Vous êtes d’humeur bucolique mais agressive ? Le Moyen-âge vous manque ? Une instrumentation originale vous siérait ? Vous n’aimez rien tant que le son d’un orgue Hammond défiant la distorsion des guitares ? Vous faites battre la campagne par vos gens à la recherche d’une bestiole mythique qui décime les paysannes innocentes ? Charles Ingalls ? Les chansons de geste, le bouffon du roi ? Epique et colégram ?
Le troisième album des danois de SYLVATICA va vous raconter des histoires qui vous touchent, et vous entrainer dans un voyage dans le temps, entre des seventies lourdes et un nouveau siècle métissé. Cadaver Synod est sans conteste le disque le plus exotique de cette rentrée 2023 qui n’annonce pourtant rien de bon. Alors autant s’immerger dans les méandres d’une légende étrange qui narre les exploits de soldats du froid découvrant leur patrimoine en composant une musique envoutante et hypnotique.
SYLVATICA est connu comme le loup blanc sur ses terres, eu égard à son parcours unique et riche. Deux albums sortis à sept ans d’intervalle (Evil Seeds en 2014 et Ashes and Snow en 2021), emprunts de brutalité Folk et de fluidité Death pour un mélange subtil de saveurs, qui trouve aujourd’hui son pinacle grâce à un album qui casse plus ou moins la dynamique imposée depuis 2009.
Il est certain que Cadaver Synod est à la fois l’album le plus brut et le plus accessible du quatuor d’Aarhus. Si les arrangements Folk prennent de plus en plus de place dans la narration, l’agressivité se pousse d’elle-même dans se derniers retranchements, pour atteindre une sorte de plénitude Death Folk étrange et brumeuse, mais efficace et heureuse. « Titivillus » illustre d’ailleurs à merveille ce renouvèlement de vœux face à un prêtre complice, avec ses chœurs grégoriens, ses volutes diaphanes et son thérémine rappelant l’atmosphère étrange des contes occultes des seventies.
SYLVATICA (Jarden Schlesinger - guitare/chant, Thomas Haxen - basse, Jacques Harm Brandt Hauge - batterie et Christian Christiansen - guitare) s’est donc employé à parfaire sa recette, pour devenir l’un des groupes les plus incontournables de la scène Folk Metal. Si le label danois les compare volontiers à WINTERSUN, BORKNAGAR, ou ARTCURUS, les parallèles sont vains au moment de juger de la pertinence d’une musique devenue imperfectible avec le temps, quelque part entre KATATONIA, OPETH et SKYCLAD, le tout sous couvert d’une passion pour le moyen âge et ses légendes vivaces.
Dieu m’est pourtant témoin, je ne suis pas le public cible pour ce genre de musique. Les mélodies champêtres combinées à une puissance de feu Black/Death ne sont pas ma tasse de thé, et j’ai souvent tendance à repenser à la scène Progressive française des années 70 lorsque je tombe sur un disque pareil. Mais quelque chose dans la démarche de SYLVATICA m’attire, en dépit d’un chant monocorde et de guitares trop classiques pour être honnêtes.
Peut-être est-ce la transposition Folk d’une union MAIDEN/SABBATH sur « Song of the Leper », hommage grandiloquent aux lépreux et autres contaminés, ou bien ce son si âpre dans les médiums, et raisonnable dans les graves ? Peut-être est-ce aussi cette facilité à changer d’optique de titre en titre qui confère au projet cette patine irrésistible et imprévisible ? Toujours est-il que j’ai écouté ce disque de nombreuses fois, sans jamais éprouver de lassitude. Ce qui est généralement très bon signe.
Cadaver Synod est d’ailleurs plus qu’une nouvelle entrée dans la discographie des danois. Il est un pas de géant vers la perfection, une étape franchie naturellement, et un voyage dans les couloirs du temps qui vous balade de forêt en château, et de chevaliers en gueux.
On imagine parfaitement un barde s’emparer du répertoire de SYLVATICA pour le transmettre de cour en cour. « Scapegoat », bouc émissaire évanescent et insaisissable nous plaque d’une contraction Death/Folk rappelant la scène Doom italienne des années 80, et la lancinance globale transforme une réalité en onirisme, rêve éveillé duquel il est très difficile de s’échapper, à condition de le vouloir.
Nuit diurne ou journée nocturne, Cadaver Synod synthétise dix ans de carrière en quarante minutes. Sans jamais sacrifier la puissance au profit de l’errance, sans jamais oublier l’importance du sacro-saint cadre guitare/basse/batterie/chant dans un contexte folklorique, SYLVATICA assume tous les traits de son caractère, et livre une partition charmante, enivrante, pénétrante et addictive.
Loin des platitudes Doom de circonstance, le quatuor se concentre sur le dosage des éléments, et équilibre sa balance avec une facilité déconcertante. On se retrouve même en plein orage Power Metal sur l’explosif « In the Eyes of God », histoire d’intégrer encore plus d’arguments extérieurs, et transformer cette troisième étape en consécration.
SYLVATICA va s’assurer une fin d’année plus que glorieuse, et fasciner les foules amassées sur la place publique pour entendre la dernière histoire à la mode. Une chanson de glace et de feu, si vous avez la référence. Mais vous l’avez, évidemment.
Titres de l’album:
01. Strife
02. Papa Poltergeist
03. Titivillus
04. Pope Innocent VIII
05. Song of the Leper
06. Scapegoat
07. In the Eyes of God
08. Song of the Leper - Acoustic
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