D’ordinaire, ce genre d’émanations hautement corrosives nous arrive des pays Nordiques, Suède et Danemark en tête de liste.
Mais les énervés et autres agités ne connaissent pas de nationalité, et ce matin, le boucan nous vient de Bologne, Italie. L’Europe a aussi des raisons de hurler sa colère, la situation n’y étant pas franchement meilleure qu’ailleurs.
En tout cas bien moins que dans les pays Scandinaves qui ont choisi la voie du protectionnisme depuis longtemps. Alors…
Appeler les flics ? CALL THE COPS ? Pour leur dire quoi, qu’il y a le feu dans la rue ? Non, visiblement pour les traiter de bâtards, attitude un peu péremptoire en soi, mais assez révélatrice du caractère frondeur de nos anarchistes transalpins.
L’histoire de ces allumés ? Elle est simple, et résumée sur leur Bandcamp. La voici, telle quelle, pour l’amour de la formule.
« Une bande de poivrots qui sont rentrés dans un bar, se sont rencontrés et bourré la gueule en parlant de monter un truc vraiment sauvage. ».
Avec ça vous êtes fixés sur le sort qui vous attend, et les quatorze pistes hautement bordéliques et intenses de ce Bastard ne feront rien pour contredire ce postulat/biographie un peu romancée je suppose. Le leitmotiv de ces Italiens pas vraiment en phase avec leurs contemporains ? « On emmerde le fascisme, on emmerde le racisme, l’autorité, le sexisme et les enfoirés prétentieux. »
Selon eux, la vie passe trop vite pour ceux qui en refusent les contraintes, et qui refusent aussi de voir leur existence placée entre les mains de tiers qui décident à leur place.
C’est donc pour ça que les lascars ont opté pour une approche très radicale, « subtil » mélange de hardcore vraiment sauvage, de Crust qui fait des ravages, et de D-beat pas vraiment en forme d’hommage. Quoique les accointances qu’ils partagent avec la scène scandinave sont évidentes, de même que les points communs avec le NYHC et le Punk Anglais, ce qui fait d’eux un parfait résumé de la légende underground rebelle de ces trente et quelques dernières années.
Fait plus qu’étonnant, plus de cinquante labels ont mis la main à la patte pour permettre à nos tarés de sortir leur premier LP, et la liste est évidemment non reproductible en ces lignes. Leur page Facebook compte plus de cinq mille followers, ce qui pour un combo né il y a trois ans et terriblement indépendant est plutôt étourdissant, mais après écoute de leur premier effort, je crois comprendre le pourquoi de cette folie douce à leur sujet.
De fait, Bastard n’est ni plus ni moins qu’un des meilleurs albums de Raw Hardcore à tendance D-beat de l’année, sans compromis, sans accalmie, excessif sans tomber dans les excès, plein de rage et de fureur comme à la grande époque de Londres en 77 ou Boston au début des années 80.
Les textes sont bien évidemment emprunts d’anarchie, de révolte et d’ennui, et les CALL THE COPS conchient tout ce qui va à l’encontre de leurs principes, assez radicaux il faut l’avouer.
Avec une production absolument parfaite, équilibrée entre la sècheresse de guitares vengeresses et la rigueur d’une rythmique vraiment volubile, le tout survolé d’une dualité vocale absolument délicieuse de colère et de ressenti, Bastard fait le nettoyage par le vide, et évacue quelques problèmes qui gangrènent notre société, comme le communautarisme ou la montée des extrêmes en politique.
Musicalement parlant, tout ça ne fait ni dans la dentelle, ni dans le biscuit finement préparé. C’est bien évidemment terriblement bruyant, même si quelques intermèdes viennent apporter une légère bouffée d’air frais (« Ode To Riot », qui d’ailleurs rappelle un peu les escapades en acoustique de Michale Graves), sans pour autant briser la dynamique/dynamite de l’ensemble.
Un peu de Punk pur jus en mid tempo pour les afficionados de l’enclume et du marteau (« Orrizonti Di Oppressi », un peu Punk basque ou Espagnol dans l’esprit), un poil d’up tempo qui canalise la testostérone sans rendre les chanteurs aphones (« Gun ‘N’ Knife », le final « Agony Of Living », du même tonneau, mais un poil plus costaud), et l’affaire est emballée dans un body bag du cadavre d’un monde qui a trop agonisé.
Il faut dire que la plupart du temps, le pauvre macchabé est trimbalé sans ménagement, entre Crust vraiment puissant et D-beat pas vraiment rassurant, le tout enrobé dans une grosse couche de paraffine Hardcore qui je vous l’assure, ne sent pas encore le formol.
On pense un peu à la clique des URSUT, MORAL AUTHORITY, TORSO et LESION, en gros, la crème de l’ultraviolence Hardcore qui ne rechigne pas à piocher un peu sur toutes les vignes ses raisins de la colère.
Pas de détails autres à fournir, puisque Bastard est un disque qui s’écoute et qui se vit, avec ses brutales accélérations en forme de coups de pied au cul impromptus, ses accentuations en mid tempo qui tuent, et ses arrangements vocaux qui suent.
En gros, un gigantesque premier album de Hardcore vraiment velu, qui présente un gang sur de ses moyens, et pas vraiment une bande d’alcoolos en goguette qui agitent leur braguette.
Alors de là, d’ici, d’ailleurs, de Trondheim, Stockholm, Londres, Boston ou Bologne, les Punks sont tous unis sous la même bannière et réunis autour de la même bière.
Pas certain que les flics soient enclins à la tendresse en découvrant un truc pareil, mais hurlé à plein mégaphone pendant une manif, ça fait largement l’affaire pour rebooster les troupes.
Une bolognaise bien relevée, qui brûle le palais. Tu m’étonnes que des dizaines de labels ont voulu y fourrer leur nez !
Quelle bande de bâtards…
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