Déjà le virage délicat du troisième album pour les parisiens de SEIDE, un troisième album attendu de pied ferme par les fans du groupe qui ont toujours du mal à se remettre de Beyond the Fallacy, le choc précédent publié en 2017. Il faut dire que le groupe n’a jamais caressé sa fanbase dans le sens du poil, ne prônant aucune autre valeur que le refus à l’attachement à un quelconque dogme, ce qui permet d’apprécier leur trajectoire déviante avec tout l’individualisme qu’elle implique. On le sait, le quatuor ne s’affilie à aucune autre école de pensée que la sienne, et sa musique à ce côté unique qui la rend si spéciale. Inutile d’attendre de ses œuvres un démarcage plus ou moins habile sur les classiques, puisque ses compositeurs la préfèrent démarquée, spéciale et surtout, viscérale. Ainsi, Auakistla ne déroge à aucune règle, puisqu’il n’en existe aucune, mais nous entraîne une fois encore dans les abysses de la noirceur la plus absolue, avec toujours ces références historiques et lettrées que le groupe affectionne tant. Pas question toutefois d’élitisme ici, puisque le BM de SEIDE est toujours farouchement indépendant et original, n’hésitant pas à faire appel à des instrumentations extérieures si le morceau le réclame. C’est ainsi qu’on retrouve du saxo au menu, instrument qui a su se faire une place dans les limbes de la colère bruitiste underground, mais que ce gimmick n’en reste pas un : le plus important est le reste, ces morceaux souvent dissonants, toujours éminemment brutaux, qui dégagent de nouvelles pistes. Et celle suivie par Auakistla vous entraînera loin dans le temps et l’espace.
Auakistla, qui signifie « sècheresse » en nahuatl, une ancienne langue mexicaine, est à l’image de son titre. Aucune humidité ne s’en émane, et l’approche est toujours aussi sévère et ascétique. Cette langue, au même titre que l’utilisation du saxo n’est pas qu’un caprice, puisque le morceau « Noche Triste » évoque la déroute d’Hernán Cortés à Tenochtitlan en 1520, devant la rébellion Aztèque. Il n’est donc pas étonnant de retrouver les parisiens (Count D. - chant, Shub Niggurath - guitare, chœurs, Wotan - basse et Naar Zeroth - batterie, line-up inamovible depuis 2012) au casting d’un label mexicain donc, qui a certainement dû se frotter les mains en entendant le résultat de ces dernières années de composition. Le groupe a profité de la conjoncture actuelle peu favorable pour peaufiner son retour, et sans avoir le recul suffisant, il n’est pourtant pas prématuré de désigner Auakistla comme l’effort le plus complet du quatuor.
Enregistré par Andrew Guillotin au Hybreed Studio, Auakistla à ce son si sec qui sert admirablement son propos, même si la rondeur des graves est appréciable. Julien Hovelaque (L’ECLAT DU DECLIN, ex-AVE TENEBRAE) a quant à lui assuré le mixage et le mastering, et le travail conjoint des deux hommes permet à cet album de jouer avec les ambiances sans dénaturer son propos. Et après la charge frontale et bestiale de « Les Repus d'Avant l'Apocalypse » qui se replonge dans l’âge d’or du BM scandinave, et « Exécrable Créature » qui nous rappelle à quel point la scène française est l’une des plus importantes du mouvement, c’est « La Bête Humaine » qui nous cueille à froid avec ses stridences et sa pesanteur. En à peine plus de quatre minutes, et après une intro grandiose, le groupe pose les jalons de ses obsessions disharmoniques, et nous traîne sur le chemin d’un BM maladif, oppressant, mini-traversée du désert sans oasis ni gourde d’eau. Trop personnel pour être comparé à des valeurs sures (dont ils font en plus partie), le style de SEIDE gagne en maturité d’écriture, ose des licks de guitare approximatifs mais irritants, et surtout, impose une atmosphère confinée et glaciale qui se pose en opposition avec la chaleur suffocante de son titre.
Une fois encore, et tout au long de l’album, les humeurs se succèdent et n’ont que deux points communs : la résignation de leurs thèmes musicaux et la richesse de leur orchestration. N’ayant recours aux sacro-saints blasts que lorsque la violence le réclame, le groupe préfère utiliser les percussions à plein régime et laisser à Naar Zeroth le loisir de développer son jeu, ce qu’il fait en nous comblant de fills et de ruptures sur « La Danse des Pendus », LE fameux titre au sax. D’ailleurs, ce sax est malmené par ZarC (aussi batteur du groupe ENEMY OF THE ENEMY) et s’époumone jusqu’à ce que la vitesse s’impose de nouveau de façon totalement inattendue. Climat Jazz donc pour débordements BM incontrôlés, la donne est donnée, et la luxure s’impose dans les interstices de la brutalité.
Et après un court interlude Ambient du plus bel effet, le groupe entame la dernière partie de son parcours en changeant une fois encore de trajectoire, « Noche Triste » multipliant les effets et les larsens pour évoquer cette sombre nuit de violence aboutissant au massacre de ceux qui refusait la conquête espagnole. Et lorsque « Sécheresse » intervient en tant qu’épilogue, le fan est conquis depuis longtemps, et rassuré par l’état de santé créatif de son groupe. Encore une fois, en ayant recours à ces fameuses dissonances, SEIDE rend sa musique aussi maladive qu’un cancéreux en stade terminal, et rappelle le meilleur MARDUK, celui de Rom 5 :12.
L’apocalypse annoncée a donc eu lieu avec le retour fabuleux des parisiens qui repoussent encore les limites en refusant les diktats éthiques du BM traditionnel. La grandiloquence est bien là, mais traitée de façon différente et plus minimaliste, le bouillonnement des cerveaux se sent sur le moindre plan, et Auakistla représente plus qu’une simple étape pour SEIDE : un pas de géant loin du néant.
Titres de l’album:
1. Les Repus d'Avant l'Apocalypse
2. Exécrable Créature
3. La Bête Humaine
4. La Danse des Pendus
5. Feu De Joie
6. Noche Triste
7. Insectes
8. Sécheresse
Ca c'est de la musique, de la bonne, vicieuse et pleine. Excellent groupe français largement sous estimé.
Et belle chronique merci
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