Si Amor Fati et Nuclear War Now! s’y sont mis à deux pour sortir ce projet de ses ténèbres, c’est qu’il y a forcément anguille sous roche. Les deux labels ne sont pas vraiment portés sur le « donne-moi ta main et prends la mienne », et s’ils ont décidé d’unir leurs forces pour promouvoir ce premier album, c’est qu’il cache quelque chose d‘abominable.
Aucune information ne filtre quant à PALE SPEKTRE. Il pourrait s’agir d’un one-man-band, d’un caprice de studio de quelques maléfiques underground, ou d’un groupe à part entière commençant sa carrière. Le label allemand ne nous donne qu’une seule piste, celle de trois musiciens déjà fort occupés ailleurs, réunis sous la même bannière pour nous faire profiter de leur Black Metal cryptique, froid, méchant comme une teigne de diablotin, et sourd comme un cri dans des cavernes abandonnées. Et avec un pauvre Bandcamp sommaire comme base, inutile de digresser sur l’identité de ces membres, qui garderont l’anonymat.
Mais pour un premier album, Bereft of Xerotic Layers est impressionnant. D’abord, parce qu’il ne cherche ni la facilité, ni la brièveté, ensuite, parce que sa puissance assourdissante réjouira les amateurs de sadisme musical noir et nihiliste. Formidablement bien produit dans un contexte difficile de chaos permanent, Bereft of Xerotic Layers propose un BM sauvage, débridé, grave et bruyant, mais reste toujours intelligible, et parfois même…inquiétant.
En effet, en ajoutant quelques gouttes de Doom à son infusion, PALE SPEKTRE se la joue morbide à l’extrême, et ces six morceaux mis bout à bout forment une symphonie discordante et menaçante, qui pèse sur le moral, mais qui incarne aussi un formidable exutoire au conformisme ambiant. Toutefois, ne vous y trompez pas, il faut déjà être rompu à une certaine forme de Noise pour affronter ce monstre aux muscle saillants, et les fans de Black traditionnel et bon enfant risquent d’avoir des suées, et ce, dès l’ouverture impressionnante de « LXXXIII Helcoid Sanguine Maculation Shrouded ».
Entre violence en blasts et insistance en redondance glauque, PALE SPEKTRE ne lésine pas sur les astuces d’effroi, et en tombant sur le pavé « LXXXVI Tacent over Obsidian Bastille », on est frappé de tant de violence et de lancinance, entre un Death/Doom maladif et un Black introspectif nauséeux, de quoi bloquer le moral sur ses idées les plus noires. Néanmoins, la recette fonctionne, puisque ces trois musiciens agencent leurs morceaux avec beaucoup d’intelligence, mais aussi parce qu’ils n’ont pas peur d’aller jusqu’au bout de leur démarche macabre. Ainsi, nous évitons l’avant-garde avec beaucoup de panache, et le n’importe quoi avec beaucoup de doigté.
Son global certes légèrement sourd et concentré, mais énergie incroyable et vortex de pulsions morbides, Bereft of Xerotic Layers est un album dont les couches se pèlent une par une pour révéler un cœur noir comme une nuit de jais.
S’il serait évidemment grotesque de traiter l’affaire au cas par cas en s’attardant sur un track-by-track redondant, c’est parce que cet album a d’abord été pensé comme un tout, et donc la somme de ses parties n’est justement pas forcément égale…à la somme de ses parties. Comme un concept venu d’outre-tombe ou d’une réalité alternative, Bereft of Xerotic Layers est un fabuleux cauchemar en gravité majeure, dont toutes les étapes sont cruciales. Ainsi, entre la moiteur écrasante de « LXXXIX In Anguine Redivivus Virulence », et les explorations maléfiques du gargantuesque final « XC Riven Spirits Shall Abide », PALE SPEKTRE se promène comme un fantôme au teint blafard, traversant les époques et les genres sans faire claquer de chaines bon marché.
C’est évidemment très moche et fourbe, mais c’est en quelque sorte une catharsis pour passionnés de ténèbres qui ne supportent plus ni leurs congénères, ni la lumière du jour.
Titres de l’album :
01. LXXXIII Helcoid Sanguine Maculation Shrouded
02. MMXIX Of Gaping Hollow's Grate
03. XCIII Raising Cinder in Morne Bethel
04. LXXXVI Tacent over Obsidian Bastille
05. LXXXIX In Anguine Redivivus Virulence
06. XCVI Bereft of Xerotic Layers
07. XC Riven Spirits Shall Abide
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