Boiling Solitude

Valtozash

12/11/2021

Autoproduction

On sait depuis longtemps que le métissage sied bien au Metal. Et la Fusion, ou le Crossover selon votre terme préféré ont produit des albums considérés à juste titre comme des classiques qu’il serait vain d’énumérer ici. Mais s’il est un style qu’on imaginait mal s’accommoder avec la puissance et la violence du Metal, c’est bien le Jazz. Pourtant, depuis les exactions de la famille Ipecac, les délires de Jon ZORN, et les déviances multicolores de SHINING, le Jazz a prouvé que son ADN était tout à fait compatible avec celui du Metal extrême, pour peu qu’il soit joué à la manière d’Ornette Coleman : free.  

En effet, le Free Jazz comme son nom l’indique, avec ses envolées chromatiques et ses dissonances est le petit ami parfait pour une belle femme métallique aux contours charnus, mais au profil irascible et instable. Les deux génèrent évidemment beaucoup d’électricité durant leur union, des fulgurances en triphasé à faire sauter les plombs d’une usine de fonte, mais aussi des embrassades sous le gui d’une douceur incroyable lorsque madame exprime tout son amour pour les watts les moins amplifiés. Et il n’est donc guère étonnant de constater que l’ensemble australien VALTOZASH célèbre cet amour avec une acuité sans précédent, en trouvant le juste équilibre entre le caractère foncièrement viril du Metal, et les sinuosités charnelles mais sauvages du Free Jazz.

VALTOZASH is the world's first jazz-metal big band   

 

C’est ainsi que se présente ce petit orchestre de Brisbane City, en toute humilité. Composé d’une trame instrumentale en trio classique (James McIntyre - guitare, Zac Sakrewski - basse et Ben Shannon - batterie) sur laquelle viennent se greffer toute une famille de cuivres complètement barges, mais capables, avec pas moins de six saxos (Julian Palma, Martin Kay, Andrew Ball, Connor Sharpe, Yori Dade, David Cox), cinq trompettes (Zac Chambers, Simon Ward, Philip Harden, Jacob Hills et Dan Brown), et quatre trombones (Moniqua Lowth, Jamie Kennedy, Antony Visser et Seans Mackenzie), VALTOZASH est le genre de groupe un peu fou dont la vision de la musique s’accorde mal avec une normalité commerciale. Vu de l’extérieur, tout ceci ressemble à un pari désespéré, une communion impossible entre deux publics bien différents, mais vu de l’intérieur, on comprend immédiatement pourquoi les australiens ont cru pouvoir unir les mains des deux familles en toute confiance.

Ainsi, la doublette « Boiling Solitude » / « Too Many Eggs, Too Many Baskets » démontre en douze minutes pourquoi ce mariage est valide et soutenu par moult témoins. Sur une assise rythmique totalement Extreme Metal, le groupe s’amuse de ses propres digressions, mais propose une magnifique complémentarité entre les instruments, et ose des arrangements dignes d’une BO de road-movie improbable, quelque part entre Sydney et Melbourne. Un road-movie qui sent bon la poussière, le désert, les confessions intimes, les longs silences de nuit pudiques, et cette musique s’envole vers des paysages tantôt luxuriants, tantôt ascétiques et désolés.

Le génie du groupe, outre sa capacité instrumentale largement au-dessus de la moyenne, est d’avoir joué crânement sa carte de big-band sans retenue. Les passages violents sont dignes d’un Death autrichien, tandis que les passages vraiment jazzy nous ramènent parfois à la Nouvelle-Orléans, en plein mardi-gras, avec ses touristes amusés et ses locaux pas dupes. On pense aux passages les plus cartoonesques du Devin Townsend de « Bad Devil », on pense à un DIABLO SWING ORCHESTRA plus trash et moins obsédé par le vaudou et la danse de bal, mais on pense aussi parfois au Zeuhl si cher à Christian Vander et ses suiveurs, lorsque les chœurs fantomatiques prennent le dessus sur l’instrumentation déjà très dense.

L’autre coup de génie du groupe, est d’avoir laissé quelques parties de chant libres, afin que la voix monstrueusement grave et glauque de Cameron Whelan fasse son office d’outre-tombe. La voix caverneuse du vocaliste confère une patine encre plus agressive au concept, et domine de son timbre raclé quelques passages qui n’en deviennent que plus intenses. Mais le réel talent des musiciens est d’avoir agencé leur album comme un tout découpé en parties, et non pas d’avoir assemblé des parties pour en faire un tout.

Boiling Solitude est donc une longue symphonie pas si folle qu’il n’y parait au départ, avec des moments de pure musicalité, comme ce « Witness Me », au groove incroyable, qui laisse une rythmique totalement Heavy et déconstruite soutenir un ballet de trompettes et de saxos pour produire une sorte de proto-Funk totalement contagieux et euphorique.

Vous l’aurez donc facilement compris tout ceci n’est pas qu’un fantasme de musicien, et le grand public peut largement y trouver son compte. Entre les allusions au véritable Jazz tel qu’il était pratiqué dans les années 70, les stridences de son cousin tordu le Free qui mettra l’écume aux lèvres des fondus de l’équilibrisme, et les poussées de fièvre Metal toujours atténuées par une mélodie sous-jacente, Boiling Solitude est une œuvre riche et dense, qui trouve son acmé sur le long « Pedalling E », qui pendant neuf minutes s’amuse avec les possibilités du mi sans manque d’inspiration. Les soli sont magnifiques, les anches sont chaudes et caressées par des lèvres expertes, les percussions malmenées par un batteur qui frappe ses peaux au lieu de les caresser, et on ressort de l’écoute de cet album galvanisé, heureux, et certain que le monde peut parfois réserver de belles surprises, pourvu qu’on accepte l’ouverture aux autres.

Et le ballet final outrancier et hystérique de « Through the Fire and Flames » de nous convier à une dernière danse autour du feu, célébrant l’unisson des cuivres dans un orgasme des sens. Magnifique, époustouflant, énergique, fou, cet album des australiens est le meilleur remède à la morosité ambiante. Et sans prescription, ni effets secondaires.

             

                                                                                                                                                                                           

Titres de l’album:

01. Stefulj

02. Boiling Solitude

03. Too Many Eggs, Too Many Baskets

04. Children of Fuel

05. Witness Me

06. Pedalling E

07. Through the Fire and Flames


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 06/12/2021 à 17:38
95 %    571
Derniers articles

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report

Star Rider/Blaze Bayley

mortne2001 24/04/2025

Live Report

LOUDBLAST : 40 ans de carrière !

Jus de cadavre 20/04/2025

Vidéos

Big Brave + MJ Guider

RBD 12/04/2025

Live Report

Becoming Led Zeppelin

mortne2001 09/04/2025

Live Report

Klone

RBD 08/04/2025

Live Report

Dr. Feelgood

mortne2001 29/03/2025

Live Report

1000Mods + Frenzee

RBD 24/03/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
DPD

Si je comprends bien il n'y a qu'un seul membre d'origine ? et évidemment que c'est un tribute band, comment l'appeler autrement. à ce point autant commencer un nouveau groupe avec un clin d'oeil, pour affirmer une certaine continuité. Faut assum(...)

06/05/2025, 05:51

Moshimosher

Perso, je suis plutôt preneur ! Reste plus qu'à espérer que ce soit à la hauteur de mes attentes !(Faut bien avouer que même si je suis fan de l'album Sick, mon préféré reste Enjoy the Violence ! Quelle tuerie absol(...)

05/05/2025, 23:34

La Boca

J'ai eu la chance de les voir il y quelques semaines dans une salle stéphanoise chauffée  à blanc et je peux vous dire qu'on va entendre parler de ces garagnats dans le monde entier !!!! Du grand art .

05/05/2025, 18:16

Humungus

Il était temps...

05/05/2025, 09:15

Oliv

Après j'ai 50 balais et je ne vais plus trop a des concerts ou festival et pourtant j'ai le sylak a 10 minutes de chez moi mais ce n'est plus ma  tasse de thé et désintéressé de la scène actuelle et l'ambiance qui ne me correspond(...)

04/05/2025, 12:35

Oliv

C'est très surprenant car Montpellier est bien connu pour être étudiant , dynamique et jeune . Je ne comprends pas ces difficultés car je ne maîtrise pas tout alors qu' a l'inverse dans la région Lyonnaise où je suis , c'est plut&oci(...)

04/05/2025, 12:25

Simony

Moi j'y serai !Avec les copains de Sleeping Church Records, on sera sur place !

04/05/2025, 09:55

RBD

Je l'ai essayé, alors que je n'écoute plus Benediction depuis beau temps. Ce sont des vétérans et le retour de popularité du Death vieille école leur vaut une certaine popularité, qui n'est pas volée au regard de cette long&ea(...)

03/05/2025, 22:39

DPD

T'as même pas le courage de dire que c'est un comportement typique de la population noire américaine, ce qui n'a aucun rapport ici.

03/05/2025, 21:41

DPD

Je précise ne rien avoir avec ce dénommé Caca qui semble péniblement tenter mon style pour faire fureur dans les commentaires. Vous manquez de style et de fond, cher Caca !Je suis top nazi ici et je vais pas laisser ma place à la médiocrité (...)

03/05/2025, 21:36

DPD

Oui c'est tellement américain cette histoire, je juge même c'est tellement un autre monde. Mais il semblerait qu'il ait, c'est peu dire, dépassé les bornes.

03/05/2025, 21:31

Caca

En France, sa mère serait tout sourire sur un cross volé devant les caméras en train de dire "qui n'a jamais fait un refus d'obtempérer".

03/05/2025, 19:37

Jus de cadavre

Ou alors personne n'aurait sorti de flingue, et ça aurait fini autour d'un pastis.

03/05/2025, 16:30

Gargan

En Fronze, il serait encore en vie et le policier en GAV.

03/05/2025, 15:56

Humungus

Faut dire quand même qu'il n'y a rien d'plus soulant que de ramasser des putains d'feuilles hein...Surtout si c'est celles de l'aut' con !

03/05/2025, 10:09

Jus de cadavre

Oui je n'avais pas précisé les causes de la mort... C'est tellement cliché comme mort pour un ricain

03/05/2025, 08:34

Nubowsky

“According to The Daily Journal, Montana was involved in a dispute with his neighbor in South San Francis(...)

03/05/2025, 08:09

Nubowsky

Armé et dangereux, il a été flingué par la police de SF. Visiblement il est allé jusqu’au bout du concept du nom du groupe..

03/05/2025, 08:03

Gargan

Y’en a qui viennent ? (Dans la Vienne

02/05/2025, 21:44

Sleeping Church Records

Merci pour cette magnifique chronique !

02/05/2025, 08:30