Il en va des groupes comme des amis d’enfance. Certains se font désirer et vous obligent à les appeler constamment pour avoir de leurs nouvelles, d’autres disparaissent corps et amitié, et certains à contrario n’hésitent jamais à débarquer chez vous ou à se fendre d’un coup de fil pour entretenir la relation. Jeff Waters fait assurément partie de cette catégorie d’amis/musiciens qui n’aiment pas trop se murer dans le silence pour provoquer des interrogations. Tous les deux ans, le franc-tireur canadien se rappelle à notre bon souvenir avec un nouvel album, ce qui en fait assurément le musicien le plus prolifique du Thrash (si l’on met de côté certains représentants de l’underground capables d’accoucher d’une œuvre dispensable tous les six mois). Mais je l’avoue, aussi forte soit ma sympathie pour le bonhomme, je ne lui ai pas toujours été fidèle. Et pour cause, puisqu’il n’a pas toujours été très pertinent dans son discours. Ses albums nineties n’avaient pas provoqué chez moi un intérêt flagrant, et il me fallut m’enthousiasmer pour l‘intégration de David Padden, chanteur puissant et racé ayant permis à son mentor de retrouver sa créativité pour que je jette deux oreilles attentives à son nouveau travail. Mais fidèle à sa réputation de tyran autosuffisant, Jeff a fini par montrer le chemin de la porte à son ancien complice, reprenant seul les commandes du navire. S’en était suivi un Suicide Society joyeux mais dispensable, mais surtout, un For The Demented efficace et féroce, ce qui confirmait l’impression générale d’instabilité de l’affaire, capable de générer un bon album tous les quatre ans, comme la coupe du monde de football. Si la logique semble régir le petit monde de notre canadien hyperactif, il n’hésite pas à la fouler du pied quand ça l’arrange, et ce dix-septième album en est une preuve formelle. Pourtant, avec sa pochette moyennement attractive et son titre un peu débile sur les bords dans sa recherche d’allitération, Ballistic, Sadistic pouvait inquiéter. Nous étions en doit de nous demander si Waters n’était pas une fois de plus parti en roue libre, lui qui garde le contrôle total de sa musique sans demander l’avis de personne. Mais au lieu de se contenter de continuer tant bien que mal ses expérimentations statiques (aussi bons soient ses disques, ils restent quand même assez similaires dans le fond et la forme), Jeff a opté pour une synthèse globale de sa carrière, mais sous un point de vue perfectionniste. Et autant le dire sans détour, Ballistic, Sadistic fait partie des meilleurs épisodes de la saga ANNIHILATOR.
Le premier qui me sort que ce dix-septième tome n’a pas l’aura d’un Alice in Hell ou d’un Never, Neverland se prend un bracelet clouté de Schmier en pleine face. Personne n’attend d’un auteur qu’il reproduise ses chefs d’œuvre, tâche impossible à laquelle tout le monde a renoncé, même les plus grands. Non, ce qu’on attend d’un album d’ANNIHILATOR, c’est qu’il dégouline de riffs saccadés, de soli inspirés, de breaks syncopés, et qu’il nous offre son lot de chansons à reprendre en chœur à la maison ou en live. De ce côté-là, ce nouveau segment de l’histoire est une épiphanie en soi. Une fois encore composé intégralement par Waters, avec semble-t-il un petit coup de main du bassiste Rich Hinks, et produit par le maître dans ses propres Watersound studios, Ballistic, Sadistic est une ode permanente au Heavy/Thrash le plus exubérant et festif, une démonstration de plaisir personnel partagé en groupe, un festival d’idées toutes plus pertinentes les unes que les autres. Première confirmation, Jeff a fait de méchants progrès au chant, se sentant désormais capable de dominer ses compos des cordes vocales au front sans problème. Son phrasé est de plus en plus précis, sa hargne presque palpable, et son débit s’accorde bien du trop-plein de plans dont bénéficient les morceaux. Nous en avons la démonstration directe dès l’emphatique « Armed To The Teeth » qui sonne comme l’hymne fatal qu’il est, dopé d’un son énorme qui malheureusement, comme souvent ces dix dernières années, confère à la batterie l’âme d’un panzer lâché plein gaz dans la nature pour tout ravager. Ne supportant que très mal ce son de grosse caisse ultra compressé, j’ai eu du mal à savourer la piste rythmique de cette introduction, qui fait pourtant partie de ce que Jeff a composé de plus efficace et direct depuis longtemps. Mais sans faire la fine bouche, et un peu plus de deux ans seulement après son dernier témoignage, ANNIHILATOR se montre dans une forme olympique sans pour autant s’écarter de sa ligne de conduite habituelle. Sauf que cette fois-ci, l’exigence a été poussée dans ses derniers retranchements pour que cet album sonne comme le faux Greatest Hits qu’il est, multipliant les allusions aux meilleurs efforts du concept.
La première impression générée par ces morceaux aboutit à un constat sans appel. Ballistic, Sadistic est l’un des albums les plus expressifs de la créature canadienne, et un survol quasiment exhaustif de son aventure. On retrouve les inserts purement Thrash d’Alice in Hell, les syncopes addictives de Never, Neverland, les automatismes en duo de la période Waters/Padden, mais surtout, le bonheur de pouvoir jouer une musique sans craindre sa réception par les fans, conquis d’avance par tant d’allant. Et il est certain que ne pas se montrer euphorique et hystérique à l’écoute d’un pavé Thrash de la trempe de « The Attitude » relève de la trahison pure et simple. En accélérant méchamment le tempo pour se rapprocher de la nouvelle vague old-school actuelle, Waters joue avec les époques et se moque gentiment de cette génération qui ne manque jamais une occasion de piller les grands anciens dont il fait partie. L’emphase a donc été mise sur l’efficacité, avec en point d’orgue des refrains taillés comme des leitmotivs, reprenant à pleins poumons des slogans qu’on imagine très efficaces en live. Toujours épaulé par l’équipe responsable de la dernière livrée (Aaron Keay Homma - guitare, Fabio Alessandrini - batterie et donc Rich Hinks - basse), Waters lâche la vapeur et compose les morceaux les plus heureux de son catalogue, appels au mosh le plus intense et au headbanging le plus atteint de démence pour nous entraîner dans un tourbillon d’euphorie qu’aucun temps mort ne vient interrompre. On peut se montrer dubitatif face à ce déferlement de colère saine, les plus sceptiques arguant du caractère répétitif de l’entreprise, mais lorsqu’on connaît le parcours et le côté complaisant du musicien, on se réjouit de retrouver la précision diabolique de Never, Neverland sur le terrible et énorme « Psycho Ward ». Et osons le dire, il n’y a pas grand-chose à jeter sur ce dix-septième effort, qui se permet même de tutoyer la perfection d’Alice in Hell à l’occasion d’un radical mais alambiqué « I Am Warfare ». C’est classique, mais tellement sincère qu’on ne peut que se laisser happer dans ce tourbillon de plaisir de jouer.
Lorsqu’il avait dix-sept ans, Waters voulait prouver au monde de quoi il était capable. Aujourd’hui aussi, sauf que tout le monde SAIT de quoi il est capable. Capable de se vautrer dans sa propre satisfaction, sans tenir compte des impératifs de composition qu’il a lui-même définis. Mais à cinquante balais, l’homme parait serein, attaque franc et malin (« Out With The Garbage »), et soigne chaque composition comme s’il devait en faire un hit éternel. On trouve évidemment du EXODUS dans ces morceaux qui explosent à la moindre étincelle, mais on constate surtout que l’homme n’a rien perdu de son touché et de son doigté lorsque les soli brillent de mille notes. Tout n’est pas digne d’un classique, mais l’envie globale et le résultat obtenu permettent à Ballistic, Sadistic de devenir le troisième meilleur album de la saga ANNIHILATOR, celui auquel nous aurions dû avoir droit en lieu et place du mièvre Set The World on Fire. A dans deux ans Jeff ? Ok, mais à condition que tu sois aussi remonté qu’aujourd’hui.
Titres de l’album :
01. Armed To The Teeth
02. The Attitude
03. Psycho Ward
04. I Am Warfare
05. Out With The Garbage
06. Dressed Up For Evil
07. Riot
08. One Wrong Move
09. Lip Service
10. The End of The Lie
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