Avec une pochette pareille, impossible de ne pas attirer l’œil. D’un graphisme fabuleux rappelant tout autant le Negan comics de la BD, que des petites pelloches de série B comme Monsters ou des chefs d’œuvre de la trempe de Mars Attacks ou La Guerre des Mondes, ce dessin ornant la pochette du second longue-durée des espagnols de PANDEMIA est un témoignage de qualité à lui seul, donnant méchamment envie de confier ses oreilles à ce groupe ibère après lui avoir accordé notre intérêt visuel. Et affirmer que le plaisir visuel est à la hauteur du plaisir sensoriel n’est pas exagéré, spécialement en cette période de disette Thrash assez prononcée. Je m’en plaignais d’ailleurs récemment, déplorant cette sècheresse de production made in Bay Area, qui il n’y a pas si longtemps que ça représentait un pourcentage non négligeable des sorties mensuelles, me voilà donc rassuré de voir que les amateurs de sensations fortes Thrash n’ont pas quitté le navire en voyant les rats plonger. Nonobstant cette euphorie passagère, il convient de placer les casquettes sur les bonnes têtes, et préciser que malgré d’indéniables qualités musicales, les PANDEMIA ne se veulent pas épiphanie de violence, et n’incarnent pas le renouveau d’une vague nostalgique qui a bien failli engloutir le petit monde de l’extrême ces dix dernières années. Car leur approche formelle l’est encore un peu trop, et méchamment fidèle aux préceptes énoncés par les références qu’ils aiment à citer pour se montrer sinon innovateurs, du moins un peu plus audacieux que la moyenne. Et sur Behind Enemy Lines tout est factuel et formel, mais suffisamment efficace pour contenter les accros aux décibels organisés et aux rythmiques appuyées. Ainsi, le groupe originaire de Torrelavega continue donc son petit bonhomme de chemin, et nous donne des nouvelles de son Espagne Thrash natale par le biais le plus classique qui soit.
Il faut dire qu’ils ne nous avaient pas dit grand-chose depuis la parution de leur dernier EP, Agression Desires, publié il y a déjà trois ans. Ce petit interlude se plaçait dans la plus droite lignée de Destino Letal, leur premier effort, paru lui en 2011, et qui présentait une face ibère de violence particulièrement délectable, et forte en brutalité, tout en gardant une certaine mesure dans la bousculade agencée. Et le quatuor à l’énergie retrouvée (Rober - guitare/chant, Eder - guitare, Tatu - basse et Ruben - batterie) revient donc avec une bonne bordée de morceaux puissants dans sa besace, lui permettant de se replacer sous les feux de l’actualité d’un underground qui sombre toujours avec bonheur dans les affres d’un Metal mordant et brutal, qui ne fait aucune concession à la perméabilité des modes. Behind Enemy Lines n’est donc rien de plus ni de moins qu’un des meilleurs albums de Thrash vintage du mois, par défaut certes dans une certaine mesure, ce qu’il prouve néanmoins de la moindre de ses rythmiques et du plus anecdotique de ses riffs, taillés jusqu’au bout des cordes pour reprendre le vocable des incunables parus il y a quelques décennies, et que ces musiciens se plaisent à reproduire pour notre plus grand plaisir. Leur page Facebook ne fait d’ailleurs pas grand cas de l’égide traditionnelle sous laquelle ils se placent, et cite au hasard de la mémoire les AGGRESSION, ATROPHY, DEATH ANGEL, EXODUS, DEMOLITION HAMMER, GAMA BOMB, ESTIGIA, KORZUS, HYPNOSIA, ASPID, VIOLATOR, SLAYER, HEATHEN, KREATOR, XUDEF KLAS, ou ANTHRAX, histoire de couvrir le plus de terrain possible. Et si certaines de ces allusions font mouche, d’autres relèvent plus de la passion personnelle que de l’inspiration réelle. Mais qu’à cela ne tienne, puisque le résultat est à la hauteur des ambitions, et affiche même une nouvelle impulsion transformant ces neuf nouveaux morceaux en autant de petites bombes à fragmentation.
En associant la rigueur rythmique des ASSASSIN, SLAYER et autres EXUMER, à l’intelligence Heavy des FORBIDDEN et EXODUS, les amis ibères frappent fort, en plein cœur de la cible, et nous offrent donc un album aux contours policés, mais à la furie débridée. Leur technique affutée leur permet toutes les combinaisons et possibilités, bien que leur caractère les fasse opter pour une modération de ton, que quelques blasts viennent perturber de leur énergie décuplée. On nage en pleines eaux déviantes, mais le bonheur de retomber sur un LP de Thrash bien troussé permet d’excuser quelques timidités, notamment au niveau du classicisme de riffs qui peinent à faire oublier les pierres angulaires du genre. Tout est bien ordonné, la production est propre comme un short neuf, et si la folie s’articule parfois autour de breaks plus euphoriques que la moyenne, la structure globale des titres suit à la double croche près le cahier des charges. On se reporte alors sur l’entrain d’un batteur qui n’hésite pas à multiplier les fills et autres breaks subtils, et qui se prend subitement pour un Lombardo, accordant au reste du groupe une plus grande latitude pour empiler les plans, comme sur ce foudroyant « Suicide Squad », bien plus bandant que le faux film homonyme de super-vilains pathétiques et parfaitement chiants. Mais on peut aussi s’identifier à ces soudains accès de rage qui rapprochent nos amis espagnols du jour de la furie sonique des EXUMER lorsqu’ils partent en vrille dans des délires d’invasion et d’alliance zombie, via un lapidaire « The Last Zombie Alliance », qui confère alors à l’ensemble un sympathique parfum d’innocence teenage. Et comme ils ont la décence de se lâcher au son d’un break parfaitement mosh et d’un solo digne des estimables GRIP INC, on adhère au propos et on détale comme des lapins histoire de ne pas se faire bouffer l’arrière-train.
Morceaux concis, toujours portés par des idées simples mais efficaces, attitude noble et petit grain d’ivresse qui fait du bien aux oreilles, ce second album des PANDEMIA risque en effet de déclencher une vague d’euphorie, puisqu’il symbolise à lui seul tout ce qu’on a toujours aimé dans le Thrash. Agissant comme un virus insidieux nous transformant en créatures décérébrées tout juste capables de headbanguer comme des damnées, ce LP est fortement recommandable à tous les fans de la seconde vague US des 80’s, dont il reprend le vocable à la virgule près, sans chercher à s’en éloigner. Mais en jetant notre dévolu sur ce genre de jet, on sait parfaitement à quoi s’attendre, et inutile donc de reprocher au quatuor une trop grande fidélité aux principes éprouvés. Il convient plutôt de saluer leur interprétation au biseau, et leur volonté de trouver un équilibre parfait entre accrochages Heavy et bousculades en speederie, ce qu’un titre comme « Signs Of Life » démontre de ses syncopes léchées et de ses embardées calculées. Une nouvelle pièce à verser au dossier déjà fort épais du Thrash nostalgique que personne n’a pu oublier, et surtout, l’occasion de se tirer la bourre pendant une grosse demi-heure, sans se prendre la tête, mais en la frappant contre la fenêtre. Une pochette superbe pour un album nickel, de quoi entamer ce mois de mars sous des auspices cruels. Et on ne demande rien de plus.
Titres de l'album:
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