Humeur bucolique ou pacte faustien ? Méphistophélès ou la fée Viviane ? Brocéliande ou le Chili le plus sombre et malsain ? Autrement dit, possession ou libre arbitre ? Telle est la question qui se pose au moment d’aborder le premier album de FAUSTIAN SPIRIT, qui si j’en juge par cette musique a vendu son âme au diable depuis un bon moment. Il faut dire que ce trio de Valparaíso s’était déjà fait remarquer par une démo éponyme il y a deux ans, et que la plèbe noire de jais attendait avec impatience la suite. Les labels aussi d’ailleurs, et c’est la Lituanie d’Inferna Profundus Records qui remporte la mise et le droit de distribuer cette première infamie dans toute l’Europe.
Bonne pioche. Car même si ce trio infernal se veut aussi classique qu’un bracelet clouté au poignet du Fenriz de 1994, il n’en est pas moins porteur d’espoir pour le BM le plus traditionnel, arraché entre mélodies maladives et riffs circulaires à donner le tournis à un pilote d’élite. Avec seulement huit titres pour moins de quarante minutes de musique, Blessed by the Wings of Eternity joue la concision, et le parrainage sud-américain en matière de bestialité des ténèbres. Ses trois membres aux pseudos fleuris (Knoʯmenon - batterie, N. Psicopompos - guitare et Magister Nihilifer Vendetta 218 - chant, il fallait le trouver) ont donc opté pour une ligne directe avec l’enfer, sans se perdre en chemin pour organiser quelques sacrifices sur le pouce.
Blessed by the Wings of Eternity fait partie d’un lot envoyé par le label, proposant ses six dernières sorties, et fait partie des plus recommandables. D’une par la qualité de sa musique, traditionnelle mais violente et teigneuse dans le noir, mais aussi pour sa production efficace, et son interprétation au cordeau. Si l’ensemble à de sérieux airs de déjà-écouté, il n’en reste pas moins plaisant à l’oreille, nous ramenant aux origines du mal, dans les années 90, lorsque toutes les exactions étaient encore permises et toutes les possibilités ouvertes.
FAUSTIAN SPIRIT a choisi de fermer toutes les portes inutiles, et de se concentrer sur un Black froid, sauvage, mais épais et professionnel, et qui pourra vous rappeler une bonne centaine de références venant du Brésil, d’Allemagne, de Finlande, de Norvège ou de France. Non que cet album sonne passe-partout et anonyme, mais autant admettre qu’il ne franchit jamais les limites du malaise, pour rester compréhensible par tous, et appréciable pour les puristes les moins complaisants.
On y trouve même quelques ornementations assez remarquables, comme cette mélodie sobre et ce son de pluie sur « The Faustian Archetype », interlude étrangement placé en début d’album, mais qui lorgne du côté de la musique Folk grecque. Raisonnable mais teinté d’ambitions, ce premier album est donc une réussite, ne le nions pas. Ne serait-ce qu’à cause de ce titre gigantesque et épique qu’est « Sanguinem Drakonis », s’étalant sur plus de huit minutes, et rappelant IMMORTAL, MAYHEM et DARKTHRONE, soit le trio de tête des princes des atmosphères déliquescentes des nineties.
Et c’est après un second interlude tout aussi folklorique que le premier que la fin de l’album s’annonce, en totale adéquation avec la première partie. A la différence près que « Sol Intempesta » joue le BATHORY lookalike jusqu’au bout des ongles avec son mid tempo martelé, avant évidemment que les blasts ne nous éloignent de la référence.
Un peu monolithique, mais avec quelques déviations intéressantes, ce premier album des chiliens de FAUSTIAN SPIRIT n’est certainement pas le pacte avec le diable que vous attendiez pour rester jeune et inspiré à jamais, mais il reste une entrée intéressante dans l’underground, et l’occasion de découvrir un label de passionnés qui propose des groupes inabordables pour le mainstream Black Metal.
Titres de l’album :
01. Nullification
02. Mysterivm Veritas Silentivm
03. The Faustian Archetype
04. Sanguinem Drakonis
05. Blessed by the Wings of Eternity
06. Die Minnensänger
07. Sol Intempesta
08. Gazers of Tehiru
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