Oui, parfois dans la vie, on se sent inutile. On se dit, « A quoi bon ? Le monde va si mal, je ne vois pas ce que je peux y changer ».
Triste, mais vrai. Alors dans ces cas-là, on peut choisir entre plusieurs options. Se tirer une balle, faire comme si de de rien n’était et continuer sa route, ou alors…personnifier la douleur et l’identifier, pour tenter de s’extirper d’un fatalisme qui finalement, est assez atavique dans sa définition.
Les Polonais de USELESS ont choisi comme nom de baptême un sentiment de plus en plus répandu, et l’ont illustré d’une musique et d’une pochette fort à propos. On se projette assez bien dans les baskets de ce pauvre hère qui erre dans une forêt sombre et monochrome, à la recherche de questions à des réponses qu’il n’a pas. Le dernier album du quintette (Spłuczka et Bolo – guitares, Galon – basse, Michal – batterie et Radziej – chant) dans les oreilles, sans vraiment savoir pourquoi il met un pied devant l’autre…
Le monde du Crust et du D-Beat est souvent dark, souvent ombragé, mais il offre souvent une porte de sortie, une alternative possible, ou une pièce manquante du puzzle. Mais il arrive que de temps à autres, il se contente de constater les dégâts sans chercher à les réparer. C’est le cas de Beyond Escape qui se situe de lui-même en dehors de tout espoir, et qui ne cherche ni à stigmatiser, ni à dénoncer, musicalement parlant. A l’image d’un DBSM transposé à l’univers du Hardcore et dopé à la rage de ne pas pouvoir agir, il se focalise sur les impressions et sentiments les plus glauques, les prises de conscience en forme d’impasse, et laisse avec un goût amer dans les oreilles.
On l’entend comme un message désespéré, qui ne trouve écho dans le présent que grâce à un vecteur de brutalité résigné, qui s’il cavale d’une rythmique enlevée, traîne les pieds dans les couloirs des désillusions et plombe le moral comme une oraison qui se veut atypique dans un créneau pourtant si actif dans l’implication.
Certes, ma prose est un peu vague, mais c’est vraiment ce sentiment qui m’a pris à la gorge lors de l’écoute de ce premier album des Polonais.
Avec dans leurs rangs d’ex-membres de factions comme RZEZNIA, DIFFENBACHIA, GUANTANAMO PARTY PROGRAM, WOJTYLA ou WE ARE IDOLS, les cinq instrumentistes sont rompus à l’exercice Hardcore et peuvent se targuer d’une expérience non négligeable dans le domaine de l’assaut sonore sans complaisance.
D’ailleurs, leur premier album n’en montre aucune, et accumule les pamphlets Crust dits « de l’est », avec cette production si rêche et ce son si abrasif. L’optique polonaise diffère grandement de son homologue scandinave, et l’exubérance violente des combos suédois ou norvégiens se voit ici transformée en avancée dans le vide qui semble pencher la tête du côté où l’espoir va tomber.
On sent effectivement un renoncement palpable derrière ces riffs sombres et un peu tristes, cette rythmique rapide mais qui semble courir sans connaître la direction, et surtout, derrière ces couches de chant rauque, mais retenu, qui crache sa misère comme un condamné ses dernières volontés.
Ce qui n’empêche pas la musique des USELESS d’être efficace d’un point de vue pragmatique, et de coller parfaitement à sa thématique, bien mieux d’ailleurs que bon nombre de groupes de Doom qui tournent en rond autour de leur monolithe usé.
Ici, la violence est effective, mais sourde, la vitesse est prépondérante, mais lourde, et l’ensemble dégage une atmosphère déliquescente de jeunesse en mal de buts, qui déambule dans les couloirs de la vie comme un poulet sans tête.
Pas vraiment de piste à mettre en avant, puisque tous suivent la même, qui mène à une impasse thématique. Toutes sont coulées dans le même moule de renoncement, et toutes sont uniformes au niveau sonore. Mais Beyond Escape exhale d’un doux parfum de coups d’épée dans l’eau, et de coups de poing dans le vide, sans pour autant manquer de substance.
D’ailleurs, la course se termine par un aveu, « We Are The Fucking Change », qui justement propose une échappatoire assez distincte et un développement un peu différent. Basse ronflante en intro, aménagement médian et légèrement mélodique, avant un ultime sursaut un peu plus haineux que les sept précédents. Une façon très habile de conclure un disque qui s’annonçait comme une impasse, et qui s’avère très intelligemment agencé pour vous emmener exactement là où il le souhaitait.
Un premier pas vers une identité qui va s’affirmer, et vers un discours qui va sans doute changer. En mieux, en pire, nul ne le sait, mais sans établir de parallèle de base, les USELESS sont justement d’utilité publique par eux-mêmes, et ne font pas de promesses inutiles.
Du Crust à tendance D-Beat froid, primal, qui s’écoute comme on regarde les infos, avec ce sentiment d’urgence un peu jauni sur les bords qui débouche sur une colère grondante.
Une jolie façon de mettre en adéquation le fond et la forme.
Titres de l'album:
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