Visiblement, les oiseaux ont des problèmes. Je peux comprendre, nous en avons tous, mais il faudrait alors détailler un peu pour que l’on puisse se joindre au débat. Problème de nichage, de migration ? Problèmes en vol, au sol ? Problèmes relationnels ? On se perd en conjectures sans vraiment cerner la question, mais s’est-on déjà demandé ce que peuvent ressentir les oiseaux lorsqu’ils rêvent de poteaux électriques ? Les pigeons des grandes villes, confrontés à l’animosité des municipalités qui hérissent les murs de barbelés et de verre pilé ? Perso, je me suis toujours demandé ce que je pourrais éprouver en me retrouvant à des centaines de mètres du sol, planant bien au-dessus des masses humaines grouillantes, ne redescendant en piqué que pour me poser ou happer au passage quelques insectes pour me nourrir. En éprouverais-je une sensation de liberté totale, ou cette capacité deviendrait-elle normale avec les années ? La question n’est pas sans importance, et quelque part reliée à la chronique du jour, et pas uniquement en termes de dénomination. Certes, notre groupe de l’après-midi s’appelle en effet BIRD PROBLEMS, d’où mon laïus d’introduction, mais le rapport ne se situe pas qu’à ce niveau superficiel, puisque ces musiciens semblent en effet voler à des hauteurs insoupçonnées et toiser du regard bon nombre de leurs contemporains. Leur créneau ? Celui d’un Metal progressif de première catégorie, qui évite tous les clichés du genre, et qui offre une épure fascinante d’un style qui justement a souvent du mal à éviter les figures les plus classiques. Fondé en 2013 du côté de Montréal, BIRD PROBLEMS a connu des débuts plus volontiers portés sur le Metalcore technique, publiant Tar, un premier album qui a fait pas mal de bruit sur la scène nationale. Quelques années plus tard, à l’occasion d’un single, le groupe s’est plus volontiers recentré sur ses obsessions Jazz, pour finalement trouver un compromis entre toutes ses inclinaisons et offrir aujourd’hui un EP énigmatique, à la croisée des genres.
Beyond the Nest de son titre explique justement la démarche de ces musiciens qui sont allés au-delà de leur zone de confort pour trouver l’inspiration. Avec seulement quatre titres, cet EP n’aurait pu être qu’une mise en bouche en attendant un éventuel nouveau LP, mais il représente une somme d’informations conséquente, bien plus que nombre d’albums du genre paraissant chaque jour. En vingt minutes seulement, le trio (Joseph Anidjar - guitare, Daniel Smilovitch - batterie, Michael Smilovitch - chant) prouve qu’il a considérablement élargi son plan de vol, intégrant en effet à sa trame de base des éléments de Jazz-Rock, de Post Rock, gardant son ADN extrême qui s’articule autour de passages violents et Metal/Mathcore, pour aboutir à un mélange unique de puissance et de nuance. Les webzines du monde entier ne se sont pas gênés pour les comparer à THE CONTORTIONIST, ou THE SAFETY FIRE, et il n’est pas vain de rajouter à ces références celles de PERIPHERY, d’ANIMAL AS LEADERS, de Devin TOWNSEND, mais aussi UZEB, TRIBAL TECH, Alan Holdsworth, et tout ce qui pourra vous inspirer tant le répertoire est riche et diversifié. Et avec son intro en son clair, « Pigeon Superstition » donne le la, le bon, celui qui ne reste pas bloqué sur le 440 mais qui ose des fréquences différentes, et une attitude précise qui résume la démarche globale. Sens de la polyrythmie, du changement d’ambiance soudain, de l’agressivité confrontée à la délicatesse mélodique, avec un chanteur versatile capable de passer de volutes fragiles à d’épaisses harangues, avant d’adopter un juste milieu pour mieux contrer les certitudes éventuelles de l’auditeur. Constitué d’instrumentistes hors-pair, le groupe se repose sur une technique éprouvée pour mieux l’utiliser à bon escient et non la mettre en avant. On a souvent le sentiment d’un groupe de Mathcore s’essayant au Progressif/agressif moderne, ou au contraire, d’un groupe Progressif contemporain découvrant les joies de l’extrême, et ayant assimilé la méthode avec une facilité déconcertante.
Jazz-Metal progressif ? Oui, la dénomination n’est pas erronée, mais il y a quelques chose de plus chez les BIRD PROBLEMS, quelque chose de plus naturel, de plus impulsif, qui nous pousse à comprendre que leurs mesures complexes ne sont pas des démonstrations de force. Avec un batteur en roue libre, en constante digression qui assure le beat avec solidité tout en taquinant en permanence tout son équipement, un guitariste aux riffs solides mais aux déliés épidermiques, et un chanteur au répertoire étendu, Beyond the Nest propose une autre conception, une autre vision de la complexité instrumentale, utilisant les composantes de nombreux genres, au point de créer le sien. « Cold Turkey » sonne Post Metal, mais les finesses en arrière-plan témoignent d’une large culture Jazz, libre, affranchie de toute contrainte, mais répondant à des exigences de cohérence. Pas question ici de partir en impro, les morceaux en sont vraiment, et s’ils ne s’embarrassent pas forcément de couplets ou de refrains, ils n’en restent pas moins agencés, soulignés d’harmonies superbes et de coupures d’une violence tangible. On sent parfois quelques réminiscences Djent, pour la forme, mais le fond évite la vulgarité de riffs répétitifs qui préfèrent souvent partir en solo, de toute beauté d’ailleurs. Capables de concentrer en cinq minutes autant d’idées que des groupes sur l’intégralité d’un album, les canadiens s’avèrent d’intelligents compositeurs, dosant leur inspiration pour parfois tutoyer les cimes d’un Rock moderne et totalement décomplexé (« Quailia »), pour mieux revenir dans le giron de la brutalité la moins larvée, évoquant une rencontre entre PEROPERO, TRIBAL TECH et DILLINGER ESPACE PLAN (« Jerk Chicken »). Rythmiquement imparable, harmoniquement superbe, Beyond the Nest est un survol magnifique du Metal progressif moderne, parfois en plané, parfois en piqué, qui procure des sensations extrêmes ou apaisantes, et qui pose la question suivante :
Les oiseaux pensent-ils qu’ils volent lorsqu’ils volent ou est-ce trop naturel pour eux de ne pas se poser de question ?
Titres de l’album :
01. Pigeon Superstition
02. Cold Turkey
03. Quailia
04. Jerk Chicken
Il y aurait du y avoir une chanson sur les chats. Le mien n'est pas trop, par exemple, un amoureux de la biodiversité emplumée.
Tourista, bien vu :-) Moi je dirais que c'est une décision avisée cela dit, d'autant plus que musicalement, et ça me coûte de le dire, étant un ENORME fan de Venom, mais du Vrai Venom ( Cronos, Mantas, Abaddon), Venom Inc ne propose pas grand chose d&ap(...)
03/12/2024, 13:55
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Ouch ! Fini de tout lire...Je connaissais déjà quasi tout ce qui est cité ici, mais c'est toujours un plaisir de se remettre dedans boudiou !Perso, j'adore les trois biopics cités précédemment. Certes, ils ont chacun leurs lot de f(...)
30/11/2024, 08:58
Et y'a même un "à suivre" The pick of destiny et Spinal Tap seront sûrement de la(...)
27/11/2024, 09:15
8 lettres: KHOLOSPVÇa veut dire "coloscopie" en langage mec bourré en fin de soirée.
26/11/2024, 18:14
Je ne suis pas au courant.. il s'est passé quelque chose récemment avec le groupe Al Namrood?
26/11/2024, 14:44