Pour consommer une union, il faut d’abord la créer. Et donc se marier. A l’église éventuellement, mais surtout à la mairie. Et pour se marier il faut une salle des fêtes, des témoins, des invités éventuellement, et puis, ces deux anneaux qu’on se passe à l’annulaire gauche les yeux embués d’émotion. Les alliances bien sûr, que parfois le témoin fait semblera d’avoir oublié pour augmenter le taux de stress déjà élevé. L’alliance et son rond parfait symbolise non seulement l’amour, mais l’éternité en tant que cercle qui ne finit jamais. Et justement, à propos de ça, existe une ALLIANCE qui nous unit aussi à trois musiciens très attachants.

ALLIANCE n’en est pas à son premier doigt sur le manche. Pardonnez cette allusion quelque peu grivoise, mais je raisonne ici en termes d’amour et de plaisir. Et depuis les années 90, ce trio US nous charme de ses mélodies pures et de son énergie Rock certes bridée, mais toujours effective. Avec un nouvel album dans le sa manche, le trio magique se propose de donner une suite logique à Fire and Grace, qui avait renouvelé les vœux il y a de cela six ans. Accueillons donc le trio qui s’avance une fois de plus vers l’autel, soutenu cette fois-ci par le parrain Frontiers pour rester dans une même famille.

Le guitariste Gary Pihl (BOSTON), le batteur M. David Lauser (Sammy HAGAR) et le bassiste/chanteur Robert Berry (3, GTR) se retrouvent donc une fois encore en studio pour élaborer une nouvelle recette magique à base de riffs des seventies (« Good Life » et son entame très « Won’t Get Fooled Again »), de feeling intemporel, et de souplesse nineties. Le résultat, connu d’avance au jugé d’un talent indiscutable est immédiat, et d‘importance. Car si l’association des trois mercenaires de la mélodie semble si évidente sur le papier, elle l’est encore plus en musique, ce que Before Our Eyes souligne de son titre même :

Tout ça crève les yeux, mais aussi les tympans.

ALLIANCE n’a rien changé à sa recette, et se sert au banquet des plus grands artistes du Rock mélodique, avec toujours dans le viseur cette longue expérience que chacun des musiciens met au profit des autres. Le plaisir de retrouver Robert Berry est toujours immense, sa voix voilée étant un vecteur d’émotions pures et sincères, qu’il met parfois au service d’une sensibilité qui ne sombre jamais dans la mièvrerie gratuite. Ainsi, « Joan Of Arc » s’offre une acoustique chaude, et des boucles de basse serpentines qui prouvent que Berry est bien l’héritier plus ou moins direct d’un Glenn Hughes. Mais un héritier plus intéressé par le Rock FM que par le Blues, sans pour autant perdre en authenticité.

Le rapprochement avec les WHO est même validé par le guitariste Gary Pihl, qui déclare, je cite :

« Nothing Can Make You Change » a été une opportunité pour moi d’expérimenter des idées de guitare des années 60/70, en utilisant un riff répétitif en croches rappelant les motifs de synthés de Pete Townshend » 

Un solide ancrage dans la culture traditionnelle donc, pour un trio qui n’hésite pas à durcir le ton quand il le faut pour nous livrer un hargneux « Can't Stop Messin' », groovy en diable qui tâte d’un peu de Funk pour faire danser les convives après le banquet. La communion entre les trois musiciens est toujours aussi parfaite, et leur énergie d’une sincérité désarmante. A l’heure où la plupart des musiciens jouent les cartes les plus évidentes de la reprise à compte d’auteur et de la repompe à toute heure, ALLIANCE s’amuse à mélanger ses références pour accoucher d’une œuvre bien à eux. Et ce nouvel album est sans conteste l’un des plus variés d’une discographie déjà bien fournie.

Des singles en veux-tu en voilà, un binaire indémodable qui supporte toutes les envies, une pointe de simplicité dans la composition pour mettre en avant les talents, et une sorte de version épurée des WINERY DOGS, qui eux aussi refusent catégoriquement de s’enfermer dans une petite case.

Un peu Rick SPRINGFIELD sur les bords, celui des années les plus Hard, pas mal d’influences personnelles venues d’un passé illustre, mais surtout, et le plus important : de la joie. Cet album semble sourire de toutes ses dents, tant il est honnête et heureux de son propre caractère. Je peux non seulement comprendre cette sensation, mais surtout, la valider. Sans aller jusqu’à déjà parler de « meilleur album », Before Our Eyes fait assurément partie des réussites du trio.

Loin de la production standardisée maison, assurée par Del Vecchio ou autre, Before Our Eyes jouit d’un son très pur et très honnête. On ne serait même pas étonné de retrouver un Tony Martin dans les chœurs, ou un Sammy Hagar dans les crédits. Pas de démonstration donc, mais une inspiration poreuse qui laisse passer les éléments, pour aboutir à une sorte de consensus mélodique que « 100 Sad Goodbyes » retranscrit avec beaucoup de pertinence.

Cette variété dans l’attitude confère à ce nouveau long un parfum délicat. On se replonge dans les années 70 où tout était permis et rien n’était impossible. Le bluesy en diable « Tonight » tourmente DEEP PURPLE pour ensuite s’offrir un quadrille avec le Pub Rock, alors que « A Bone To Chew On » nous donne un peu de grain à moudre en version percussions en avant et phrasé méchant.

Souvent à la lisière du Hard-Rock, toujours exigeant sur les arrangements, ALLIANCE tape dans le mille et permet à nos amants de s’unir éternellement. Et ces jolies bagues brillent de mille feux, sans jouer le tape à l’œil. Voilà tout l’art d’un trio qui ne compte que sur une chose pour continuer à exister : l’amour que vous pourrez leur donner.              

Titres de l’album:

01. Tell Somebody

02. Nothing Will Make You Change

03. Too Many People

04. Face Of Justice

05. Good Life

06. Joan Of Arc

07. Can't Stop Messin'

08. Right

09. 100 Sad Goodbyes

10. Tonight

11. A Bone To Chew On

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