Regarder vers l’avenir, de nos jours, fait peur. Parce qu’il ne laisse rien augurer de vraiment positif. Ce fait, la vague old-school l’a bien compris et nous renvoie sans cesse à notre enfance, adolescence, comme si nous avions besoin à nouveau de nous isoler dans notre chambre, les watts à fond, lorsque l’insouciance et les quelques chagrins d’amour peuplaient notre quotidien, et lorsque les devoirs et contrariétés parentales étaient les seuls problèmes à affronter. Mais une fois atteint un âge respectable, est-il encore raisonnable de se réfugier dans les souvenirs, au risque d’occulter le présent et les belles années qui nous restent ?
Regretter, célébrer, honorer, regarder dans le rétro sont des attitudes tout à fait normales quand une époque ne répond plus aux attentes que par d’autres attentes, rarement satisfaites. Mais la politique de l’autruche n’a jamais aidé personne à avancer, plutôt à faire un surplace complaisant, pensant sans doute que les problèmes vont en faire de même avant de rétropédaler et s’en revenir de là où ils étaient venus. En musique, l’attitude est la même puisque la musique n’est que le reflet de la vie en général. Les artistes l’ont bien compris, et gèrent les modes comme la société impose les attitudes de sa violence, et c’est pour ça qu’on ne compte plus les groupes reproduisant jusqu’à l’écœurement des sonorités usées jusqu’à la corde. Mais cette politique a ses limites aussi, et si les années 80 nous attirent comme des aimants, les pôles finissent par s’aligner et nous repousser jusqu’à un aujourd’hui qu’il faut bien accepter.
Et aujourd’hui, certains artistes se souviennent que les années 80 étaient aussi une décennie de découvertes, de prospection. Un réflexe créatif que les plus doués prenaient à leur avantage, en connaissant les pièges, mais aussi les récompenses. Et depuis ses débuts, le collectif anglais VOICES, dérivé d’AKERCOCKE via ses deux/trois représentants David Gray (batterie), Sam Loynes (guitare) et Peter Benjamin (guitare/chant) n’a de cesse de refuser de tourner le dos aux possibilités encore existantes, résultant de ce métissage si chéri par les groupe de Post, de Black, et toute autre extension susceptible d’offrir autre chose qu’une longue litanie funèbre en hommage à un passé révolu.
Ne le cachons pas, depuis le premier brouillon From the Human Forest Create a Fugue of Imaginary Rain, les londoniens sont devenus la coqueluche des médias et des fans, pour une raison simple. Ils font partie de cette caste de groupes refusant les simples limites de genre pour proposer le leur, à base d’ingrédients disparates miraculeusement mélangés de façon homogène. Il et d’ailleurs très difficile de décrire leur art sans avoir recours à des raccourcis lénifiants comme « avant-garde », « expérimental » ou « progressif ». Les sites référentiels osent le Black/Death progressif, pas si éloigné de la réalité des faits que ça, mais les exégèses musicaux savent que leurs albums cachent plus qu’une dénomination générique et « aguicheuse ».
D’ailleurs, avec un peu de bon sens, et en découvrant le quatrième album du quatuor (toujours complété de la basse de Dan Abela), il est tout à fait possible de se contenter d’une étiquette type « Metal extrême » pour qualifier la démarche des anglais, et se rendre compte qu’elle n’a rien d’élitiste, bien au contraire. Les musiciens n’aiment rien tant que nous bercer de mélodies sombres, soutenues par une rythmique lourde et quelques notes de piano évanescentes, comme sur ce magnifique « Ghost City », qui aurait pu avoir sa place sur un album de PARADISE LOST ou OPETH. L’autre preuve à charge est ce rythme franc et mid martelé par l’efficace et dansant « Petrograph », qui nous ramène aux grandes heures du Dark Rock des années 80, lorsque les FIELDS OF THE NEPHILIM ou THE CULT jouaient eux aussi avec la frontière séparant le Goth Rock du Hard Rock le plus simple.
Ce laïus pour tenter de percer non le mystère de la musique mais celui de sa perception. Car la musique jouée sur Breaking the Trauma Bond n’a rien de fondamentalement complexe en soi, si ce n’est par sa multitude d’influences régurgitées avec intelligence. Nul besoin d’être élitiste ou musicologue pour apprécier le groove étrange de « Methods of Madness », qui malgré son faux-rythme se montre trépidant dans la gravité. Nul besoin de connaitre des milliers de groupes pour savourer le chaloupé doux-amer de « Running Away », au romantisme fané et aux couches vocales aussi embrumées qu’un matin londonien. Et l’art de VOICES est justement de vulgariser le complexe, de rendre l’expérience la plus ardue populaire, et de permettre à des milliers de personnes hermétiques aux innovations d’apprécier une musique riche, dense, en ayant le sentiment de faire partie d’une famille Pop Rock beaucoup plus accueillante qu’un cénacle de spécialistes.
Les gimmicks, comme d‘habitude, sont inutiles, et si les arrangements sonnent aussi luxuriants, c’est parce qu’ils sont comme les intentions, purs et vrais. Ceci dit, au milieu de ce déluge de notes apaisées et de constructions fluctuantes, VOICES n’a pas perdu ses réflexes les plus violents que l’on retrouve en plein rendement sur le terrible et raide « Absent Equilibrium ». Mais malgré les blasts épars, malgré le chant sourd se souvenant parfois de sa raison d’être, ce nouvel album prône une sorte de trêve tacite entre la brutalité et la souplesse, ce qui a le mérite d’offrir un équilibre presque parfait.
Mais la perfection n’existe pas, même lorsqu’on s’appelle VOICES. Et en optant pour une durée déraisonnable et un tracklisting non-épuré, les anglais ont joué contre leur propre créativité, balancé une somme d’informations trop conséquente, et finalement, loupent encore le coche de quelques minutes. Débarrassé de certains titres qui n’ont pas la majesté funèbre de « The Widower », ou la folie instrumentale du final homérique « Photographs of a Storm Passing Overhead », Breaking the Trauma Bond aurait évité la redondance, mais se montre encore trop grand, trop confiant, et finalement, un peu complaisant.
Mais en le synthétisant, en le démontant pour le reconstruire, il reste une nouvelle étape majeure dans le parcours du groupe, jonché d’électronique ludique, de Black Metal moderne, et de Post-Pop assez éthérée. Il reste surtout une porte du présent ouverte sur l’avenir, une porte qui cache des secrets bien plus fascinants que ceux que nous connaissons déjà depuis plus de trente ans pour les avoir répétés d’oreille en oreille.
Titres de l’album:
01. A Field Without Crows
02. Breaking the Trauma Bond
03. An Audience of Mannequins
04. Lilacs In-Between
05. Ghost City
06. Petrograph
07. Methods of Madness
08. Running Away
09. Absent Equilibrium
10. Beckoning Shadows
11. My Sick Mind
12. Whispers
13. The Widower
14. Kaleidoscope of Thorns
15. She Speaks to Him in a Dream
16. Photographs of a Storm Passing Overhead
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49