Au Milieu de l'Hiver

Nostalghia

01/07/2022

Autoproduction

Quelle idée étrange pour un groupe mexicain que d’utiliser le français pour baptiser son cinquième album…Mais après tout, pourquoi pas, d’autant que ce titre convient à merveille à la musique proposée sur cet Au Milieu de l'Hiver, cinquième né de NOSTALGHIA, concept originaire de Mexico City. Beaucoup plus d’ombre que de lumière donc, l’intimisme d’un coin reculé de mégapole, pour un deuxième album en 2022, après en avoir sorti le même nombre en 2021. Prolifique, NOSTALGHIA nous fait donc profiter de sa créativité tout au long d’œuvres denses, mélodiques, nostalgiques et sombres, et cette nouvelle étape 2022 permet au « groupe » d’avancer encore un peu sur le chemin de l’affirmation, sans bousculer son crédo et ses habitudes.

Pour faire simple, NOSTALGHIA est le véhicule d’expression d’Alex Becerra, multi-instrumentiste/auteur/compositeur qui visiblement ne connaît pas le syndrome de la partition blanche, puisque outre son implication dans ce projet, il se disperse aussi au sein d’AYSENTHESYS, BEFUDDLING HUBBUB, CUT-A-THROAT WEEK, EEELLILS, FUNEBRE, ILL, et TERMINAL LOVERS. Beaucoup d’imagination musicale donc, pour une expression pour le moins abrasive et mélodique, quelque part entre le Post Metal contemplatif et le Black Metal le plus ténébreux et violent.

Lenteur, puissance, vitesse, endurance, NOSTALGHIA est un concept plus que solide, malgré la régularité alarmante de ses sorties. Et quelques mois seulement après l’excellent Olvido, qui ne nous a guère fait oublier son géniteur, Au Milieu de l'Hiver nous projette dans les affres de l’hiver alors même que l’été ne vient que de commencer. Pourtant, la chaleur est palpable sur ce cinquième chapitre, qui pourrait bien être le plus achevé du mexicain. Caché sous une pochette absolument merveilleuse, Au Milieu de l'Hiver ressemble en effet à ces nuits nordiques sans fin, lorsque le soleil part en vacances pour laisser la lune éclairer la terre. Musicalement, l’affaire est pointue et crédible. Loin des errances contemplatives du Post Black le plus complaisant, NOSTALGHIA se situe entre le meilleur de tous les mondes, et ose des choses inhabituelles dans le genre, ce qui a le don de transformer certains titres en tableaux lumineux, aux contrastes nuancés et aux harmonies bien équilibrés.

Je ne cacherai donc pas mon inclinaison pour le monumental « Le Temps Detruit Tout », qui brosse un portrait assez fidèle d’une saison blanche et froide, via une longue intro atmosphérique presque Lounge, jazzy en diable, avant de céder sous les coups de boutoir d’une bestialité clinique et chirurgicale. Et après avoir subi les assauts répétés d’une rythmique écrasante laissant tomber ses blasts comme des douilles, nous revenons dans le giron de la délicatesse harmonique, avec basse roulante, claviers luxueux et humeur élitiste.

Mais les quatre morceaux formant cette longue symphonie sont autant d’actes d’une pièce jouée en solitaire, dans un coin isolé du monde. Presque construite comme un crescendo, cette symphonie laisse les titres respirer de plus en plus pour que l’album monte en puissance, avec des durées de plus en plus conséquentes. Nous dépassons donc allègrement les douze minutes via le superbe et acide « Liminal », qui une fois encore trouve le très juste équilibre entre violence insupportable et harmonies pastorales et enneigées. Alex Becerra maîtrise parfaitement son propos, et ne se contente pas d’errer dans les limbes de sa propre perdition, mais nous invite à un voyage hors du commun un voyage aux multiples épreuves, au chant de sirènes nous entraînant par le fond, et autres créatures fantasmagorique en lien avec la mort.

Et ce voyage est fabuleux, car imaginatif. Loin des longs motifs inamovibles agissant plus comme des stimuli d’agacement que comme une énergie fertile, NOSTALGHIA dose admirablement bien son effort, et nous offre de véritables déroulés en chanson, riches, complexes, véritables ascenseurs émotionnels qui jouent avec notre perception, comme en témoigne l’alternance perpétuelle de ce fameux « Liminal ».

Et une fois atteint « Scent of Sleep and Tears », l’opération séduction est déjà réussie. Ce qui m’empêche nullement cet épilogue d’entériner tous les compliments formulés en amont, grâce une fois encore à cette variation de ton, d’ambiance, à ces claviers discrets mais en belle opposition, et à cette guitare torturée, moulinant la même mélodie pour mieux la hacher.

Difficile de croire qu’un artiste soit capable de produire deux albums de cet acabit la même année, avec juste quelques mois de recul. C’est pourtant le tour de force accompli par Alex Becerra, compositeur imaginatif et instrumentiste crédible, qui via NOSTALGHIA  nous rend nostalgique de ces hivers anciens, rythmés par le bruit de l’horloge et le feulement des saisons dans les volets.

          

 

        

Titres de l’album :

01. Elegy

02. Le Temps Detruit Tout

03. Liminal

04. Scent of Sleep and Tears


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par mortne2001 le 19/07/2022 à 17:59
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