Bethlehem, ou Bethléem selon l’origine de la langue, lieu sacré, point d’origine de la naissance de Jésus, enfin, ville hautement symbolique, aujourd’hui partiellement entourée d’un mur de huit mètres de haut, comme pour mieux toucher son étoile…
Mais BETHLEHEM, plus proche de nous et moins connoté religieusement, c’est aussi une étoile qui brille dans la nuit et que l’on observe/écoute depuis le début des années 90. Une étoile qui a guidé les pas de nombreux musiciens qui se sont reconnus dans ses échos, et qui en 1994, a irradié d’une lumière de ténèbres pour donner naissance à un style d’expression, qui lui-même allait découler sur un des genres de manifestation musicale les plus lourds et mélancoliques qui soit.
Car c’est cette année-là qu’un groupe Allemand a décidé de publier un pamphlet définitif détourant les contours de sa démarche globale, ce fameux Dark Metal qui a fait la marque de fabrique de ce groupe de Grevenbroich, mené depuis 1991 par le mystérieux Jürgen Bartsch, qui vingt-cinq ans plus tard n’a rien perdu de sa foi, et qui le prouve en endossant pour la première fois l’identité sans fard de sa créature.
Beaucoup affirment que sans BETHLEHEM, le DSBM n’aurait jamais vu le jour. Que c’est bien Jürgen qui en a défini la forme globale et les finalités via cet album référence, paru il y a vingt-deux ans. Je ne sais pas si la référence est d’importance aujourd’hui, puisque le style du quatuor renouvelé à tellement changé qu’il n’a plus grand-chose à voir avec cette semence originelle, mais il n’est jamais inutile de se replonger dans un passé, surtout lorsqu’il est aussi marquant.
Mais en 2016, BETHLEHEM n’est plus Dark Metal mais bien… Bethlehem, et prouve sa singularité et son acceptation de soi via un album éponyme, ce qui après tant d’années de carrière est souvent un aveu en soi.
Comment le perçoit son géniteur ?
« Les albums éponymes justifient souvent un douteux « retour aux sources », ou une reformulation complète pour un groupe. Et finalement, Bethlehem survole tout ce que sommes et avons été, en combinant l’âpreté extrême de nos débuts, diluée dans des thèmes accrocheurs, et un sens de l’expérimentation qui ont toujours fait partie de notre approche. »
C’est Jürgen qui le dit, et à l’écoute de ce huitième album studio, je me vois mal le contredire, puisqu’après tout, il sait parfaitement de quoi il parle. Après Hexakosioihexekontahexaphobia, le LP de 2014 au titre imprononçable, le line-up de BETHLEHEM tomba en poussière, et Jürgen recruta de nouveaux compagnons musicaux. On retrouve à la batterie Wolz, le batteur historique du combo, parti en 2011 et revenu au bercail, mais aussi deux petits nouveaux, prêts à endosser l’héritage eux aussi, dont le Russe Karzov à la guitare, qui a visiblement activement participé à la composition, mais aussi Onielar au micro ( DARKENED NOCTURN SLAUGHTERCULT).
Le choix de confronter une moitié légendaire à cinquante pour cent de sang neuf a visiblement été une bonne idée puisque de huitième album respire la fraîcheur (toute proportion gardée) et se pose en effet en parfaite synthèse de tout ce que ce groupe/projet unique a pu accomplir depuis ses débuts.
Le BM a évidemment une place de choix sur ce disque, sous une forme ou une autre, mais le Gothique s’y taille aussi une bonne part du gâteau, sans que le groupe ne se fixe sur une démarche en particulier. Si certains titres prônent la désolation et le remord, d’autres se montrent plus volontiers abordables, thématiquement et musicalement, et finalement, la petite heure passée en compagnie des Allemands ressemble fort à un best-of déguisé…
Et d’ailleurs, pour prouver que sa créature est toujours en forme, Jürgen n’hésite pas à placer en ouverture tonitruante une relecture très personnelle de l’intro de « Overkill » de MOTORHEAD via « Fickselbomber Panzerplauze », avant se de vautrer collectivement dans un BM très bestial, pas si éloigné que ça d’un DARKTHRONE très Rock N’Roll qui n’aurait pourtant pas oublié ses débuts chaotiques.
« Kalt- Ritt in leicht faltiger Leere » suit plus ou moins le même chemin, et dès ces premières interventions, on sent que le choix d’Onielar en tant que vocaliste a été le bon. Sa voix rappelle un peu celle d’Attila Csihar mâtinée d’un esprit très SILENCER, ce que le passage au piano prouve sans conteste, avant qu’une partie de guitare nostalgique ne force le passage d’un instrumental organique et viscéral.
Les morceaux de Bethlehem sont plutôt longs, ce qui ne déroge aucunement aux principes du groupe, et qui permet au quatuor d’explorer plus en avant et de couvrir plus de terrain, prenant un malin plaisir à juxtaposer la brutalité la plus franche au romantisme morbide le plus vénéneux, sans oublier de ménager des parties vraiment accrocheuses en termes de Heavy mélodique (« Die Dunkelheit Darbt » et ses arpèges à la OPETH).
Si la plupart des segments sont construits sur une évolution/progression patente, certains n’hésitent pas à jouer sur un faux statisme pour poser un peu les débats, à l’instar de ce très amer « Arg tot frohlockt kein Kind » qui ne dévie que très peu de sa ligne de conduite en mid tempo striée de luminosité mélodique à la TYPE O NEGATIVE.
Riffs épais et lourds, cassures de rythme, incantations vocales personnalisées, la recette est la même depuis longtemps, mais portée ici à un degré de perfection assez bluffant (« Wahn schmiedet Sarg »), et si tout se termine sur une dernière note un peu passée et onirique (« Kein Mampf mit Kutzenzangen »), l’ambiance générale n’est pas à la tristesse ni à la contemplation, mais plutôt à l’acceptation d’un passé glorieux qui permet au groupe de se tourner vers un avenir tout aussi radieux.
Sous un soleil noir bien sûr, et une étoile à la lumière aveuglante…
En écoutant Bethlehem, on comprend toute l’influence que les Allemands ont pu imposer à des groupes comme SILENCER, THE 69 EYES, SHINING, FAULNIS ou FORGOTTEN TOMB, sans que ces derniers ne s’en rendent vraiment compte.
Il n’est peut-être pas à la hauteur du séminal Dark Metal, mais il présente un BETHLEHEM à l’aise avec son époque, et avec son histoire, acceptant ce qu’il était pour apprécier ce qu’il est devenu. Quelles surprises nous réservent donc ces chantres d’un Metal sombre et harmonieux dans le futur ?
Nul ne le sait, peut-être même pas ses acteurs principaux. Mais apprécions le présent, et sachons honorer leur talent.
Il sera bien temps de fleurir leur tombe lorsqu’ils auront décidé de tout arrêter. Ce que Bethlehem ne semble pas annoncer, loin de là.
Titres de l'album:
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