Vous trouvez que depuis quelques années, le son suédois s’est montré trop marqué, trop facilement identifié, et trop partagé entre l’hommage AOR estampillé 80’s, le Death old-school dénaturé et calqué, et le grandiloquent que personne ne pourrait ni saurait prendre en défaut, même en le disséquant ? Vous pensez que leur façon d’envisager le Crust et le BM est trop figée, trop facile à anticiper ? Que leur règne ne va pas tarder à vaciller, à trembler sous les coups de boutoir de l’Europe de l’Ouest, de la Russie, ou même des Etats-Unis ? Qu’ils ont perdu la flamme qui faisait d’eux les sauveurs du Hardcore, illuminant de leur bougie instinctive et fragile les ténèbres d’uniformisation dans lesquelles nous errions ? Alors, ne cherchez pas plus loin l’argument qui contredira votre constat, je vous le fournis sans que vous n’ayez à faire le moindre effort. Il s’appelle BITCH HAWK, et c’est certainement le collectif le plus improbable que vous puissiez envisager en ce moment. En tentant de délocaliser la chose dans nos contrées, ce projet purement scandinave se retrouverait articulé autour de Benjamin Biolay, de Yannick Robert, Mathias Malzieu et Manu de LA RUDA, et je sens déjà que vous avez du mal à visualiser de vos oreilles médusées le tableau. C’est pourtant le concept de base de l’équipe formant ce collectif pour le moins bigarré, puisque nous retrouvons aux postes de ce groupe improbable Patrik Berger, compositeur pour Lana Del Rey, Lorde, ou Charli XCX, le guitariste de Jazz national Andreas Hourdakis, Henrik Holmlund, batteur des CENTIMETER, STREET FIGHTING MAN et CLUB OF DROIDS, et Fred Burman, chanteur des SATAN TAKES A HOLIDAY, ce qui nous donne un bilan assez proche de la transposition purement frenchy que je vous proposais en amont.
Improbable le truc ? Sur papier, carrément, mais musicalement, encore plus. Parce qu’entre un calibreur de tubes internationaux, un gratteux fan de Paco de Lucia, un chanteur barré Rock et un batteur au chaloupé ensoleillé, le produit aurait pu prendre des allures divergentes et convergentes, mais certainement pas ce que vous allez vous envoyer en écoutant les morceaux de ce premier album éponyme, Bitch Hawk, qui est certainement l’un des trucs les plus inclassables que j’ai pu chroniquer depuis un bon moment. Mais il faut dire qu’entre l’éclectisme des gus, leur sens de l’humour, et leur talent, il n’est pas si étonnant que ça de se retrouver à analyser des chansons qui hésitent entre le Hardcore le plus abrasif, le Sludge le plus implosif, le Punk le moins complaisant et le Rock le plus brinquebalant, pour finalement, éviter toutes les catégories avec un brio de folie. Et de folie, il est largement question sur ce LP qui finalement, sait mettre la technique au service de l’exubérance, et ainsi nous prendre à revers avec beaucoup d’élégance. Et entre des textes dédiés à la chute de Charlie Sheen et des instrumentaux dignes des CRAMPS sous acide co(s)mique, la musique devient une sarabande complètement à la masse qui nous secoue les tripes et malmène nos oreilles, tout en laissant un large sourire s’afficher sur notre visage. Jouissif, c’est le mot, et trouver des références pour tenter de placer le truc quelque part ne sera pas chose aisée. Tellement d’ailleurs que je pense que ne vais même pas essayer. Mais si jamais la lourdeur des MASTODON, le radicalisme puriste des REFUSED, et l’hystérie connective des HELLACOPTERS pouvaient se fondre dans un gros chaudron pour produire une sorte de potion magique à base d’amiante et de plomb, alors le résultat ressemblerait pas mal à ces exactions. Vous imaginez le machin, aussi dangereux que sous caution ? Non ? Ça ne m’étonne pas, puisque c’est impossible. A moins de connaître d’avance le jeu bizarre joué par des BITCH HAWK presque en transe.
Et en lâchant le single « Death ! » en signe avant-coureur, les suédois savaient parfaitement ce qu’ils faisaient. Ils assimilaient la rage juvénile et nihiliste des STOOGES, pour la formaliser autour du Punk des 999, le tout interprété par un groupe de Crust local, soudainement fasciné par l’histoire des IMPALED NAZARENE voisins. Un genre de Proto-Core aussi lourd et gras qu’une barquette de saumon noyée dans le bourbon, et qu’on avale en faisant la grimace parce que ça pique la gorge et nique sa race. Du Rock sous amphés, à cent lieues de l’univers habituel des protagonistes, qui finalement, sont beaucoup moins sérieux que leur fonction ne les y oblige. A ce propos, le chant sardonique de Fred Burman est un modèle du genre, et transcende une bande d’arrière-plan en festival de la dégénérescence, alors même que la guitare d’ordinaire si subtile et habile d’Andreas Hourdakis se vautre dans la luxure de riffs dégueulasses, à la distorsion excessive, et aux déliés purement adolescents (« Sunday Funday », ou comment délocaliser la morgue anglaise des DISCHARGE du côté de Stockholm). En fait, du gros bordel méchamment défrisé et débridé, pour un maximum de plaisir, qui parfois épouse les contours d’un Post Punk un peu froid, origines obligent, pour un « Winning » qui se repaît des mésaventures du pauvre Charlie Sheen, bien loin de son univers d’oncle Charlie un peu pervers. Humour noir ? Evidemment, sinon comment ? Puisqu’après tout, les mecs renient même leur nom, qu’ils trouvent ringard et sexiste…Pourtant ils sont tout sauf ringards, puisqu’ils maîtrisent le Blues, le Sludge, le Doom avec la facilité de vieux briscards élevés à la tétine ST VITUS et OBSESSED (« Dragon Slayer », plus dégoulinant que ça, je ne vois que les seins de ta mère), qu’ils sont capables de retranscrire le Punk Hardcore initial avec un détachement qui frise la frime (« White Knuckles », même les MCLUSKY n’ont jamais pondu un truc aussi sale et rampant) et puis…
Et puis qu’ils nous refont le coup du pesant qui vaut son or ou son plomb (« Connecting Wires »), qu’ils nous prodiguent des conseils percussifs et javatomiques pour nous sortir des situations difficiles (« Don’t Look, Just Run », ou comment coller MINISTRY dans un cartoon dessiné par la plume des KMFDM), avant de terminer leur délire dans une dernière giclée de NOLA bien liquoreuse, mais adepte des goulées chaloupées (« Stake Me »). Et puis voilà, c’est déjà fini. Goodbye guys, we’ll miss you. Mais ils s’en foutent en fait de notre amour pris sur le fait. Alors, d’un line-up aux détails aussi incongrus que bienvenus, jusqu’à cette musique qui l’est tout autant, il n’y avait que la Suède pour produire un machin aussi dément. Preuve que ces satanés scandinaves ne font décidément rien comme personne, et qu’ils peuvent s’abandonner le temps d’un projet commun en oubliant leur sérieux quotidien. Et vous pensiez les connaître, trop polis pour être tordus ? Mais méfiez-vous de ce peuple biscornu. S’ils dominent le marché depuis des années, c’est qu’un savant pas si fou au goût si sûr à dû les reprogrammer. Et les BITCH HAWK sont probablement sa créature la moins domestiquée.
Titres de l'album:
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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