En 1990, un groupe sortait de nulle part avec un premier album qui allait pourtant faire date dans l’histoire de l’extrême. Un de ces one-shots qui débarquent sans prévenir des bas-fonds de New-York, qui vous assomment de leur lancinance, et proposent une optique encore plus jusque boutiste histoire de creuser encore plus profond dans la fosse commune des illusions. Ce groupe, WINTER, pratiquait un Death/Doom complètement nauséeux, mis en relief par un son au gros grain, aux graves prononcés et assourdissants, et aujourd’hui, bien que miracle d’une génération spontanée, fait office de référence pour tous les artistes désirant repousser les limites de la douleur musicale. Malgré sa singularité, il semblait qu’une belle carrière de fossoyeur s’offrait à lui, mais las, après le choc encaissé du séminal Into Darkness et ses soubresauts ultérieurs sur un EP, Eternal Frost, le nouveau venu s’en retira comme il était arrivé, ne s’offrant qu’un comeback un peu tardif dans les années 2010, pensant cinq ans. WINTER, à l’image de dISEMBOWELMENT osait mixer les éléments les plus putrides et déprimant du Death et du Doom, et fut mal compris à l’époque de son émergence. Sans vraiment choisir l’un ou l’autre des camps, le trio s’aliéna une partie du public qui eut du mal à comprendre sa démarche, et resta l’un de ces actes cultes qui touchent au génie morbide presque par hasard, mais qui ne confirment jamais leur optique sur la durée. Mais le temps, c’est bien connu, permet de rectifier quelques erreurs, et patience faisant plus que force et rage, c’est en 2020, trente ans après la secousse initiale que la véritable suite des aventures underground de WINTER connaissent une suite, via Stephen Flam, laissant la bête renaître de ses cendres pour un nouveau voyage dans les grottes de l’humanité. On le sait, parfois, les aventures continuent sous un autre nom, à l’image de HEAVEN & HELL pour BLACK SABBATH ou ABBATH pour IMMORTAL, et c’est ainsi que désormais, GODEN s’affirme comme la réincarnation de WINTER, pour fêter les trois décennies de cet album immonde, cet Into Darkness qui trouve aujourd’hui un prolongement via Beyond Darkness, LP long comme un dimanche sans soleil avec ses dix-neuf pistes et son heure et quart de torture lancinante.
Après avoir plongé dans les ténèbres, Stephen va donc encore plus loin. Il s’est pour cela entouré de deux autres musiciens, la chanteuse Vas Kallas (HANZEL UND GRETYL) et le claviériste Tony Pinnisi (ex-WINTER), et a confié son destin au label finlandais Svart Records, qui en a profité pour rééditer Into Darkness sur de multiples formats. Après avoir connu de sévères problèmes d’audition qui ont mis au tapis WINTER pour la seconde fois, Stephen relève donc la tête, et se propose de nous montrer l’opposition entre les ténèbres et la lumière via cet effort gigantesque qu’est Beyond Darkness, fidèle à la recette initiale, mais suffisamment différent pour ne pas la répéter. Construit comme une initiation complète, cet album repose sur une alternance entre de longs morceaux et des transitions régulières, mais surtout, sur une utilisation renouvelée de la lenteur et de la lourdeur, d’une façon pas moins oppressante, mais disons-le, plus moderne dans les faits. Considérant sans doute que son album initial était allé au bout d’une démarche, le leader a imaginé un nouveau concept, avec personnages à la clé (Flam est rebaptisé « Spacewinds », Pinnisi « The Prophet of Goden » et Kallas « Goddess of Night »), un glissement musical moins glauque que l’original, et une logique dans la progression qui transforme cette véritable suite en conte musical sombre et terriblement hypnotique. Oubliée donc la crasse qui entourait le moindre riff d’Into Darkness, la production ici refusant la grossièreté de l’original pour se montrer plus fluide, la guitare osant des tonalités moins poisseuses, et le résultat n’en est donc que plus décalé par rapport aux attentes qu’auraient pu formuler les fans. Stephen Flam n’a pas poussé le bouchon plus loin en cherchant la provocation bruitiste, a dopé son Doom/Death d’une répétitivité typiquement Industrielle, pour proposer quelque chose de neuf, et non une simple digression stérile sur d’anciennes et dépassées philosophies. Et c’est tant mieux, puisque nul n’avait besoin d’un Into Darkness II, certes cathartique sur le moment, mais qui n’aurait pas passé le test de plusieurs écoutes répétées.
Histoire de ne prendre personne à revers, Beyond Darkness débute par le long et sinueux « Glowing Red Sun », pavé de plus de neuf minutes et plus long morceau de l’album. Intro en volutes de clavier, ambiance pénétrante et mystique, avant que la guitare de Stephen ne rentre en lice d’une gravité dissonante qui en dit long sur les intentions renouvelées. On se rassure immédiatement en se disant que le vœu pieux du musicien est toujours aussi sincère, et on pénètre les arcanes de cette nouvelle œuvre avec une curiosité malsaine. Après une gigantesque intro, tout se met en branle, et les éléments sont rassurants. Rythme monolithique, arrangements électroniques en circonvolution, lourdeur oppressante, mais le Doom traditionnel se voit réactualisé par une approche plus moderne, refusant les facilités du Sludge et acceptant le Death comme composante parmi tant d’autres. On pense alors à une version personnelle du CELTIC FROST de Monotheist, et la suite nous donnera plus ou moins raison. En automatisant sa musique, Stephen la rapproche d’une fusion entre le FROST et GODFLESH, déviant de sa trajectoire initiale sans trahir ses dogmes. Les inserts réguliers suggèrent des accointances avec le 1349 de Demonoir, tous plus ou moins bâtis sur le même moule d’un synthé d’arrière-plan et de narration sentencieuse qui plongent dans le bain. « Twilight » ne fait que répéter la formule de « Glowing Red Sun », avec cette voix proche des remontrances de Tom Warrior, tandis que « Cosmic Blood » allège un peu le tout de son rythme plus prononcé. Pas de véritable surprise une fois comprise l’évolution de l’album, mais suffisamment de légères variations pour supporter les soixante-seize minutes de délire gravissime. Bien évidemment, Beyond Darkness n’a pas l’aura morbide de son aîné Into Darkness, mais il a le mérite d’essayer autre chose qu’un simple succédané sans intérêt.
Sans faire appel à des astuces BM contemporaines qui auraient pu empeser sa musique, Stephen essaie donc des choses plus diverses, ose les percussions tribales sur « Dark Nebula », mais garde en ligne de mire cette insistance mortifère qui pèse sur l’âme (« I Am Immortal »). Le fan de WINTER saura reconnaître la patte unique d’un musicien acharné, et ceux ne connaissant pas le groupe ni son explosion de 1990 pourront se reconnaître dans cette série de répétitions nauséeuses qui n’hésitent pas à repousser les limites de la patience. L’effort se termine même sur un clin d’œil appuyé, avec un « Winter » qui jette un œil au passé tout en maintenant cette corrélation avec le FROST des années 2000. La production, peut-être un peu trop propre ne dessert pas les intentions de sa clarté, mais propose un décalage habile avec les anciennes habitudes de saleté immonde. Et finalement, en osant quelque chose de plus fertile qu’une simple suite en copié/collé, GODEN garde l’identité WINTER tout en affirmant la sienne. L’hiver n’est donc pas terminé.
Titres de l’album :
01. Glowing Red Sun
02. Manifestation I: Tolling Death Bells
03. Twilight
04. Manifestation II: A New Order
05. Cosmic Blood
06. Manifestation III: The Spawn of Malevolence
07. Komm Susser Tod
08. Genesis Rise
09. Manifestation IV: The Progeny of Goden
10. Dark Nebula
11. Manifestation V: The Epoch of Goden
12. I Am Immortal
13. Manifestation VI: The Beginning And The End
14. Ego Eimie Gy
15. Manifestation VII: Gaia Rejuvenated
16. Night
17. Manifestation VIII: A New Age
18. Thundering Silence
19. Winter
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