On a beaucoup glosé sur l’importance cruciale de la scène BM française des années 90 et de l’orée des années 2000, mais dans vingt ans, les spécialistes se retrouveront autour de celle de la scène Post BM des années 2010, dont les rangs grossissent de plus en plus…Si beaucoup se sont vus affiliés de l’étiquette par défaut, et parce que personne n’était capable de dire avec précision s’ils faisaient encore partie de la famille ou non, d’autres portent le genre jusqu’à ses dernières limites, et méritent donc cette étiquette « Post » si facile à accoler lorsqu’on ne sait plus quoi dire, mais qui finalement, s’avère assez précieuse lorsque la situation s’en accommode…Et nous pouvons compter sur la fidélité du label des Acteurs de l’Ombre pour nous guider dans le labyrinthe de sorties, eux qui montrent tant d’exigences avant de signer un groupe…A la vie à la mort, et les distributions étant rares et précieuses, autant faire attention. La réputation des Acteurs n’étant plus à faire depuis des lustres (qualité des sorties et du packaging, toujours soigné), faisons leur entièrement confiance lorsqu’ils affirment qu’un premier album fait preuve d’une étonnante maturité. Après tout, comment ne pas se laisser séduire par les productions d’un comité de passionnés nous ayant déjà offert AU-DESSUS, REGARDE LES HOMMES TOMBER, THE GREAT OLD ONES ou PENSEES NOCTURNES, et autres artistes désireux d’aller plus loin que le commun des créatifs qui la plupart du temps, confondent vitesse et précipitation ?
C’est pour ça, et pour ceci aussi, que j’ai décidé de me pencher sur le cas des toulousains de HEIR, qui nous offriront fin octobre leur premier album, sanctionnant une jeune carrière déjà touchée d’une démo trois titres en mars 2016…
De quelles influences ces héritiers se targuent-ils d’être ? Nul ne le sait, tant les références abondent sur leur premier LP, références qu’ils ont tôt fait de masquer de leur propre art consommé pour allier brutalité, lourdeur, et nuances modulées pour se fondre dans une violence de surface, qui ne cache pas totalement un désir de lumière, même fortement tamisée. Difficile d’en savoir plus sur leurs options, les musiciens étant relativement peu diserts sur eux-mêmes, tout au plus pouvons-nous les énumérer presque nommément (L.H – chant, D.D – batterie, F.B – basse, M.D et M.S – guitares), et préciser que l’artwork de leur premièr album est d’une beauté emprunte de sobriété qui en dit plus long qu’il n’y parait sur leur musique.
Cette musique s’articule autour de cinq longs morceaux, pour quarante minutes de musique, et le mot n’est pas galvaudé. Si celle-ci se revendique clairement des fondements les plus bruts du BM le plus abrupt, elle n’hésite pas non plus à tomber dans la grandiloquence morbide d’un Doom tirant sur un Sludge presque symphonique dans l’esprit, mais incroyablement rauque dans les faits. Les deux aspects de composition des toulousains ne sont toutefois pas clairement scindés, mais associés dans une même démarche, ce qui en soi contredit presque cette appellation « Post » dont on a décidément du mal à savoir que faire. Mais HEIR est plus que du Black, beaucoup plus. Ils en ont la violence, l’abrasivité, l’absence de concessions, mais aussi la liberté de ton, et l’amour de l’art, qu’ils détournent à leur égard, pour le transformer en expression de rejet de l’humanité, qu’ils semblent exécrer au même titre qu’une timidité instrumentale qui se situe aux antipodes de leur optique. Ici, on ose, des plans qui se complètent et s’entrechoquent, des parties de guitares qui se fondent dans une rythmique allégorique (« L’Âme des Foules », le plus bref, mais l’un des plus denses, avec ses riffs concentriques en hypnose de l’ouïe, et ses dissonances presque en complaintes), des vocaux qui se perdent dans l’écho d’un arrière-plan, et beaucoup de transitions très intelligemment amenées, qui nous font passer de la vitesse la plus déraisonnable à la lourdeur la plus oppressante.
De fait, il est très difficile de croire que cette symphonie de l’outrance en hommage à la misanthropie émane de jeunes musiciens s’étant à peine fait les dents sur une simple démo. Ils maîtrisent tant leur vocable musical, qu’ils accompagnent de textes hurlés avec conviction, qu’on a le sentiment d’avoir affaire au fameux « album de la maturité » d’un groupe confirmé, qui a déjà suffisamment trempé ses doigts dans l’acide pour savoir quand les retirer pour crier. Sorte de jungle inextricable de sons pourtant parfaitement associés les uns aux autres, Au Peuple De L'Abime nous force à regarder dans les abysses du Black le plus noir pour en revenir les yeux chargés de craintes Sludge et Doom, et de désillusions quant à la capacité d’une espèce à assurer sa propre survie.
Celle-ci, selon les auteurs, passerait plutôt par une éradication méritée, mais surtout, par un traitement musical de purgatoire qui penche plus vers les Enfers que vers un Paradis illusoire. Un Paradis que la morale Judéo-Chrétienne essaie de nous vendre depuis des siècles, et qui se trouve vilipendé dès l’intro en blasts de « Au Siècle des Siècles », sommet de brutalité, qui ose la redondance comme choc initial, avant de nous dévorer de lignes vocales enterrées dans le mix. Le chant de L.H, très effacé et pourtant très présent, agit comme une ligne rythmique supplémentaire, qui vient gronder le long de coups de caisse claire assénés avec conviction, profitant d’ailleurs d’une production un peu sourde qui sied admirablement bien le propos artistique en magma.
Inutile de chercher à tendre une perche vous permettant de vous agripper à des références rassurantes, car ici, rien ne se veut rassurant. Le confort d’écoute n’est pas la priorité des toulousains, qui au contraire, cherchent à nous déranger de pesanteur lorsqu’on s’attend à une envolée de célérité, ou qui brisent la ligne d’oppression au moment où l’air commence à manquer. On pourrait pourtant se servir de quelques allusions pour les situer, en abordant leur grandiloquence nihiliste par le versant ANOREXIA NERVOSA, ou en décrivant leur soif d’ailleurs en les rapprochant de THE GREAT OLD ONES. Mais les HEIR n’ont nul besoin de tuteurs pour tenir debout, comme en témoigne l’ambitieux « L’Heure d’Hélios », dispensant sa douce mélodie comme un HYPNO5E repu de ses voyages au centre de la terre. Epiphanie d’une vision très personnelle de l’extrême, ce morceau est un diamant noir qui laisse soudainement éclater sa funeste lumière dans une gerbe de blasts et de démence instrumentale, qui tente tout, et réussit tout, dans un élan progressif incroyablement énergique et pourtant si varié. Et c’est sans doute celui des cinq qui mérite le plus la dénomination Post, tant ses harmonies amères accompagnant de lourdes processions rythmiques et vocales visent plus loin que le simple BM de surface…
Mais je n’en dirai pas plus sur le contenu du reste d’un album qui repose quand même sur un principe de surprise et qui souhaite vous prendre à revers pour mieux vous faire accepter une autre réalité musicale. Au Peuple De L'Abime vous plongera donc dans une crevasse de violence, de laquelle émerge à peine une humanité grouillante, qui cherche désespérément le salut. Salut qui ne viendra jamais, et dont la fin de non-recevoir est magnifiquement signifiée par un quintette qui représente un Armageddon sonore plus que terminal.
Titres de l'album:
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