Commencer sa semaine avec un album capable de faire passer l’écurie Sentient Ruin pour un camp de scouts chrétiens euphoriques et empathiques est un plaisir qui ne se refuse pas. Et c’est du côté des polonais de Godz ov War Productions que je suis allé chercher cette petite perle, déflagration immense balayant une ville de moyenne importance plus efficacement qu’un concert d’ultrabasses.
BLASPHEMOUS FIRE, comme son nom l’indique, est un feu blasphématoire, un incendie païen qui dévore tout sur son passage, malgré son manque d’expérience. Originaire de Lisbonne, ce concept presque sorti de nulle part (puisque né sur les cendres de SUMMON, en activité entre 2016 et 2022) balaie les convenances, range les serviettes encore salles, et se repaît de pourriture, de désespoir et de méchanceté froide et sans pitié.
On le sait, le Death Metal n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il est moche comme un pou teigneux. Cette affirmation a bien été assimilée par ces quatre portugais qui avec ce terrifiant Beneath The Darkness explorent les sous-couches de l’underground, à la recherche des sonorités les plus graves et abrasives. Et si l’album prend son temps pour infuser son poison, une fois ce dernier dans vos veines, la guérison n’est plus possible. Vous êtes devenu un pauvre zombie errant sur la surface de la terre à la recherche de sa pitance.
Beneath The Darkness est un album parfait, si on l’observe sous le bon angle. Entre Death cru et bestial et Death/Doom poisseux et animal, il développe de belles théories de putréfaction, entre la chambre mortuaire et le cercueil décati. Les asticots semblent émerger de sa surface, et cette odeur de faisandé vous titille les narines jusqu’à vous donner des haut-le-cœur. La meilleure illustration de cette approche ambivalente reste le monstrueux « The Torture of Being », titre sans concession qui se traine le long d’un riff macabre, et qui profite d’effets multiples pour imposer son ambiance horrifique.
Il devient clair que les intentions de ces lusophones est de piocher dans le sol le plus aride de l’humanité pour en déterrer les secrets les plus inavouables. Section rythmique sobre mais solide, chant évidemment plus grave qu’une annonce de cancer en phase IV, guitares lancinantes sous-accordées pour sonner encore plus résignées, pour une ambiance de mort, légèrement Gore mais finalement implacable, comme le destin qui nous attend.
BLASPHEMOUS FIRE est glauque, mais malin. Il distille les humeurs et les agressions avec beaucoup d’intelligence, tombant pile sur la frontière séparant le Death cryptique du Doom apocalyptique. Pas encore au niveau d’un ENCOFFINATION ou d’un INCANTATION, mais animé des pires intentions du monde, le groupe de Lisbonne prouve qu’il a déjà tout compris à la méthode la plus éprouvée, celle qui constitue à jouer avec l’éclairage et les nerfs. Et les nerfs sont mis à rude épreuve par cette histoire de ténèbres qu’on regarde par en-dessous.
Pas de réelle surprise, mais un travail rudement bien fait. Doté d’une production compétitive et étonnamment claire, ce premier long parvient à synthétiser les dissonances de l’école avant-gardiste, la pression des chantres d’une lenteur éprouvante, et les accélérations caractéristiques de la scène US la plus véloce. J’en tiens pour preuve le massacre organisé et systémique de « The Pale Colors », court intermède d’ultraviolence savoureux, qui enraie la machine via des décélérations dantesques et briseuses de nuques.
Mais ce sont bien évidemment les titres longs qui apportent le plus de plaisir masochiste. « Allowed Wishes » et ses quasi sept minutes de souffrance caverneuse, haut-fait de l’album, incarne avec panache une plongée dans les abysses de l’humanité, à la recherche de la vérité ultime : la mort nous rattrape tous, et nous enterre avec un plaisir non feint dans les entrailles de la terre.
Tout ceci est donc aussi laid qu’une grimace de mort après une extrême onction. Ne pensez même pas pouvoir vous éteindre tranquillement dans votre sommeil, puisque BLASPHEMOUS FIRE vous garantit des derniers instants particulièrement pénibles, avec crises d’asthme, pertes de lucidité, énurésie, mémoire chancelante et tripes qui vous secouent comme un prunier.
Produit taillé pour une maison de disques constamment sur la brèche du chaos, Beneath The Darkness est l’incarnation la plus parfaite d’un Death/Doom immonde, remonté des caniveaux par les toilettes d’une gare abandonnée. Tout ça sent très mauvais, plombe le moral plus efficacement qu’une journée passée à regarder une chaîne d’info, mais symbolise finalement la quintessence d’un genre qui ne doit sous aucun prétexte - la plupart du temps tout du moins - accepter de se civiliser.
Titres de l’album:
01. The Eclipse and Birth
02. Heavenly Bodies
03. Pleasure of Suffering
04. The Torture of Being
05. The Pale Colors
06. Allowed Wishes
07. The First Victim
08. Compulsion of the Hand That Kills
09. Those Who Die Dwell in Me
J'aimais déjà beaucoup ce qu'ils faisaient sous le nom de SUMMON, on y retrouve cette ambiance cradingue. Bon album de Death Metal crasseux, parfois rampant, parfois direct et brutal. Content de les savoir toujours actifs.
"la mort nous rattrape tous, et nous enterre avec un plaisir non feint dans les entrailles de la terre." résume parfaitement cet album !
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