Il y a des disques qu’on aime pour des raisons précises, parce qu’ils prêchent votre chapelle, parce qu’ils font appel à un sens de la nostalgie, parce qu’ils sont novateurs, ou juste parce que la musique qu’ils proposent en appelle à votre ressenti, sans que l’on puisse expliquer pourquoi en posant une équation charnelle sur le papier. Chacun lit une partition, un poème, ou une histoire comme il le ressent, sans avoir besoin d’expliquer ses inclinaisons. On appelle ça le libre arbitre.
Certains musiciens jouent une musique immédiatement identifiable, estampillée d’un sceau bien précis, se situant dans les balises d’un style, d’une influence, d’un courant. On joue comme on peint, on prend d’abord une toile vierge et puis on commence les contours, ou le thème central, on essaie de provoquer une réaction chez celui qui regarde, qui écoute, qui danse, ou qui…secoue la tête.
Et l’avantage avec MALEMORT, c’est qu’on ne se la prend jamais. Parce qu’ils ne sont pas là pour ça. Les électrons libres nous avaient déjà avertis de leur refus des carcans sur leur premier album French Romances, qui nous promettait une histoire d’amour à la française, et aujourd’hui, ils reviennent avec le parcours d’un quidam perdu dans l’errance artistique et humaine de la découverte des années folles….Programme s’il vous plaît ? Oh, il est coloré et richement illustré….
J’embarque dans votre voyage, sans bagages…
Ce voyage préparé par nos trublions préférés est chaotique, complètement fou, sans obligation, sans repères, mais c’est justement ce qui fait son charme irrésistible. Second délire enveloppé dans un superbe artwork de Nicolas Dubuisson, Ball-Trap ne vous fait pas le coup du tir aux pigeons d’argile, mais ne vous prend pas non plus pour l’un d’entre eux. Avec Xavier, Seb et Seb, Steve et JC, le bonheur est assuré, mais la fête n’est pas aseptisée pour autant. Nous ne sommes pas dans un monde à la Pleasantville, en monochrome et sourire de façade, mais celle qu’ils utilisent pour balancer la sauce est puissante, mouvante, coulante, et débordante d’un groove qui n’appartient qu’à eux, comme leur personnage de fiction.
En suivant ce conte pas pour enfant, vous risquez de croiser Madame, de swinguer sur les accords de Django, de sentir le velours des tapis et de miroiter un avenir sous les ors décorant des murs presque décrépis. Vous reniflerez la poudre, la terre, la mort, mais au final vous vous sentirez plus vivant que le jour où vous avez perdu votre première dent, ou votre pucelage sur le banc d’une voiture volée pour l’occasion. Car là est l’aventure intérieure proposée par le quintette, qui une fois de plus n’en a fait qu’à sa tête, qui est autant de bois que sa musique est d’or….
Moment clé dans la carrière d’un groupe qui a choisi d’oublier coûte que coûte des références qui sont autant de croutes sur une plaie béante, ce deuxième album est plus qu’une réussite, c’est une célébration de la musique, un dernier hommage à la liberté de création, de la folie baroque d’une époque où on tentait d’oublier les tranchées pour se focaliser sur le plaisir débridé, au risque de s’endormir à jamais dans des volutes d’opium qui tournaient en cercle autour de votre âme, déjà damnée probablement.
Une fois de plus, MALEMORT en choisissant de ne pas choisir à fait le bon non-choix, même en prenant le risque de s’aliéner un public avide de perspectives claires.
Car Ball-Trap, c’est une plume affinée et inspirée qui frotte les cordes d’instruments qui ne veulent pas être accordés à des codes trop fermés. Alors on valse, on tangue, on jazze, on rocke comme les fans de musique que nous sommes, sans trop se poser de question.
Dès l’entame éponyme, la messe lubrique est dite, et la clique nous embarque sur un bateau d’ivresse, sous une lune de Metal en fusion, de swing à l’unisson, et on fait virevolter Madame qui ne voit plus Monsieur, et qui finalement, s’arrache les cheveux sur le Thrash furieux d’un « Mille Regards », qui sont autant d’yeux posés sur elle…Elle est belle madame, elle est libérée, elle n’a pas plus de complexe que n’importe quelle piste de cet album qui la quitte souvent en montant dans les tours, et en faisant crisser les pneus sur l’asphalte…
Difficile de décrire une ode au refus…Difficile de poser des mots sur une musique désenchaînée, mais on peut à la rigueur souligner celle de ces musiciens qui jouent comme ils respirent, et qui dessinent une sarabande enivrante qui pendant trente-huit petites minutes nous fait oublier notre quotidien morne.
On parle de maréchaux déchus et engoncés dans des uniformes tâchés du sang des poilus, de swing futile et d’amours perdus, mais si le mot « concept » pointe le bout de son nez, c’est qu’il est débarrassé de toutes ses pompeuses prétentions pour devenir conte de fée déjà usée par la routine et les illusions fumées.
Vous aimeriez sans doute que je sois plus précis dans ma description, mais ne comptez pas sur moi pour faire des comparaisons, ce serait manquer de respect à ces créateurs de l’extrême qui pourtant se situent à la croisée des chemins.
C’est violent, assurément, dansant évidemment, chantant, heureux mais pas dupe, et si vous souhaitez des éléments plus concrets, tout ça a été enregistré au Concrete Studio par Mobo (GOROD, LOUDBLAST, MERCYLESS), et bénéficie donc d’une production parfaite, un peu sèche, mais qui donne de l’espace à chaque individualité tout en jouant la carte de la cohésion de groupe.
Un chant qui surfe sur les mots qu’il trempe de son phrasé unique, qui exhorte les images à sortir de son larynx sans les retenir, tandis que les guitares, elles, font à peu près ce qu’elles veulent…On passe d’une évocation swinguante des années folles avec ce « Cabaret Voltaire » qui est aussi léger et virevoltant que son homologue Post Punk n’était plombé et glaçant, à une incarnation Heavy-Rock débridée et jouée avec le coeur fixé sur le plaisir, de la trempe de « Decadence », tout en tâtant des ambiances en demi-teinte de « La Fille de Manchester », qui sortirait dans la lumière sans une prière….
Et si dans une volonté de plaisir, on tentait de résumer la déambulation par un nom, on retiendrait peut être celui de « Carnaval Cannibale ». Ils vous le disent eux-mêmes, que voulez-vous qu’ils y fassent puisque c’est comme ça que leur vie passe ? Au gré des vers qui combinent l’argot et le bon mot, où la rime se retrouve au bistrot pour séduire une belle et l’extraire du tripot, ou le Metal le plus agressif et rapide côtoie la chanson française sans honte, mais n’est-ce pas là la philosophie de ces illuminés qui croient encore que la musique n’est pas une affaire d’étiquettes mais bien de conquête personnelle ?
Alors on jumpe autour des tables en rebondissant sur le tempo élastique de « Décadence », qui ose le Thrash N’Roll fusion, on prononce « Mon Nom » en laissant sa phonétique s’enrouler autour d’un mid tempo agacé d’une basse ronflante, et on va jusqu'au bout de la nuit boogie pour « Vaille que Vaille », tenter de trouver un sommeil à tout jamais troublé par une partie de Ball-Trap de l’enfer…humain.
Ce disque est une tranche de vie, une rondelle de citron qu’on pose sur une platine-cocktail et qui s’y colle comme une mouche sur une vitre au soleil. Celui des MALEMORT brille de ses propres merveilles et si vous connaissez ma plume, vous avez certainement remarqué que dans cette chronique sans influence nominale citée, seul celui de MALEMORT a droit de cité.
Pourquoi ? Parce qu’il est unique et qu’il serait insultant de le comparer. Jouez cet album et fermez les yeux. Vous pourrez sentir le parfum des belles du matin qu’on a déjà payées mais qui traînent pour ne pas repartir de là où tout le monde vient. Ce néant de nostalgie qui nous fait danser au son des temps où la liberté de chanter était plus importante que les guerres de styles gangrénées. Ce temps où l’on pouvait s’amuser sans savoir à qui ça plairait, ce temps où…Mais quel temps déjà ? Celui que Ball-Trap s’ingénie à recréer l’espace d’un instant, pour nous faire sourire à la face d’un monde sordide en simulant la folie sur ses instruments, qui s’époumonent jusqu’au bout de la nuit…
Les années sont folles, la poésie est grave ou frivole, mais MALEMORT est comme une petite mort. Des pieds qui décollent, un orgasme auditif, une fontaine d’alcool, et un sommeil plein de couleurs et de souvenirs de picole. Une musique addictive, des mots qui sonnent, et un vent de liberté qui souffle sur l’actualité, qui a bien besoin d’un peu d’oubli pour ne pas tous nous achever…
Titres de l'album:
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
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