Direction le Baltimore de John Waters, mais un Baltimore bien différent, loin de la gaudriole et des personnages hauts en couleur. Ce Baltimore-là est éminemment plus violent, plus saccadé, et plus porté sur le Thrash que sur le trash. Néanmoins, la violence qui anime ce deuxième album des locaux d’ARSENA n’est pas dénuée d’une certaine folie, et en tout cas, d’une envie progressive subtilement psychédélique parfois, ce qui lui permet d’honorer la tradition de l’état du Maryland.
ARSENA, après un State of Affairs bien troussé et ambitieux, revient donc aux affaires avec ce Blood Rusted Mother Earth, dense, complexe, technique à souhait, mais efficace dans le fond et la forme. Et on remarque immédiatement cette production étonnamment performante et claire, qui permet à tous les instruments de respirer, et donc de nous livrer leurs plans avec une précision proche du Techno-Thrash.
Quatuor rodé à l’exercice de l’excellence (Josh Deckman - basse, Owen Duff - batterie, Robb Hollowell - guitare et Luke Albert - guitare/chant), ARSENA se rapproche parfois d’une version moins jazzy d’ATHEIST, avec ces riffs qui s’imbriquent les uns dans les autres en mode gigogne, et ces cassures rythmiques proéminentes qui accentuent la bousculade de l’ensemble. Entre BLIND ILLUSION, CYNIC et DEATHROW, ARSENA développe donc de beaux arguments, et fait preuve d’une ambition totalement assumée. En en deux titres seulement, le quatuor nous embarque dans son voyage, évolutif, aux nombreuses étapes, et au message alambiqué.
Loin de la simple copie old-school déjà périmée avant d’être publiée, Blood Rusted Mother Earth se présente sous un jour très flatteur, illuminé de mélodies superbes et de ponts travaillés et ciselés, pour bien marquer son territoire et s’éloigner du terrain de jeu des groupes versés dans la nostalgie facile. Il est rare qu’un groupe parvienne à vous ranger à ses arguments en moins de dix minutes, et c’est pourtant la prouesse accomplie par ces quatre américains, attachés aux détails et aux arrangements précis.
Saluons évidemment le travail des deux guitares, qui saccadent à outrance avant de partir dans des soli stellaires, mais aussi la performance vocale qui nous éloigne des grogneurs habituels. Très précieux sans être pompeux, le Thrash développé sur Blood Rusted Mother Earth est magnifique et incroyablement fertile. On pensera parfois à un VOÏVOD soudainement amoureux de FLOTSAM & JETSAM, mais finalement, les comparaisons sont vaines au moment de situer l’objet dans une galaxie précise. Disons donc que le Metal agressif du Maryland est l’un des plus séduisants du marché, et l’un des plus compétitifs.
Entre originalité et brutalité, « Kamikaze Sun God » propose le meilleur des deux mondes, cavalant sur un tempo épileptique renforcé par les saccades de deux guitares à l’unisson, avant qu’une basse mutine ne sonne l’oraison. Avec un timing très étiré pour des compositions piétinant allègrement les six minutes ou plus, ARSENA a voulu marquer le coup, et faire de ce second longue-durée l’évènement qu’il est vraiment. On s’accroche aux branches pour ne manquer aucun détail sur le passage, et on se satisfait très bien de ces accalmies harmoniques que le groupe distille avec beaucoup d’intelligence (l’intro de « Tyrannicide », délicate et ouvragée qui explose soudain d’une énergie époustouflante).
Mais à vrai dire, si un nombre conséquent de titres se détachent du lot, c’est le lot lui-même qui impressionne. Car il est très difficile de maintenir la pression pendant près d’une heure sans se montrer redondant, et pourtant, Blood Rusted Mother Earth semble ne jamais se répéter, et accumuler les figures de style les plus risquées pour imposer son point de vue. « Seeds of the Dead », et son parfum MEGADETH des jours complexes, « Black Lung » et son up-tempo bondissant sur fond de prouesses rythmiques, « Dreams in the Slaughterhouse » et son slap rappelant les plus grands moments d’ATHEIST avant de nous les écraser façon Bay-Area déchaînée, le répertoire est impeccable et immaculé, et à cent lieues de ce que le style passéiste nous propose de plus facile depuis une vingtaine d’années.
S’il est évident que le fan de Thrash lambda à l’Allemande passera son chemin sans regret, l’accro à la sophistication à l’américaine reconnaitra facilement ses petits dans cette portée. Une portée déjà adulte, avec en exergue ce long et hypnotique aîné « Skin Hunter », débordant d’enchaînements acrobatiques et d’idées ingénieuses.
En restant objectif, il n’est pas difficile de comprendre que tous ceux ayant écouté cet album le placeront dans leur traditionnel top de fin d’année. Et à raison, puisque Blood Rusted Mother Earth est sans conteste possible l’album de Thrash le plus culotté de 2022, loin devant les cadors fatigués et les suiveurs en pilotage automatique. Suggérant parfois des accointances avec le BELIEVER le plus expérimental, ARSENA se pose en nouveau géant de la violence américaine, une violence saine, intelligente et brillamment développée.
Nous sommes en effet loin du Baltimore de John Waters, mais il apprécierait sans doute cet autre aspect de sa ville, loin des gags grossiers et des excréments dégustés.
Titres de l’album :
01. Pioneer
02. Moth Priest
03. Kamikaze Sun God
04. Tyrannicide
05. Seeds of the Dead
06. Black Lung
07. Dreams in the Slaughterhouse
08. (Backrooms)
09. Skin Hunter
10. Bloodrusted Mother Earth
11. Ritual Violence
Ahhhhhh, Arsena ! Lovely !
J'ai découvert le groupe y a 2 ans avec leurs EP et voici l'album !
J'avais pressenti que le groupe avait du talent et pouvait proposer de la bonne came. Chose confirmée par ce Blood Rusted Mother Earth.
C'est varié, inspiré.
J'alterne entre le Arsena et le Megadeth. Une excellente seconde partie 2022 pour le Thrash en ce qui me concerne.
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