Deuxième album avec Chip Z'nuff au chant, Brainwashed Generation prouve de sa pochette son centre d’intérêt actuel et le manque de communication de cette génération dite « connectée », qui est en fait totalement déconnectée du monde et en prise avec les affres du virtuel. Parti-pris intéressant pour ce nouvel album des éternels ENUFF Z'NUFF dont le parcours n’a pas été des plus simples, et qui reviennent aujourd’hui avec un line-up encore modifié. Entre les décès, les départs, les hiatus, les membres fondateurs se la jouant Brian Wilson et refusant de continuer à tourner, l’histoire du groupe n’a pas été de tout repos, et c’est presque un miracle que ce nouvel LP voit le jour alors que le combo aurait dû splitter depuis très longtemps. De la formation d’origine ne reste donc que le leader Chip Z'nuff, qui depuis Diamond Boy a pris en charge le chant en sus de la basse, mais l’esprit originel est toujours là, et la musique n’a pas vraiment changé depuis les débuts tonitruants de l’éponyme de 1989. Nous étions nombreux il y a trente ans à avoir craqué pour ce Hard Rock aux sonorités Pop, clairement influencé par les BEATLES et CHEAP TRICK, et c’est un peu la même ambiance que nous retrouvons aujourd’hui sur ces dix nouvelles chansons qui sont autant de prétextes à des mélodies envoutantes et à une ambiance quasi mystique. Frontiers renouvelle donc la confiance accordée au groupe, et le label ne s’y est pas trompé, puisque sans atteindre les sommets des premières années, Brainwashed Generation est un excellent album aux harmonies très travaillées, au son se rapprochant des premières senteurs, et dégage un parfum de nostalgie qui fait du bien aux naseaux.
Aujourd’hui, le groupe accueille de nouveau Alex Kane, guitariste présent avant la sortie du premier LP, tout en se reposant sur les valeurs sûres de Tory Stoffregen, guitariste en poste depuis 2008 et de Daniel B. Hill, batteur depuis 2016. Mais c’est évidemment Chip qui se place au centre des débats, de sa basse nonchalante et de son chant respirant l’esprit du Haight-Ashbury, et dans les faits, Brainwashed Generation pourrait incarner un survol géant de la carrière hétéroclite du groupe tant les chansons ressemblent à ses synthèse des hits passés. Mais loin de jouer le recyclage facile, ENUFF Z'NUFF continue d’avancer pour écrire sa légende, et continue aussi de composer des morceaux qui restent dans la tête, comme des symphonies sixties traduites dans un idiome plus contemporain, et si d’aventure vous ne craquiez pas pour l’irrésistible « It’s All In Vain », c’est que le TEARS FOR FEARS de Sowing the Seeds of Love ne vous manque pas tant que ça. Il est rassurant de constater que des idoles de jeunesse ne vieillissent pas vraiment artistiquement, et si ce LP est frappé du sceau de l’année 2020, il aurait très bien pu voir le jour dans les années 90, tant son orientation est classique et difficile à dater. Doté d’une production profonde et un peu floue qui sert à merveille l’ambiance développée par les chansons, ce nouvel effort de la bande de l’Illinois est une nouvelle réussite à ajouter à un tableau déjà chargé, et se présente sous la forme de dix chapitres simples, directs, n’ayant qu’un seul but avoué, celui de vous faire chanter en chœur et de vous évader d’une période trouble marquée par le manque de communication et de repli sur soi-même. La musique du NUFF, comme toujours, est un signe de partage, de réunion de personnes parlant le même langage musical, affectionnant autant le Glam que la Pop, et le Rock, le Hard-Rock, le psychédélisme soft, et surtout, une inclinaison pour la party-music qui sous des atours chatoyants et brillants se montre plus profonde qu’elle n’en a l’air.
Le chant de Chip est toujours convaincant, un peu geignard et traînant sur les bords, mais en parfaite adéquation avec des rythmiques un peu pataudes et des chœurs sortant d’un paradis artificiel (« Strangers In My Head »). Et si le quatuor nous offre exactement ce que nous attendions dès le premier hit « Fatal Distraction », il convient de ne pas oublier que chacun de ses albums a toujours été constellé de morceaux totalement fatals, construits selon cette recette d’un couplet enthousiaste déboulant sur un refrain euphorique. Et cette entrée en matière ne déroge pas à la règle, un peu comme si « New Thing » se voyait relifté pour mieux convaincre la teen génération d’aujourd’hui. Cette fameuse génération qui ne semble s’épanouir qu’à travers des écrans de toutes tailles, oubliant par là-même les vertus du partage et du dialogue, des valeurs que le groupe défend depuis l’orée de sa longue carrière. En tout cas, aucune surprise à l’écoute de ce nouveau chapitre de la saga, puisque tout a été peaufiné pour nous renvoyer vers un passé heureux sans occulter un présent qu’on ne peut éviter. Si le combo s’est parfois égaré en route, s’il a pâtit de mort tragiques et de déviations intimistes, il retrouve aujourd’hui toute sa superbe, et confirme la bonne impression laissée par Diamond Boy. En écoutant Brainwashed Generation, il est tout de même incroyable de penser que le projet a vu le jour en 1984 tant tout sonne frais et intergénérationnel, et « I Got My Money Where My Mouth Is » de nous rappeler les vertus mélodiques et rythmiques des impayables CHEAP TRICK, dont on retrouve justement un des intervenants en tant que guest. Les guests ne manquent d’ailleurs pas sur ce disque, puisque la liste des invités est assez impressionnante, de Mike Portnoy jouant de son kit Tama à Ace Frehley « lâchant un solo inaudible », en passant par le batteur du TRICK Daxx Nielsen, Steve Ramone, Tony Fennell, Joel Norman, Vinnie Castaldo, et évidemment Donnie Vie, venu offrir sa voix et sa guitare au nom du bon vieux temps.
En résulte un album qui sent bon la bonne humeur, mais aussi la nostalgie, et surtout, la qualité. Loin de capitaliser sur un passé fameux, Chip et les siens ajoutent de nouveaux morceaux de bravoure à leur tableau d’honneur, et nous évitent les redites embarrassantes et les leftovers moisis. Tout est bon dans le NUFF, et comme d’habitude, you can never get enuff, puisque les hits se succèdent à vitesse grand V, comme une gigantesque fête donné à Los Angeles. « Drugland Weekend » enjoué et contagieux, « Broken Love » plis intime et symptomatique de l’influence des BEATLES sur des millions de groupes, « Go… » et son énergie qui décuple la nôtre, et le final explosif de « Winding Road » chaloupé comme il faut, et qui nous replonge dans les années d’insouciance des eighties agonisantes, lorsque tout était encore permis même si le ciel commençait à s’assombrir. Le ciel sous l’arbre de vie de Brainwashed Generation est bleu, comme un espoir qui se dessine et qui promet mieux, et plus simplement, ce nouvel album d’ENUFF Z'NUFF est d’une qualité incroyable à ce stade de l’histoire. Michelle n’a pas fini de voler au-dessus des étoiles…
Titres de l’album:
01. The Gospel
02. Fatal Distraction
03. I Got My Money Where My Mouth Is
04. Help I’m In Hell
05. It’s All In Vain
06. Strangers In My Head
07. Drugland Weekend
08. Broken Love
09. Go…
10. Winding Road
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