Je vous vois venir bande de petits couards. Vous avez noté l’étiquette « avant-garde » en en-tête de cette chronique, et vous avez déjà fermé l’onglet. Mais puis-je vraiment vous en vouloir alors que l’avant-garde sert justement de refuge à beaucoup de cuistres qui ne savent pas faire la différence entre expérimentation et foutage de gueule ? Sauf que parfois, il convient de faire plus confiance que la moyenne, spécialement en lisant certains noms qui sont garants d’une indéniable rigueur dans la liberté, et les trois noms figurant au casting de TITAN TO TACHYONS n’incitent pas au rejet, mais bien à la saine curiosité. Formé à New-York, ce trio de l’impossible s’est déjà fait les dents sur une réputation live qui a drainé les foules dans les salles, et s’est du coup montré assez alléché par la possibilité de coucher ses idées sur bande pour les passer à la postérité d’un underground arty toujours aussi friand de bizarreries en tous genres. Mais qui trouve-t-on justement au générique de cette production étrange et iconoclaste ? Trois acteurs majeurs de la scène, dont la guitariste Sally Gates (ex-ORBWEAVER, GIGAN), le bassiste Matt Hollenberg (John ZORN) et le batteur Kenny Grohowski (IMPERIAL TRIUMPHANT). Une équipe bigarrée, aux possibilités infinies, avide de sons biscornus, de structures libres héritées du Free-Jazz le plus impénétrable, et qui ont décidé ensemble de repousser les limites du Metal expérimental dans ses derniers retranchements, en jouant la musique la plus libre et sauvage possible, sans tomber dans les travers de l’abstraction élitiste qui donne aux foules les plus mainstream la nausée jusqu’à la fin de la journée. Enregistré dans des conditions évidemment presque live, ce premier album tente comme il le peut de retranscrire le potentiel de la formation en concert, et y parvient à de nombreuses occasions. On pourra toujours arguer du côté un peu stérile de la production, qui nivelle et qui ne fait pas ressortir la folie de cette guitare qui passe par tous les registres possibles, mais elle a quand même le don de faire exploser cette extraordinaire basse jazzy qui ose les circonvolutions les plus culottées.
Mais tout ceci ne vous en dit pas plus sur le contenu de ce premier LP, ce Cactides à la pochette cryptique et au contenu ne l’étant pas moins. Précisons d’emblée que le trio a choisi la voie de l’instrumental, ce qui aura le don de faire le tri dans les lecteurs potentiels de cette chronique. Une fois cette mise au point faite, essayons de délimiter le terrain couvert, ce qui n’est pas chose facile. Cactides est un genre de cocktail relevé au jus de cactus, un gigantesque shaker dans lequel vous pouvez verser tous les ingrédients que vous le souhaitez, Zappa, Beefheart, John Zorn évidemment, mais aussi BADBADNOTGOOD, pas mal de poulains de l’écurie Ipecac, des représentants de la scène Death européenne branque comme les DISHARMONIC ORCHESTRA ou PUNGENT STENCH, PEROPERO, ZEUS, Ornette Coleman dans ses jours pairs, un zeste du progressif dadaïste allemand des années 70, CAN, la scène Jazz française de la même époque, mais aussi pas mal de Metal, d’extrême, libre, affranchi de toute contrainte de logique mais pas encore perméable à la folie de déconstruction la plus abstraite, et qui cherche quand même une queue et une tête à l’animal étrange et monstrueux qu’il a créé sur une table d’opération montée à la hâte dans une vieille clinique abandonnée. On connaît déjà le talent des trois olibrius pris séparément dans leurs projets respectifs, leur capacité de sauter du coq au mammouth sans donner l’impression de faire un effort ou d’avoir besoin d’un escabeau, mais une fois réunis, les trois extraordinaires musiciens sont parfaitement en osmose, et nous offrent un disque unique, qui est et laisse sans voix, mais qui pourrait être dominé par celle de Mike Patton par intermittence. Du cohérent qui reste free, du Jazz qui connaît le Doom, le Sludge, le Death, le Grind, qui cite PAINKILLER et MR BUNGLE, et qui n’hésite pas à allonger le timing comme le café pour ne pas rester trop nerveux pendant les séances.
Je ne vais pas vous prendre pour des cèpes, l’écoute de Cactides n’est pas simple, parce que les TITAN TO TACHYONS ne l’ont pas voulue simple. Sally Gates tire de sa guitare des sons à laisser songeur un Larry Lalonde en pleine crise existentielle, et à confiner Allan Holdsworth dans un HP pour cause de jalousie électrique aigue. La guitariste fait partie de cette caste d’instrumentistes qui refusent le carcan des gammes et de l’interprétation, et qui préfère communiquer avec sa guitare à un niveau différent. Capable de passer d’un riff à la Thurston Moore à des cocottes en cascade plus symptomatiques de l’école Jazz des années 50, Sally est en quelque sorte le poumon mélodique de cette réalisation, un poumon qui refuse justement la mélodie pour s’accomplir dans les dissonances, les stridences, les…à peu près tout. De fait, ne vous fiez surtout pas au premier morceau, ce « Morphing Machineminds », qui est le plus accessible de tous. Sorte de proto-Sludge nauséeux et étouffant, ce titre est en quelque sorte la transposition musicale de technicos installant le lourd décor pour préparer la scène, et ne reflète pas vraiment le potentiel de l’album per se. Certes, on y trouve les discordances, les silences malsains, les poussées soudaines, mais on garde quand même une direction ferme, ce qui n’est pas forcément le cas par la suite. Des parties en double grosse caisse, des riffs méchamment velus, mais déjà cette section rythmique qui commence à n’en faire qu’à sa tête et qui part dans des délires de biais. Et comme tout est un peu de biais dans la maison des TITAN TO TACHYONS, on finit par se retrouver avec des angles droits.
Pour mieux piger le truc, il faut le prendre à l’envers. Commencer par la fin, et se fader le libertaire « Everybody's Dead, Dave » qui synthétise plus ou moins tout ce qui s’est déjà passé, en amplifiant les exagérations, en abusant de la dissonance, de l’arythmie, parce que finalement, si vous kiffez ce truc, il n’y a aucune chance que vous n’aimiez pas le reste, et inversement. Ah et puis tiens, puisqu’on en est aux précisions utiles, sachez que monsieur Trevor Dunn de MR BUNGLE y fait une apparition remarquée en guise de caution, et que le bonhomme ne se déplace que très rarement pour jouer de la Pop. Et sans réduire ce featuring à l’état de gimmick, autant dire que Trevor est tout à fait à sa place sur ce disque qui résume les RESIDENTS, KING CRIMSON, SUMAC, Jaco Pastorius, ELDER, PRIMUS et pas mal d’autres qui refusent aussi les théories musicales les plus figées. Alors OK, le tout est plus Free-Jazz que Metal et n’a pas forcément sa place ici, si ce n’est à cause de l’identité de ses membres. Mais une fois de temps en temps, excusez-moi de chercher hors les murs ma dose de grisant. A époque particulière, choix non conventionnels. Le monde entier étant un cactus, il est difficile de ne pas choir.
Titres de l’album:
01. Morphing Machineminds
02. The Starthinker is Obsolete
03. Tycho Magnetic
04. Earth, and Squidless
05. Everybody's Dead, Dave
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