On dit que la foi peut déplacer des montagnes. Je n’ai jamais vérifié cet adage, mais m’est d’avis que Sisyphe aurait aimé qu’il soit vrai. D’ailleurs, le parallèle entre cette figure mythologique et un groupe de Metal n’est pas sans intérêt. Car après tout, lorsqu’on regarde de plus près le parcours d’un combo lambda, il ressemble en tout point à la tâche ubuesque assignée à ce pauvre Sisyphe, rouler son rocher de jour en jour pour toujours se retrouver à son point de départ. Trouver les financements pour enregistrer un album, tenter de mettre sur pied une tournée en se débrouillant seul ou en faisant confiance à un tourneur, galérer pour vendre suffisamment de LPs et de places de concert pour rentrer dans ses frais (sans aller jusqu’à parler de bénéfices), faire une pause pour encaisser le tout, et recommencer, encore une fois, mois après mois, année après année. Alors oui, finalement, sans déplacer des montagnes, la foi peut vous permettre de les gravir sans relâche…Ce principe est encore plus avéré pour un groupe accusant des décennies d’existence, qui a tout connu, des débuts prometteurs au statut de « nouveau gros », « next big thing », « meilleur groupe de », jusqu’à la signature sur un label européen aux moyens de promotion conséquents, en passant par le split, le trou noir, la traversée du désert et son évasion, pour enfin connaître un semblant de sérénité. Et ADX a déjà tout connu, l’enfant chéri des boomers Heavy des années 80 est un dur à cuire, et la peau de son perfecto est tannée, et difficile à trouer. Mais aussi affectueux soit le lien nous reliant à ce groupe historique, il serait inconvenant et rabaissant de le mettre en relief au moment de juger du potentiel d’un nouvel album. Car ADX, malgré son passé/passif brillant, ne mérite pas d’être réduit à une attraction de nostalgie qu’on ressort des tiroirs la larme à l’œil. Parce qu’en 2020, le groupe est plus vivant que jamais, et aussi décidé qu’au début de sa carrière à faire tomber les barrières le séparant de nouveaux fans. En témoigne ce onzième album studio au titre adapté, Bestial. Et cet album, comme les autres, a une histoire. Celle qui relie le quintet à ses fans.
Comme beaucoup d’autres avant eux, les mecs ont eu recours à une astuce évitant les céphalées et autres prises de portefeuille au moment d’enregistrer leur nouvel album. En ayant eu recours au financement participatif, ils ont limité les risques, et se sont assuré un minimum de ventes, pour ne pas se retrouver le bec dans l’eau. Les fans, trop heureux de contribuer à l’histoire, ont mis la main à la poche pour s’assurer de la livraison d’un beau CD ou d’un double LP flambant neuf, ce qui me permet aujourd’hui d’écouter Bestial et de donner mon avis sur la bête. Et la bête est énorme, aux muscles saillants, elle a un visage connu, des attitudes familières, des réflexes conditionnés, mais plus important, elle est bien de son temps, sans oublier les combats passés. On ne change pas un groupe comme ADX en lui faisant humer le parfum de l’opportunisme. Les musiciens sont là depuis trop longtemps pour ne pas savoir que céder aux modes, c’est perdre son âme sans en gagner une autre, plus moderne. Ils ont un temps abandonné le français pour tenter de faire plier le public anglo-saxon, mais c’est bien la seule concession qu’on puisse leur attribuer. Le français est depuis longtemps redevenu leur langue de narration, ce qui nous permet aujourd’hui d’apprécier les textes proposés, toujours signés de Phil qui n’a pas la langue historique dans sa poche. Mais au-delà de tous ces constats, que nous réserve ce onzième album studio, au moment d’en apprécier la puissance et les astuces ? Rien de neuf, rien que le groupe n’ait déjà exprimé sur ses œuvres précédentes, juste un surplus d’énergie, une hargne renouvelée, et une qualité assumée. En s’assurant du talent de Francis Caste derrière la console, sans doute eu égard à son travail avec LOUDBLAST, NO RETURN et KLONE, le groupe a fait le bon choix. Francis a en effet doté ADX d’un son énorme, mais qui n’écrase pas les tympans, et qui n’oublie pas le passé dans une commode. Le résultat, une production dans les couloirs du temps, entre celle de Suprématie et Non Serviam, moderne mais analogique, efficace mais précise, enrobée, mais humaine. Au graphisme, on retrouve la précision diabolique de Stan W Decker, qui offre au groupe une imagerie digne des cadors Power Metal mondiaux, avec cette créature mi-homme mi-loup menaçant de son sourire diabolique un cortège de cavaliers. Pochette qui pourrait symboliser le parcours du groupe, toujours en route malgré les dangers d’un destin capricieux, et toujours prompt à aller de l’avant. Voyez-y ce que vous voulez, mais j’aime assez cette métaphore délicatement bleutée.
Musicalement, le groupe n’a rien changé à sa formule. On retrouve ce Heavy Metal flamboyant aux connotations historiques, et aux échos mystiques, malgré un nouveau changement de line-up qui semble-t-il n’a pas altéré la cohésion d’ensemble. Derrière les deux pères fondateurs Phil et Dog, derrière les deux derniers arrivants Julien et Nicklaus, on trouve aujourd’hui à la guitare autrefois malmenée par Betov un certain Neo, Neogeofanatic pour les intimes, le démonstrateur fou des réseaux sociaux et collaborateur de Guitar Part, ce qui insuffle un peu de sang neuf à l’entreprise, sans renier l’héritage de trente années dévouées à la cause. Les compositions, nombreuses, ne dérogent à aucune règle établie par les dix albums précédents, avec toujours en exergue cet équilibre entre Heavy féroce et solide et Speed maitrisé et modéré, une recette connotée eighties mais qui grâce à la vague nostalgique actuelle retrouve de sa superbe. On en a la démonstration dès le premier vrai morceau, « Au Dessus Des Croix Noires », qui nous ramène à la grande époque de « Les Enfants de l’Ombre » et autres hits d’une carrière impeccable. Evidemment le sceptique et les esprits chafouins argueront du caractère éminemment classique d’une telle réalisation. Mais leur expliquer pourquoi ADX est aujourd’hui aussi important qu’il y a trente ans pour le Heavy Metal serait tâche vaine et il est donc inutile de lancer le débat. Leur expliquer que si « Du Sang Sur Les Pierres » se veut lyrique et témoin d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent connaître que par procuration, c’est parce que le groupe croit encore en ce qu’il faisait si bien entre 1985 et 1988, et que cette foi est la plus belle preuve d’amour qu’il puisse adresser à ses fans. Que si la voix de Phil n’a plus ces envolées dramatiques et suraigües qu’on aimait tant c’est parce qu’il a gagné en maturité. Que ces riffs qui semblent défier le calendrier sont les plus francs et honnêtes que l’on puisse écouter en 2020, parce qu’ils ont été composés par des musiciens ayant connu le « faste » d’antan.
Bestial, plus prosaïquement, est très intelligemment agencé. Avec ses nombreuses intros et inserts, ses coupures et son ambiance générale héroïque et sombre, il offre une progression fascinante et pourtant des compositions courtes et simples, et accessibles à chacun. A chacun d’ailleurs d’en tirer une playlist personnelle, anticipant par la même la campagne de promotion live du groupe. Accordez à votre serviteur une préférence pour le féroce et emphatique « Overlord », pour le lapidaire et sans pitié « Action Cannibale », suintant de méchanceté avec un Phil remonté et des chœurs survoltés, et pour le final homérique et Heavy « Le Mensonge ». Permettez-moi aussi de craquer pour cette basse claquante, et pour cette atmosphère générale qui le confine à une procession nocturne secrète, de chevaliers fiers mais fatigués, rentrant enfin chez eux. Des chevaliers qui depuis plus de trente ans contournent les montagnes au lieu de les déplacer, trop intelligents pour encore tenter l’impossible.
Titres de l’album :
01. Rituel Ancestral
02. Au Dessus Des Croix Noires
03. Les Sanguinaires
04. Overlord
05. Collecteurs De Chair
06. La Marche Des Spectres
07. Action Cannibale
08. Disgrâce
09. L’Epreuve
10. Du Sang Sur Les Pierres
11. Le Désordre
12. La Traque
13. L’Incertitude
14. Le Mensonge
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