Bionic Swarm est un album conceptuel constitué de huit histoires dystopiques qui prennent place en l’an 2149. Chaque titre forme une narration personnelle de certains progrès ou avancées technologiques qui sont vus par les yeux de ses habitants, à la fois humain et non-humain.
Tout ça fait méchamment penser à des œuvres antérieures, et notamment à celles de VOÏVOD, qui très tôt s’est intéressé à l’avenir incertain de l’humanité. Mais après tout, la thématique est méchamment d’actualité, au moment où le monde semble râler de sa dernière agonie, et où les réserves naturelles s’épuisent à vitesse grand V. Fonte de la calotte glaciaire, réchauffement climatique, pollution des rivières, lacs, consumérisme de plus en plus galopant, monoculture intensive, et mépris des puissants envers le destin de leur peuple, les CRYPTOSIS nagent dans les eaux de leur triste époque, et nous proposent donc un constat avec leur premier album. Celui d’un monde incapable de trouver des solutions à moyen terme, et d’enrayer la machine de destruction que nous avons-nous-mêmes créée. Pour souligner ce concept somme toute classique depuis des années, le groupe hollandais a donc choisi l’un des créneaux les plus porteurs pour le thème, en s’adonnant aux joies d’un Death/Thrash éminemment progressif, teinté de dissonances, de riffs agressifs, de mélodies amères, et de cassures rythmiques très prononcées. A leur écoute, beaucoup de références viennent à l’esprit, et pas des moindres. Outre les VOÏVOD canadiens, on pense immanquablement au PESTILENCE de Patrick M, et pas seulement à cause des origines partagées, mais aussi aux américains d’ATHEIST, et à quelques autres influences que le trio pourrait revendiquer.
Ce trio est justement né il y a une seule année, en 2020 donc, en s’appuyant toutefois sur sept ans d’expérience sous le pavillon DISTILLATOR. DISTILLATOR avait eu le temps de sortir deux longue-durée, avant de jeter l’éponge en 2020 et d’aborder sa transition vers une orientation légèrement différente, celle justement exposée sur ce terrifiant (dans le bon sens du terme) Bionic Swarm.
Immédiatement, la créativité instrumentale saute aux tympans. Signé sur le gros indépendant Century Media, CRYPTOSIS joue dès son premier effort dans la cour des grands, et se devait de fait de signer une œuvre fondamentale et frappante. C’est chose faite, et malgré ses trente-sept petites minutes, Bionic Swarm marque durablement les esprits, et s’insinue dans la mémoire come un virus futuriste létal vous laissant appréhender la vilénie d’un destin à venir. La méthode du groupe n’a pourtant rien de révolutionnaire. Un savant équilibre trouvé entre Death très syncopé et Thrash très marqué, des compositions ambitieuses truffées de riffs déviants, et des musiciens au bagage solide. Déjà actifs au sein de nombreuses entités (on cite OMGEVING, AGGRO, BELLUM ANIMI, EXTREEM ECZEEM, GASOORLOG, PROFLIGATE, FACE THE FACT, GRASP OF SENSE, SAND CREEK MASSACRE pour Frank te Riet le bassiste, BLASPHEMY NIGHT, SLEDGEHAMMER NOSEJOB, OVERRULED, THE DUTCH DUKE pour Marco Prij le batteur, et PROFLIGATE, ou FACE THE FACT pour Laurens Houvast, guitariste/chanteur, en sus de DISTILLATOR dont ils ont évidemment fait tous trois partie), les trois compères n’ont donc eu aucun mal à trouver la cohésion nécessaire à l’élaboration de ce premier album sous nouveau nom, qui nous projette dans un futur dystopien assez inquiétant dans les faits, mais épanouissant artistiquement.
Dès « Overture 2149 » nous sommes plongés dans le bain en fusion de cette vision futuriste qui ne nous réserve rien de bon. L’ambiance est sombre, les harmonies étranges, les arrangements nombreux, et si la couleur générale nous renvoie à The New Order de TESTAMENT, « Decypher » a tôt fait d’emballer les débats après une entame dantesque maculée d’un riff noir comme l’horoscope d’un bélier. En quatre petites minutes ou presque, le trio déballe les arguments, laisse s’exprimer une rythmique débridée, et un chant hurlé comme à la grande époque du Thrash allemand. La cadence est soutenue, le propos dense, les cassures mélodiques nombreuse, et on ne peut s’empêcher de songer à une version light et plus technique de STRAPPING YOUNG LAD. La sensation est d’ailleurs très agréable, la partition semblant chargée de changements, de déviations, et les idées s’entrechoquent à une vitesse hallucinante de vaisseau spatial. « Death Technology » suggère quant à lui des affinités avec un VOÏVOD des années de transition entre la période Snake et l’ère Eric Forrest, mais cette basse proéminente, ce tempo presque Punk et cette attitude bravache permettent aux hollandais se s’éloigner des schémas trop établis, et de nous offrir une œuvre plus personnelle.
L’auditeur n’a guère le temps de se poser trop de questions, tant les informations semblent bombardées dans un câble à fibre optique. A ce moment-là des débats, le trio ressemble plus à un combo de Techno-Thrash vraiment exigeant qu’à une association progressive assumée, mais « Prospect Of Immortality » raccroche les wagons à la locomotive, en se laissant aller à décélérer le rythme, pour imposer des dissonances vraiment envoutantes. Contemporains de VEKTOR et de HAVOK, CRYPTOSIS joue la même carte de transcendance de la tradition, en insérant son expérience personnelle dans un contexte classique. Pas étonnant de constater que les trois originaires d’Enschede ont partagé des faces avec la référence VEKTOR, puisque les deux groupes partagent bien des points communs. La visite futuriste suit donc un pas de l’oie très cadencé, entre Thrash très prononcé aux saccades précises au millimètre (« Transcendence »), transitions intelligentes (« Perpetual Motion »), ou divagations harmoniques distordues et biscornues (« Mindscape »). Le concept est donc illustré avec brio, et on se croit immergé dans une époque lointaine privée de tout plaisir et de libre-arbitre.
Car s’il est facile d’accumuler les plans jusqu’à l’overdose, il est beaucoup plus complexe de les agencer pour leur donner du sens. C’est pourtant le défi relevé avec brio par Bionic Swarm, qui n’a cure des querelles de styles pour imposer le sien, souple, dur, impénétrable et pourtant fascinant et abordable. En un seul album (certes en prolongement des œuvres de DISTILLATOR), CRYPTOSIS nous éloigne des turpitudes ennuyeuses du vintage formaté, et signe un premier LP aussi intrigant qu’essentiel. Doté en sus d’une merveilleuse pochette signée par l’artiste Eliran Kantor (TESTAMENT, SOULFLY), enregistré par Olaf Skoreng, mixé par Fredrik Folkare (UNLEASHED, NECROPHOBIC) aux Chrome Studios et masterisé par Tony Lindgren (DIMMU BORGIR, SEPULTURA, OPETH) aux Fascination Street Studios, Bionic Swarm est une réussite totale aux ambitions claires, et la première étape sur un parcours qui risque de nous entraîner aux confins de l’univers. Album du mois, sinon du semestre, et qu’on risque de retrouver dans les tops de fin d’année. Si toutefois la fin d’année n’est pas la fin tout court.
Titres de l’album:
01. Overture 2149
02. Decypher
03. Death Technology
04. Prospect Of Immortality
05. Transcendence
06. Perpetual Motion
07. Conjuring The Egoist
08. Game Of Souls
09. Mindscape
10. Flux Divergence
Une sacrée bonne surprise de l énergie de l innovation le futur quoi ..Dommage que la tournée de juin soit annulée
Bien plus convainquant sur album que sur l'EP partagé avec Vektor.
Ca donne envie de s'y pencher !
Merci pour la chro :)
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