Le grand Jacques avait chanté Vesoul comme personne, d’un ton plus détaché et badin qu’il n’avait décrit la sale Amsterdam, et pourtant, Dieu sait s’il avait horreur de tous les flonflons, de la valse musette et de l’accordéon. Mais si Brel était toujours des nôtres aujourd’hui, il connaitrait un Vesoul différent, loin de Dutronc, de la belle-mère, et des envolées de Marcel Azzola. Un Vesoul sombre, de nuit comme de jour, des jours d’ailleurs interminables qui ont besoin d’une bande-son pour renforcer leur aspect glauque, lorsque les néons blafards s’éteignent pour que la population dorme d’un mauvais sommeil.
Cité dortoir pour dépotoir d’espoir, finalement, Vesoul n’aura jamais été si bien hurlée que par ses propres musiciens. Des musiciens à l’attitude résignée, au ton abrasif, à l’espoir diminué. Par exemple, ces MEMBRANE qui font vibrer les vôtres animent les fêtes de cave depuis l’orée des années 2000, célébrant de fait leur sixième album déjà. Une valeur sûre qui rend les rues encore moins, mais qui a le mérite d’exploiter un créneau musical assez rare de nos jours : le réalisme urbain vu à travers le prisme d’un Post Hardcore aussi Noisy que mélodique et pourri de l’intérieur.
Cet album est d’ailleurs frappé du sceau de la tragédie. Mathieu Roszak, convoqué comme seconde guitare, a quitté le groupe et la vie de façon tragique. Beyond Your Beliefs lui est donc dédié, lui qui a épaissi un son déjà conséquent, et autorisé MEMBRANE à sonner encore plus lourd et concentré que d’habitude. Néanmoins, malgré tous ces éléments déprimants, Beyond Your Beliefs exhale d’une faible lumière qui ne réchauffe pas les chairs, mais qui laisse les oreilles entrevoir un ailleurs possible. Un ailleurs non plus vert, mais plus supportable à la frontière du Hardcore et du Sludge, entre violence et lourdeur pesante qui appuient sur les tempes sans qu’une petite pilule ne vienne la faire passer.
Enregistré à Belfort, à l’Indie Ear Studio, ce sixième chapitre de la saga vésulienne est un modèle de construction, et un prototype même de test pour les non-initiés. Les fans, conquis et fidélisés depuis longtemps, y retrouveront ces énormes riffs sortant d’une usine désaffectée dont les chaudières sont toujours allumées, ces dissonances déchirant le silence, ces nappes vocales hurlées ou chantées d’une voix fatiguée, et ces enchaînements logiques, viscéraux, qui nous renvoient au meilleur des légendes d’antan, les UNSANE, NEUROSIS, et toute cette clique Post-Hardcore à la recherche de l’approche la plus honnête pour décrire une vérité pourtant ineffable : la vie est un tas de merde qui pue jusqu’à la mort.
Six morceaux, cinquante minutes de complainte, pour une aube qui ne voit jamais le jour. Un cercle vicieux d’émotions, encore une fois admirablement bien mis en valeur par Nicolas Frère (guitare/chant), Nicolas Cagnoni (basse/chant) et Maxime Weingand (batterie). Un trio soudé, qui explore, exploite, essaie de s’émanciper d’une trajectoire trop bien dessinée, et qui ose l’opposition de deux morceaux de dix minutes ou plus en ouverture, comme pour signifier aux chalands perdus que le chemin emprunté n’est pas le bon. Il faut du courage pour essuyer la tempête lâchée par « In The Crowd » et « Heart », il faut s’accrocher au mat qui essuie le gros grain d’une guitare saignante, les rafales d’un axe basse/batterie épuisant, et les remous d’un chant qui hurle son désespoir, nuancé d’un voile de nostalgie. Ces vingt minutes sont une épreuve, mais aussi une catharsis pour tous les amateurs de sensations vraies et non feintes. Le Hardcore se frotte au Metal le plus lourd, comme si les SWANS adoptaient la fragilité des TENGIL, l’espace d’une minute…ou plus.
« In The Crowd » nous renvoie aux années 90, ces années séminales durant lesquelles le Hardcore s’est enrichi de plutonium pour exploser d’une rage urbaine, certes plus volontiers new-yorkaise que vésulienne, mais le développé/couché de ces neuf minutes de rage condensée fait passer la fonte la plus compacte pour un oreiller de plumes, tant les insistances de guitares vous appuient sur les muscles.
Mais MEMBRANE n’est pas que fureur et colère. Le trio accepte aussi les trêves de mélodies évanescentes, et « Eyes Wide Open » d’ouvrir les yeux sur la beauté étoilée d’une fugue nocturne. Un feedback soft, quelques mots chantés le souffle court, le timbre brisé par les heures d’attente vaines, qui démontrent que le groupe connaît la vie, et en accepte les moments les plus apaisés.
Toujours fidèle à ces thèmes qu’on développe jusqu’à ce que la corde lâche (« Lightning Skies »), le trio se contente de poursuivre sa route, dans les paysages désolés d‘une humanité qui n’en est plus que de nom. Les étapes sont plus ou moins difficiles, les rencontres hasardeuses et parfois suintant la haine et le désespoir (« The Height of a Life »), mais le trip est immersif, en apnée totale, et laisse un goût légèrement amer dans la bouche. Un goût de plénitude de la part d’un trio rompu à l’exercice difficile du renouvellement dans la continuité, mais un goût acide pour l’auditeur qui se voit présenté un tableau monochrome aux reliefs étranges.
Car dans ce monde, rien n’est jamais gratuit. Et « You’ll Wander », duo guitare/voix qui explose doucement d’une rythmique sobre, referme les portes de la ville, vous laissant seul avec vos questions.
Personne n’a jamais vraiment voulu voir Vesoul, Brel non plus. Mais une fois dans la place, on en sent l’odeur de soufre et des flonflons qui brûlent sur le bûcher de la Grand-Place.
Titres de l’album:
01. In The Crowd
02. Heart
03. Eyes Wide Open
04. Lightning Skies
05. The Height of a Life
06. You’ll Wander
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