ils jouent du Post Black parce qu’ils ont repoussé les limites intrinsèques du BM en lui-même, sans en édulcorer le propos et la véhémence. Et Atrophy est en substance aussi terrifiant qu’un De Mysteriis Dom Sathanas, un Aske, ou n’importe quel cauchemar de PAYSAGE D’HIVER. Sauf qu’il ne répète pas les mêmes histoires, préférant se concentrer sur la vie, la mort, et ce qu’un homme va parvenir à glisser entre les deux.
Et DOWNFALL OF GAIA, groupe de premier plan, devient de fait groupe unique. Pas une icône non, juste un fantôme qui vous prévient de la préciosité d’une portion de temps qui vous est dédiée et allouée. Pour que vous ne regrettiez rien, comme eux ne regrettent rien de leur passé musical. Un chef d’œuvre, évidemment, mais aussi un témoignage de ce qu’il est encore possible d’accomplir dans le monde si surprenant du Black Metal. Une lumière noire dans une forêt de sons.
« L’homme n’est rien en lui-même. Il n’est qu’une chance infinie. Mais il est le responsable infini de cette chance » (Albert Camus)
Titres de l'album:
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21/11/2024, 08:46
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