Il est sidérant de constater l’ampleur que prend le label Antiq sur la scène Black française, à tel point qu’on peut aujourd’hui considérer la structure comme l’adversaire numéro 1 des indétrônables Acteurs de l’Ombre. Chaque mois, Antiq nous propose une nouveauté digne d’intérêt, d’un propos artistique gigantesque, et le mois de mai n’échappera pas à la règle en célébrant la sortie du premier long d’ASCETE. Fondé en 2015 dans le Périgord Noir, et donc dans mon voisinage le plus direct, ce groupe formé par des musiciens passionnés (Patrie Moine - guitare/basse et L'Cul-Terreux Torve de Périgord Nègre - chant, programmation) devient aujourd’hui un concept de brutalité fascinant, et rejoint depuis peu par deux autres complices, Olematus de Francistan à la basse et Ancien Temps à la batterie. Après avoir travaillé sous la forme de démos, ASCETE se lance donc enfin dans le grand bain et lâche ses bouées pour nous immerger dans les légendes de ce fameux Périgord Noir et ses truffes, mais surtout son histoire, sa culture, au travers d’une œuvre aussi fascinante que viscéralement violente.
Collègues d’écurie de HANTERNOZ, MESALLIANCE, VEHEMENCE, REGIMENT et autres DAWN OF A DARK AGE, ASCETE se met donc à la hauteur de la réputation de son label pour offrir au difficile public BM un album frondeur, fonceur, mais aussi modulé, romancé, romantique, éclectique, électrique, et digne de l’aura qui nimbe le front du BM français depuis des décennies et l’avènement des Légions Noires. Mais ici, il n’est pas question de minimalisme ni d’éthique lo-fi, mais bien de musique ambitieuse, riche, parfois aux confins du Pagan et du Folk, mais toujours sombre, hypnotique, et débordante d’arrangements. On penserait même parfois à un point de liaison entre la scène progressive française des années 70 et le mouvement Black nordique, tant certaines compositions jouent avec les atmosphères et les progressions pour exposer leur point de vue.
Je ne le cache pas, le résultat est à la hauteur des ambitions. Avec une poignée de compositions longues et épiques, les périgourdins nous donnent un sacré coup de gourdin, prouvant une fois de plus le flair de leur maison de disques. « Danse de la Sénescence » en est une preuve formelle, avec sa structure complexe et ses humeurs contradictoires, qui au détour d’un break laisse s’exprimer une nuée de chœurs féminins nous rappelant le THEATRE DU CHENE NOIR ou même ALPES avec Catherine Ribeiro, sans se détacher de ce parti pris de violence quasi permanente. Guitares en son clair, gimmicks pour accentuer l’esprit d’aventure, basse qui se veut ronde et économique, utilisation très intelligente du silence bref, pour poser les bases d’une nouvelle approche. Pas vraiment Folk, la musique développée sur Calamites & les Calamités n’en est pas une, et emprunte parfois les sentiers du Punk très français pour avancer ses propos, et « Courroux du Lébérou » de lâcher ses riffs les plus acides. Une ouverture sur tous les sous-genres possibles pour éviter le cloisonnement direct, bien que le fond de l’affaire soit clairement radical.
Les accélérations harmoniques à la DISSECTION sont bien présentes, le martèlement lourd et insistant à l’IMMORTAL aussi, et pourtant, ASCETE ne ressemble qu’à lui-même, et ne doit son énorme talent à personne. Mais on sent quand même l’importance d’un héritage national lorsque résonnent les mots introduisant le majestueux « Sorlodais Huroux » qui emprunte à ANGE et son mythique Emile Jacotey son sens de la narration du terroir et d’un passé qui veut remonter à la surface de l’histoire. Très attachés à leurs racines et à leur région, les quatre musiciens se concentrent donc sur la façon la plus idoine d’en raconter les anecdotes les plus précieuses, et abordent l’histoire de la Dordogne, de son vin à quatre-vingt, de ses paysans qui n’ont rien oublié des traditions, et nous embarquent dans un voyage aussi nostalgique qu’actuel, au moment même où les hommes se replongent dans leurs origines pour oublier la modernité d’un monde trop superficiel. La musique des périgourdins est donc à l’image de ces soirées passées au coin du feu, de ces septembres de vendanges, de ces champs qu’on laboure la sueur au front, mais aussi de ces délicatesses gastronomiques qui ont fait la richesse d’une région. Etant moi-même un admirateur absolu de la Dordogne et du Périgord Noir, je ne peux qu’adhérer au propos thématique, ce qui ne me fait pas oublier l’objectivité au moment de juger de la musique.
La musique est donc elle aussi à la hauteur des ambitions littéraires et régionales, et tergiverse, emprunte des chemins de traverse, propose des pauses salvatrices et envoutantes (« Héritiers de l'Austérité »), avant de se lancer dans de longues incarnations progressives. De fait, la fin de l’album nous réserve une épiphanie absolue, avec les deux titres les plus longs du répertoire, mais aussi les plus denses et les plus riches. C’est la mélodie subtile et acoustique de « La Lanterne du Mort » qui nous accueille en premier, aménageant des espaces harmoniques avant de se bloquer sur un mid tempo impitoyable souligné de riffs épurés à l’extrême et extrêmement acides.
« Calamites & les Calamités » ne préfère pas les vélomoteurs ni les plaies d’Egypte, mais prend la route d’un final dantesque aux proportions épiques pour offrir le climax dont l’album avait besoin. Mixé par L'Cul-Terreux Torve lui-même, masterisé par Sven Vinat (Howling Cliff Studio), flanqué d’un artwork de LaurineM, Calamites & les Calamités est encore une fois une gemme à ajouter à la couronne déjà richement fournie d’Antiq records, qui en signant les ASCETE complète sa collection de groupes uniques au talent incontestable. Du Black oui, mais du Black de terroir avec la passion en étendard et la sincérité en brassard.
Titres de l’album:
01. Les Causses s'en Gaussent
02. Danse de la Sénescence
03. Courroux du Lébérou
04. Sorlodais Huroux
05. Héritiers de l'Austérité
06. La Lanterne du Mort
07. Calamites & les Calamités
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30