En France, on est bons. Rien de péremptoire dans cette affirmation qui se veut plus constatation artistique qu’élan de chauvinisme, mais sincèrement on est bons. Musicalement parlant évidemment, puisque le foot ou la politique n’ont rien à faire dans les colonnes de Metalnews, et autant dire qu’il y a de quoi être fiers de nos musiciens, qui d’année en année nous prouvent à quel point notre beau pays n’a absolument rien à envier à ses concurrents mondiaux en termes de créativité. Et s’il est un domaine dans lequel on excelle, en dehors du luxe ou de la gastronomie, c’est bien le Metal extrême. En termes de Black Metal, d’avant-gardisme, de Death, et d’expérimental de tout poil, les groupes hexagonaux rivalisent d’audace, de tempérament, de culot et osent des choses que d’autres ne font que rêver, sans vouloir encore une fois paraître prétentieux. Mais à force de se concentrer sur cette singularité, on oublie qu’en France, nous avons aussi d’excellents groupes beaucoup plus traditionnels, qui perpétuent une certaine vision du Hard Rock classique, tout en l’adaptant aux critères de production modernes, sans trahir l’esprit originel. Et dans cette frange plus discrète que je suis allé chercher les marseillais de THE BLACKSTONE CO., qui avec leur premier album ont frappé un très grand coup et abattu une bien jolie carte. Hébergés sur le domaine M&O Music, sorte de ranch hétéroclite qui veille sur un cheptel bigarré (on y trouve aussi bien les BAD TRIPES que les plus polis NAWATHER, sans oublier quelques noms moins locaux, comme les POKERFACE ou Chris HOLMES), ces musiciens au bagage intemporel sont de la caste des instrumentistes pleins de foi et de talent, qui n’ont cure des querelles de style et qui préfèrent se concentrer sur leur art pour le rendre imperfectible. Et après avoir savouré à plusieurs reprises leur Betrayed, je peux affirmer que je ne me suis pas senti trahi du tout, mais plutôt réchauffé par un Metal pluriel, bien dans son temps, mais louchant sévèrement sur les nineties avec quelques références dans la tête.
Niveau bio, THE BLACKSTONE CO. est un projet élaboré par Marc Bohren (chant/guitare) et Eric Papagna (batterie) début 2014 qui donna suite à leur collaboration au sein d’IN THE DIVINE MACHINE. Après quelques ajustements de line-up, le groupe abrite aujourd’hui en sus des deux fondateurs précités Quentin “Bigman” Baïsset à la basse et Romin Mañogil à la seconde guitare, et Betrayed est donc le fruit de leurs premières réflexions longue-durée, capté dans le studio du groupe. Mixé et masterisé par Evan Simon (HELL RULES HEAVEN) au HRH Studio en juin 2018, qui a aussi participé à l’écriture des textes, Betrayed n’est rien de moins qu’un excellent album de Hard-Rock moderne aux atours subtilement Heavy, qui peut rappeler le ALICE IN CHAINS des dernières années, en version moins sombre et torturée, mais qui valide aussi les accointances assumées par le groupe. C’est ainsi que les noms d’ALTER BRIDGE, de STONE SOUR, BLACK LABEL SOCIETY sont lâchés en toute honnêteté, et aident à baliser le terrain couvert, qui s’avère assez conséquent, et à cheval dans le temps. Si les compositions font montre d’un soin particulier apporté aux mélodies, la puissance n’en est pas occultée pour autant, et la combinaison des deux s’avère particulièrement efficace, que le quatuor maintienne la pression ou la lâche de temps à autres. Beaucoup d’assurance donc, un professionnalisme qui témoigne d’une cohésion globale indéniable, mais aussi pas mal de sensibilité, et de la crédibilité, que le tempo soit échevelé ou les lumières tamisées. Agencé de façon à proposer un véritable fil conducteur, ce premier effort est d’une maîtrise globale incroyable, et nous propose de découvrir des musiciens et compositeurs parfaitement en adéquation avec leurs désirs, ceux qui les poussent à proposer une musique de facture formelle, aux arrangements léchés et au rendu pas uniquement immédiat.
Si la plupart des morceaux sont longs, ils n’en diluent pas pour autant leur propos dans un bavardage ennuyeux. Et « New Birth » de faire office de faire-part de naissance très marquant, osant le cri primal sous forme de down tempo incendié par un riff très southern, sans pour autant sombrer dans le Stoner. Certes, le son des guitares est gras, mais il est précis, et on sent que les influences du groupe les ont vraiment marqués, sans pour autant dénaturer leurs propres particularités. La voix de Marc Bohren, claire et lyrique marque les esprits, rauque dans les moments les plus sauvages et caressante dans les instants plus posés, profitant d’un background épais mais qui laisse respirer les plans. On est tout de suite frappé par l’ampleur de la production, qui n’a rien à envier aux plus grands studios, mais ce qui frappe en premier lieu, c’est cette facilité avec laquelle le groupe rentre dans le bain, sans chercher à se démarquer par une quelconque originalité, mais s’en remettant à des capacités flagrantes. On pense aux STONE TEMPLE PILOTS, mais aussi aux MAXXWELL, et pourquoi pas à une version survitaminée des CREED, la hype en moins mais la solidité en plus, même si les THE BLACKSTONE CO. existent par eux-mêmes sans avoir besoin de comparaison. « Face Of Freedom » confirme la bonne impression de son énorme riff redondant, vite calmé par une coupure en arpèges, et ce ne sont pas moins de sept minutes ou presque qui nous attendent pour évaluer le potentiel d’un groupe qui en deux morceaux a déjà marqué des points. Presque progressif dans les faits, sans la vulgarité de prétention, les sudistes assurent une assise rythmique solide qui permet à des guitares volubiles d’explorer tous les genres, passant sans vergogne du Metalcore light au Hard Rock légèrement seventies, sans perdre de vue leur objectif initial : occuper l’espace et ne pas parler pour ne rien dire. De ce côté-là, que l’on parle de riffs ou de soli, les compétences de Marc et Romin sont bluffantes, même lorsque l’atmosphère devient plus paisible sur le très nostalgique « For A While ».
Et sans vouloir tomber dans la partialité, c’est véritablement le title-track de l’album qui créé le second choc, tant il sonne comme un hit perdu dans l’espace-temps, retrouvé sur la partition cachée dans une bouteille lancée à la mer. Lancinance, émotion, équilibrage entre virilité et fragilité, pour un modèle de power-ballad légèrement amère, mais réellement pertinente. Maîtrisant avec brio l’art du crescendo, les quatre musiciens ne se gênent pas pour accentuer le dramatisme sans tomber dans le pathos, se permettant même parfois de provoquer la génération des PERIPHERY sur leur propre terrain technique en osant des patterns déséquilibrés (« Leaving My Soul »). Mais si l’utilisation de la technique ne leur fait pas peur eut égard à leur bagage, ils n’en restent pas moins abordables, et peu concernés par une quelconque compétition, préférant travailler leur thèmes pour les transformer en gimmicks qui restent dans la tête (« The Gift », rebondissant et pataud à la fois, avec encore des prouesses vocales de la part de Marc). Et le tout se suit de bout en bout sans jamais provoquer le moindre bâillement, puisque les variations sont tangibles et nous hissent parfois vers les sommets d’un Néo Hard-Rock complètement décomplexé (« Jerk »). Betrayed se paie même le luxe d’un climax en forme d’épiphanie générale, avec un « Something » qui résume admirablement bien leur approche multiple, et qui une fois encore nous convainc d’un potentiel gigantesque. Sans chercher midi à quatorze heures, mais en se rappelant qu’un bon album est d’abord la somme de plusieurs bonnes chansons, les THE BLACKSTONE CO. signent-là une entrée dans la cour des grands pleine de panache et d’envie (écoutez donc le final explosif de « Orange M.F. » pour en être vraiment sûr), et s’affirment comme un groupe à suivre. Gageons que 2019 sera l’année de leur affirmation, et que les concerts s’accumuleront. Une façon comme une autre de rappeler que la France n’est pas que le pays des extrêmes, mais surtout celui d’un incroyable talent.
Titres de l'album :
01. New Birth
02. Face Of Freedom
03. For A While
04. Twisted Dreams
05. Betrayer
06. Leaving My Soul
07. The Gift
08. Jerk
09. Something
10. Orange M.F.
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