Dans la série « remettez m’en une tranche, parce que la vie c’est comme le saucisson », je me permets de vous introduire aux charmes bataves des PROJECT PAIN qui depuis 2011 en font tout un foin, tout du moins du côté de leur pays natal, et de leur ville d’Amersfoort, qui doit avoir certainement beaucoup de mal à s’endormir une fois que ces furieux ont fini de la maudire. Groupe Thrash par excellence, ce combo d’Europe centrale à les arguments de sa cohésion, et ne se pose pas d’inutiles questions pour ne pas avoir à y répondre, jouant son Thrash comme au premier jour de passion, et se frottant même de temps à autres aux standards de qualité d’un EXODUS en pleine possession de ses moyens. Gravitant autour d’un noyau de musiciens représentant le fondement d’un line-up fluctuant (Guido den Hoed - guitare et Bauke Goudbeek - chant), auxquels s’adjoignent divers collègues d’infortune selon les années (Niels van Lier - guitare, Kristof Mycka - basse et Frank Ruisch - batterie), PROJECT PAIN franchit donc le cap au long cours assez difficile du troisième album avec la même insouciance qu’à leurs débuts, en proposant en autoproduction ce Brothers in Blood qui représente sans doute le meilleur point de conjonction temporel entre les FORBIDDEN, ANNIHILATOR et EXODUS qui soit, soit la quintessence d’un Speed/Thrash furieux, mais précis dans les vœux, d’une technique affinée mais d’une brutalité revendiquée. Halte là, le propos n’est pas à la course d’écervelés, mais bien au sprint intelligemment préparé, qui incorpore quelques théories de fond pour ne pas tomber en rade de sans plomb en plein milieu de la piste. Ici, les plans sont soigneusement étudiés, mais brutalement restitués pour une efficacité maximale magnifiée par une interprétation habitée. En gros, du Thrash de bourrin, mais joué fin.
Suivant le schéma qui aboutit par le passé à la création d’œuvres aussi indispensables que I Have Sinned (2012) ou l’aveu tout en honnêteté Thrashed To Kill (2015), Brothers in Blood montre un groupe uni dans l’effort, et beaucoup plus exigeant que cette pochette zombiesque ne le laisse paraître. Car sous ces coups de crayon digne d’un Rekpa fripon se cache l’un des meilleurs albums revival Thrash du mois, pourtant pas franchement radin en parutions. Franchise de ton, ornementation riche mais pas trop luxurieuse pour ne pas amoindrir l’impact (qui est éminent, évidemment), orchestration finaude, et inspiration presque progressive par instants, ce troisième LP affiche une bien belle confiance, et de gentils brulots comme « Eternal Flames » font même état d’accointances certaines avec un Power aux allures incertaines, spécialement lorsque les chœurs s’unissent pour nous convaincre de leur message tout sauf fictif. Mais c’est décidément la vitesse qui sied le mieux à nos amis bataves du jour, ce que démontre sans détours l’explosif « Final March » et ses sifflantes de tradition, qui dégénèrent vite en torrent de blasts rappelant les exactions les plus mortelles des NO RETURN. Mais les PROJECT PAIN n’en sont pas pour autant attirés par le ravin Death qui menace sous leurs pieds, et les inserts mélodiques attachés à intervalles réguliers sont là pour le montrer, et surtout, prouver que ces musiciens ne sont pas que de gentils bourrins assoiffés de sang humain. Titres la plupart du temps directs et francs, cohésion globale de tous les instants, pour parfois se frotter aux impératifs les plus urgents du jour, rappelant la vague de méchanceté allemande des 80’s (« Brothers In Blood », qui ramènera à votre mémoire le souvenir ému d’un HOLY MOSES têtu), tout en optant parfois pour une frétillante séduction Thrashcore à l’unisson (« Decay », joli riff tournoyant que Jeff Waters écouterait d’une ouïe bienveillante). En gros, du Thrash dans tout ce qu’il a de plus beau et de plus chaud, pour une confirmation de talent éclatant thrashant tout ce qui bouge pour imposer son séant.
Phrasé précis et vociférant, riffs qui multiplient les acrobaties, cassures rythmiques galvanisantes, complémentarité des voix, pour un ballet d’une petite demi-heure qui ne fait que confirmer tout le bien que l’underground pense déjà de cette horde battante, qui d’ailleurs ne regrette rien (« Regret Nothing »), et qui se sert de la peur (« Fueled By Fear… », jolie transition), pour inspirer la haine (« …Driven By Hate » compression qui écrase les tympans mais qui les laisse en bon état pour ne pas tomber dans l’oreille d’un sourd), mais qui finalement, avoue ne rien n’en avoir à foutre, et tracer sa route coûte que coûte (« I Don’t Give A Fuck », numéro à la SEPULTURA avec percussions hystériques et guitares atomiques). Alors, il est évident que nous sommes prêts à les suivre sans poser de questions rébarbatives, tant ce troisième album officiel confirme le talent éclatant d’un groupe qui ne prône pas la révolution, mais qui apporte sa pierre à l’édifice de l’action, en malmenant des structures classiques de sa fougue magique. Bénéficiant en outre d’une production incroyablement claire et convaincante, laissant chaque instrument transpirer comme il se doit sans l’empêcher de respirer, Brothers in Blood est un joli témoignage de la vitalité batave en termes de Thrash efficace et plus élaboré qu’il n’y parait, et s’impose sans avoir à forcer, ni étirer sa durée. Cette demi-heure passe d’ailleurs un peu trop vite tant les morceaux fédèrent, et on se prend à regretter que le groupe n’en ai pas rajouté, histoire de prolonger un plaisir pas vraiment coupable, mais qui ne demande qu’à être satisfait. Et nous le sommes, puisque ce petit voyage en arrière suggère une révérence admise envers les cadors d’hier, ANNIHILATOR et EXODUS en tête de ligne, mais beaucoup d’autres, qui ont dû illuminer la jeunesse des PROJECT PAIN, qui cognent sans jamais assommer.
Une tranche de vie épaisse comme un jambon, rassasiante comme un saucisson, mais qui se digère aussi vite qu’un petit bonbon. En forme de parpaing dans la tronche ou de bloc de béton, c’est selon.
Titres de l'album:
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