Je vous l’accorde volontiers, la photo promo sur le Bandcamp du groupe n’incite pas à la confiance aveugle. Ces faciès joyeux aux grimaces prononcées ne s’accordent pas vraiment de la musique proposée, et une fois encore, le ramage contredit le plumage. Car les australiens de TRIPLE KILL sont tout sauf des clowns Metal sous un chapiteau détrempé, et leur deuxième album est une sacrée référence. Dans un registre pluriel de mélange des genres, les originaires de Melbourne cachent bien leur jeu en faisant les imbéciles pour amuser la galerie, mais Blackened Dawn ne vous trompera pas bien longtemps.
Efun White (basse), Connor O'Keane (batterie), Anthony Commane & Daniel Mackie (guitares) et Rodney Goolagong (chant) ne sont donc pas les pitres qu’on pouvait craindre, et même loin de là. Ces marsouins prennent leur musique très au sérieux, et n’hésitent pas à faire de l’œil aux fans de Heavy noble, de Power de vignoble et de Néo-Thrash mélodique qui chatouille les guiboles. En étant un peu inattentif, on pourrait même les prendre pour des allemands en villégiature en Suède, tant les mélodies qu’ils proposent évoquent les pays nordiques, alors que la solidité des riffs est caractéristique de la violence d’outre-Rhin.
On sait que le Power Metal est une terre fertile, mais aussi qu’il est un terreau propice aux mauvaises herbes. L’excès de sérieux, des mélodies lénifiantes, et une tendance à en faire trop en ont fait l’un des sous-genres les plus casse-gueule, au même titre que le True Metal. Mais ici, le genre se pare de ses atours les plus humbles, pour accrocher l’oreille des nostalgiques de STRATOVARIUS, AVANTASIA et consorts.
Un sacré mélange donc, parfaitement équilibré entre puissance et nuance, avec en exergue des mélodies fatales sur des refrains mémorisables, le tout agité de riffs énervés, en mode Néo-Power Metal. Oublions donc les grimaces, les chemises aux motifs douteux, pour nous concentrer sur un album solide, composé et interprété par des musiciens très capables, qui ne bradent pas le Metal pour une vulgaire piécette. Et dès la prise de contact « Blackened Dawn », le doute n’est plus de mise et la confiance accordée. Car les TRIPLE KILL, tuent, tuent et tuent encore, comme des tueurs à gages embauchés par la mafia Heavy australe pour débarrasser le monde de tous ses imposteurs nostalgiques.
L’album tient donc méchamment la route, et si les compositions recyclent des thèmes connus, le résultat n’en est pas moins fabuleux. Entraînant, catchy, épais et puissant, le Metal du quintet fait partie du haut du panier, bouscule, séduit, fait les yeux doux, serre les poings, et se met au diapason d’une époque qui ne tolère plus depuis longtemps les enregistrements approximatifs et les productions erratiques.
Celle de cet album est un modèle du genre, avec une grosse caisse profonde, une basse en renfort, et une paire de guitares upfront. Ce qui nous permet d’apprécier l’unité du tandem Anthony Commane & Daniel Mackie, qui riffent velu, et qui permettent au chant de Rodney Goolagong de taquiner le spectre d’un Alternatif des années 90, lorsque les charts ouvraient de nouveau leurs portes aux musiques subtilement agressives.
Intelligent. C’est vraiment le mot qui vient à l’esprit à l’écoute de ces neuf compositions. Intelligent, et performant. Entre des intros très bien placées et des modulations assumées, TRIPLE KILL se montre fin limier, et son expérience du terrain lui permet de ne pas se laisser surprendre par un passéisme de bas étage. Je mettrai en avant le long et tendu « The Grafted », musclé, impressionnant mais plein de flair, pour souligner les capacités d’un quintet sur de ses moyens. Avec une rythmique inventive mais sobre, et des chœurs qui se mêlent aux lignes de chant principales, « The Grafted » se pose en démonstration parfaite d’une optique qui ose le Metalcore, le Post-Grunge pour mieux célébrer le Metal de tradition.
Evidemment, ce morceau n’est pas le seul à pouvoir défendre la réputation de ces australiens bien dans leur peau. « Shai-Hulud », quasiment Pop-Rock qui défonce pourtant Thrash dans une crise d’énervement (sans oublier ce vibrato hystérique sur le solo), « Weight of Eternia », mid séduisant qui regarde fixement les yeux d’une génération Heavy renouvelée, ou « Torn » qui attaque de tous les côtés, font partie des grandes réussites de Blackened Dawn, qui contrairement à son titre, nous propose une aube colorée, lumineuse, avec la nuance de nuages orageux dans le lointain.
Si tout n’est pas parfait, et si de temps à autres, les répétitions se font plus évidentes, l’ambiance générale surchauffée et l’énergie développée permettent d’excuser quelques ficelles hâtivement tirées, pour finalement célébrer l’envie d’un groupe qui domine son sujet.
Nul besoin d’être un Power-addict pour déguster ce deuxième album qui fait montre d’une maturité indéniable. La connaissance du genre vous permettra toutefois de juger du talent de ces musiciens, et vous fera souligner l’ambition d’un final vraiment grandiloquent (« Dust »). Mais si vous êtes plus porté sur le Heavy rythmé, ou le Néo-Thrash atténué, Blackened Dawn vous proposera aussi quelque chose, puisque son étal est bien achalandé pour tous les goûts.
Excellent disque, photo promo à vite effacer. C’est toujours mieux que le contraire.
Titres de l’album:
01. Blackened Dawn
02. ...And Hell Followed With Him
03. Shai-Hulud
04. Weight of Eternia
05. Torn
06. The Grafted
07. Finish the Fight
08. Hymn, At Parting
09. Dust
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