Nous avons dans le sud-ouest de la France essuyé une vague caniculaire bien trop précoce pour être honnête, et tous ceux qui regardent la météo en ont pris acte. Tout effort s’est donc avéré pénible, et toute activité a généré une quantité incroyable de sueur collant à la peau comme des mouches à miel. Vous connaissez cette sensation de vêtements qui se fondent au torse, de ces ruissellements de raie, de bonbons qui collent au papier et de cette odeur de canfouine de fouine qui s’échappe d’aisselles trop malmenées par le soleil. Tout ceci empeste, est désagréable, et vous laisse exsangue, planté comme un piquet au milieu du désert, et attirant les vautours comme une vieille charogne déjà bien entamée par la putréfaction.
Alors, si cette image vous parle, sachez qu’elle décrit aussi à merveille le premier album des américains de TENANT.
Et en guise de propriétaire, vous allez rencontrer un trio assez mal embouché, et entièrement fasciné par la crasse la moins noble et les émanations les plus fétides. Sorti de nulle part, ou plutôt de Kansas City, Missouri, et après avoir lâché une unique démo en 2021, TENANT est l’archétype de groupe que l’on imagine errer dans les marais de Louisiane, ou errer dans une ville fantôme de la Nouvelle-Orléans. Aussi Sludge que peux l’être la crasse entre les doigts de pied des mecs de CROWBAR, aussi maladif et inquiétant qu’une promesse d’EYEHATEGOD, aussi intriguant et néfaste qu’un psaume maléfique lu par les tarés d’ACID BATH, TENANT reste attaché à des valeurs aussi vilaines qu’une grimace de redneck bourré à la gnole. De fait, ce premier album empeste, fouette les naseaux, mais est aussi susceptible de refiler le tétanos et pourquoi pas, une bonne chtouille avec les crabouzes aux poils en cadeau.
Noisy, truffé de feedback et de sustain, de sons dérangeants et autre boucan assourdissant, Beecher's Bibles est une généreuse offrande aux chambres à louer les plus miteuses de Kansas City. Le genre de piaule aux draps souillés, aux murs décatis, et au parfum de tabac froid et d’alcool bon marché. Musicalement parlant, le trio (B.J - batterie, T.L - guitare/basse et L.I - chant) s’en donne à cœur joie dans l’ignominie, les cris de belette, la toux d’un souffreteux en stade terminal, et balance des riffs moisis, lancinants, sur fond de rythmique fatiguée par la chaleur, tout en prenant soin d’agrémenter le tout de quelques chœurs nauséabonds et en réminiscence d’un Death larvé mais réellement effrayant.
Avec pas moins de quatorze morceaux pour plus d’une heure de musique, Beecher's Bibles ne joue pas les pingres, n’amuse pas la galerie, mais nous fait souffrir plus que de raison. Encore plus malsain et vicieux que n’importe quel adepte d’un Sludge nauséeux et vomitif, TENANT réclame le loyer excessif déguisé en Fenriz, tout en laissant son ghetto-blaster dégueuler du ISIS à fond les ballons.
« Regicide », Ambient à mort, entame les hostilités avec des effets insupportables, et une cacophonie d’ensemble qui indique déjà que les voisins ne se gêneront pas pour faire du boucan à une heure indue. Mais c’est évidemment « Human Capital Stock » qui choque le plus, déroulant en sept minutes un laïus lourd dans une ambiance moite, récitant des passages entiers de BLACK SABBATH tout en faisant un gros doigt d’honneur à la politesse de DOWN.
« Rent Notice », parfaitement immonde, « Things Are Gonna Get Worse » interlude en larsen traumatique, « French Quarter » presque boogie mais méchamment nerveux, tout contribue à faire de ce premier album une réussite de décharge sauvage dans les bois, avec une pile d’immondices cachant des trésors d’imagination négative. Car loin d’une simple provocation cheap, ce premier album est impressionnant de maîtrise, et attise les sens les plus vils pour injecter au cerveau sa dose de méchanceté crasse.
Alors, on aime ces figures de roulement à la batterie, et évidemment, cette patine BM qui alourdit encore plus le Metal déjà chauffé à blanc, et cette guitare en prétexte qui délie ses riffs pour éviter toute saccade trop entrainante et guillerette. Je concède au lecteur une affection masochiste particulière à « Hive For a House », litanie parfaitement dégoutante sur fond de vieux Doom passé au tamis Sludge, et une tendresse pointue pour le tas de boue « Baron of Rot », agressif comme un DARTHRONE en mode southern.
Loin d’être lassant malgré son heure de jeu, Beecher's Bibles est une bible Sludge contenant tous les chapitres nécessaires, et surtout, un aveu de méchanceté gratuite jouissif. Missel à l’adresse des croyants les plus fervents et les pécheurs assumés, petite annonce de location d’une cabane pourrie près d’un marais aux eaux stagnantes, et autres images que l’on pourrait employer, Beecher's Bibles annonce donc dans un fracas immense l’avènement d’un nouveau prophète de l’ignoble, et autant prendre les TENANT au sérieux. Car avec eux, les charges ne sont jamais comprises et il faut payer cash.
Même si les chiottes empestent d’une chiasse d’hyène en rut à moitié crevée.
Titres de l’album :
01. Regicide
02. Human Capital Stock
03. John Brown
04. John Brown (cont.)
05. Rent Notice
06. Things Are Gonna Get Worse
07. French Quarter
08. Hive For a House
09. General Electric
10. Baron of Rot
11. Railcar Carrion
12. Ensanguinator
13. Damiens
14. Let's Lynch The Landlord
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