Doit-on attendre d’un groupe presque majeur, tête de B-list des années 80 qu’il revienne avec un chef d’œuvre après plus de vingt-trois ans de silence ? La question peut avoir son importance, mais doit être abordée avec objectivité, et avec un certain nombre de facteurs en tête. D’abord, le groupe en question a-t-il déjà publié un magnum opus durant son âge d’or ? Si la réponse est non, la question en elle-même n’a plus lieu d’être. Si oui, l’époque était-elle différente ? La réponse à cette question étant obligatoirement positive, l’autre question devient tendancieuse et son issue biaisée. Une fois toutes les données assimilées, une fois tous les paramètres pris en compte, il devient alors assez simple de savoir si Awakening de SACRED REICH mérite la volée de bois vert qu’il a reçu ces derniers temps sur la toile, les chroniqueurs revanchards les ayant connus à l’époque se soulageant la vessie verbale sur ce nouvel LP, qui en effet, joue le retour en mode mineur. Pour tenter de jouer les avocats du diable, je peux comprendre cette ire littéraire et musicale qui guide le clavier des dits chroniqueurs, le disque en question accumulant les handicaps dès le départ. De sa pochette franchement minimaliste au trait forcé et forcément estampillé vintage, à sa production étonnamment déficiente, en passant par sa brièveté surprenante (quel cador se permet en 2019 de sortir un disque dépassant à peine la demi-heure ?), le groupe de Phoenix n’a pas vraiment mis les plats dans les grands et semble même jouer la carte de l’humilité, cherchant presque refuge dans l’underground qu’il a quitté en 1987 avec la sortie d’Ignorance. Alors, l’Arizona a-t-il changé au point de devenir méconnaissable aujourd’hui ? Et à quelle sauce les SACRED REICH nous ont-ils vraiment accommodé leur comeback ? Pour le savoir, il suffit d’écouter ces huit morceaux, qui avec leur modestie presque embarrassante font pourtant partie de ce que le quatuor nous a proposé de mieux depuis…très longtemps.
Prenez d’abord note que je n’ai jamais considéré le REICH comme un groupe majeur, mais plutôt comme un solide acteur de série B connaissant son boulot. Aussi fougueux fut-il back in time, Ignorance n’était tout au plus qu’une habile copie émoussée des coups de fouet du SLAYER impitoyable des années d’or et de sang, démarcage qui n’avait d’ailleurs pas échappé aux journalistes de Hard-Rock Magazine qui avaient souligné le caractère cavalier de l’hommage. The American Way heureusement montrait le visage plus mature d’un groupe peut-être plus à l’aise artistiquement avec les nineties annoncées, et reste pour moi l’achèvement majeur des arizoniens, le plus solide de bout en bout, et plus puissant que tout ce que le groupe sortira par la suite. Le reste de leur production n’éveilla chez moi qu’un intérêt poli, mon dernier acte de passion consistant à écouter Independant de bout en bout, sans bailler, et Dieu sait pourtant si ce LP était truffé de fillers et de riffs à faire mourir d’ennui un fan de Kerry King. Mais pour rester franc, je me dois de préciser un élément qui vous permettra de comprendre pourquoi ma passion pour le groupe est née et morte assez rapidement. Et la réponse se résume à deux mots, un homme, un jeu. Dave McClain. Aussi honoré et capé soit le batteur, je n’ai jamais pu supporter son jeu, beaucoup trop propre et carré pour appuyer des riffs, une sorte de clone Thrash de Nicko McBrain, le batteur le plus insipide du Metal, dont la technique ne souffrirait pourtant pas d’être remise en cause. Je m’excuse par avance pour ce blasphème que ses fans ne manqueront pas de conspuer, mais j’ai ressenti la même frustration lorsque Dave remplaça l’énorme Chris Kontos dans MACHINE HEAD, privant le groupe du groove énorme de son premier LP, et admettons-le, son seul avantage sur la concurrence. Alors l’annonce du retour du batteur après des années de souffrance dans MACHINE HEAD ne m’a pas vraiment donné envie de me jeter sur cet Awakening qui s’annonçait comme la non-surprise absolue qu’il avait l’air d’être, et pourtant…
Et pourtant quoi en fait ? Et pourtant, cette libération semble avoir boosté le jeu du batteur qui a enfin abandonné ses fills trop clean et sa frappe trop polie au placard, pour se la jouer limite Hardcore et enfin cogner comme on le savait capable. C’est franchement pour moi la véritable révélation de cet album, de voir enfin ce percussionniste sortir du placard pour se laisser aller, et planter des contretemps furieux, des parties de double qui sentent l’envie d’en découdre, et surtout, de varier un peu les roulements et les descentes de toms pour donner de l’énergie à des morceaux qui en avaient vraiment besoin. Car le SACRED REICH de 2019 a beaucoup de retard à rattraper, même si sa légende lui permet de rester confortablement installé sur un trône peut-être un peu usurpé. Le formidable atout de ce premier LP depuis Heal est décidément la guérison dont le groupe avait besoin pour revenir au premier plan, et l’intelligence des compositeurs a été de ne pas chercher à reproduire une formule magique (celle de The American Way modulé d’une impulsion Ignorance eut été la plus simple à utiliser), mais bien de laisser leur instinct naturel parler pour accoucher d’une œuvre certes humble, mais diablement efficace. Et si les morceaux lâchés en hors-d’œuvre n’ont pas convaincu les foules, ils font pourtant partie des plus directs et percutants que le groupe a signé depuis « Independant » ou « The American Way », ce que ces trente minutes prouvent à chaque seconde. Oh, rien de miraculeux, rien que l’on n’a déjà entendu de leur part, mais une vraie joie, une vraie simplicité, et une complicité qui jaillit de « Divide & Conquer » qui ressemble au regard qu’un musicien peut jeter sur son illustre passé, mélange de fierté et de nostalgie, et de bonheur d’avoir connu ça en temps et en heure.
Alors non, la production n’est pas terrible, et certainement pas digne d’une trademark Metal Blade. Le son est trop nivelé, la basse trop calmée, et la batterie assez roots. Mais elle convient parfaitement aux chansons, ce que l’on sent dès l’ouverture. Alors oui, l’album est court, trop même au regard d’une absence de plus de deux décennies, mais là où bien des institutions auraient commis le faux-pas de blinder pour blinder, SACRED REICH a préféré se contenter de quelques chansons fortes, et d’arrêter sa course pile au bon moment. Non, tout n’est pas parfait, la mélodie de « Salvation » ressemble à un ersatz de Thrash des années 90 servi réchauffé au micro-ondes, mais sincèrement, vous auriez cru les mecs capables de nous saucer du riff redondant de « Killing Machine » comme s’ils toisaient le PRIEST de la tête et des épaules ? Moi non plus, et toujours aussi efficaces, Phil Rind et Wiley Arnett se permettent de combiner la franchise de PANTERA et le classicisme de Rob et les autres pour accoucher d’un monstre de groove, qui n’aurait pas démérité il y a trente ans. D’ailleurs, Wiley ne se prive pas pour nous torcher quelques interventions qui prouvent que son doigté est toujours aussi précis (je me demande d’ailleurs quand son boulot sera réévalué à bonne échelle ?), et les gars sont si heureux de se retrouver qu’ils s’autorisent des incartades presque délirantes, validant le parallèle avec PANTERA lorsque le binaire groovy de « Death Valley » se joue de la NOLA, et du Desert Rock de façon plus générale. De la cowbell sur du SACRED REICH ? Oui monsieur, et le pire, c’est que ça fonctionne…
Alors non, une fois encore, je ne rejoindrai pas la masse bêlante, et j’affirmerai mes positions. Parce que « Revolution » me ramène à Surf Nicaragua, avec son rythme Punk et son feeling Hardcore, entre les DESCENDANTS et DISCHARGE, et parce que « Something to Believe » sonne comme s’il avait été enregistré en 1996. D’autres raisons ? La naïveté de penser qu’un album parle à chacun de façon différente, et qu’un groupe ne dégage jamais de consensus. Mais à partir du moment où il vous donne du plaisir, il convient que vous le remerciez. Ce que je fais au travers de cette chronique, sans doute trop longue, mais d’une sincérité indéniable.
Titres de l'album :
01.Awakening
02.Divide & Conquer
03.Salvation
04.Manifest Reality
05.Killing Machine
06.Death Valley
07.Revolution
08.Something to Believe
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