Phil Anselmo, c’est un requin. Pas le genre de truc en 3D qu’on croise dans ces films catastrophiques à base de prédateur volant, tourbillonnant ou sortant des flaques d’eau en ectoplasme, non, un vrai requin. Qui finit par mourir s’il arrête de nager.
Phil tape le bœuf, Phil enregistre, Phil tourne, et il ne manque pas de projets pour ça…DOWN, PHILIP H. ANSELMO & THE ILLEGALS, le cadre est balisé mais libre, et l’ex leader de PANTERA trouve toujours des potes musiciens pour monter de nouvelles affaires.
Et quand il ne regarde pas vers l’avenir, il se tourne vers son propre passé. Il faut dire qu’il y a matière à construire sur ces anciennes bases, et pour l’occasion, le hurleur chauve et grognon a remis sur les rails une ancienne locomotive de sa carrière, SUPERJOINT RITUAL.
Sauf qu’à cause de querelles légales stupides et avides, il a dû laisser tomber le RITUAL. Alors reste le SUPERJOINT, pour un premier album…depuis quand déjà ? 13 ans ?
Oui, c’est ça, c’était en 2003, et ça s’appelait A Lethal Dose of American Hatred. C’était bien pourtant ce truc qui mélangeait un peu de tout, plus flexible que DOWN, et moins foutoir en bloc que ANSELMO & THE ILLEGALS. Mais pour être honnête, on n’y pensait plus. Lui si. Alors il a ranimé la créature et rassemblé un line-up digne de ce nom, assez proche de celui d’origine d’ailleurs.
Lui (chant, tous les groupes que vous connaissez), Bower (DOWN, EYEHATEGOD), José Manuel Gonzalez (WARBEAST, PHILIP H. ANSELMO & THE ILLEGALS), Kevin Bond (CHRIST INVERSION, ARTIMUS PYLEDRIVER), et Stephen Taylor (PHILIP H. ANSELMO & THE ILLEGALS, WOVEN HAND, 16 HORSE POWER), en gros, la familia, les proches, les potes, pour un nouvel exercice en brutalité majeure qui finalement, pourrait bien damer le pion à ses formations dites « officielles ».
Enregistré au Nodferatu's Lair de Phil, produit par le maître et Stephen Berrigan, mixé par Scott Hull (AGORAPHOBIC NOSEBLEED, PIG DESTROYER), Caught Up In The Gears Of Application, c’est un peu la colère faite Phil, la saine colère du Sud musicalement, et un regard sur la société actuelle, sur la réalité virtuelle, sur l’état de la musique passée au prisme des ordinateurs, enfin en gros, du bordel contemporain ambiant, histoire de gueuler encore un peu. Sauf que cette fois ci, les beuglantes du teigneux aviné et enfumé portent loin, et différemment. Tiens, une comparaison au passage, et elle est gratuite. Pour faire simple, le SUPERJOINT nouveau est comme un mélange de Beaujolais et de Whiskey sorti d’un alambic de forêt. Ça pique la gorge et c’est épais, ça chauffe le palais et on s’en repaît. Une grosse rasade et le gosier est en feu, mais ça laisse avec une bonne impression de chaleur dans les poumons.
SUPERJOINT, c’était avant considéré comme une adaptation de PANTERA dans un contexte Hardcore du Sud. Depuis, les choses ont changé, et finalement, Caught Up In The Gears Of Application démontre assez facilement qu’il est la somme de ses parties, mais aussi une sale moyenne entre le Phil d’aujourd’hui (DOWN et ANSELMO & THE ILLEGALS), et le Hardcore du Sud des EU, EYEHATEGOD compris, dont le dernier album avait agréablement et bruyamment surpris. Et avec un nouvel album de CROWBAR, un DOWN qui avance ses EP à son rythme, ce troisième LP un peu à la bourre arrive à trouver sa place sans problème dans la légende Nola, en l’adaptant à la sauce Core bien vilaine des années 2010.
Vilain, sale et mal embouché, ce sont un peu les qualificatifs idoines pour définir ce comeback inopiné. D’ailleurs, plus vilain, sale et méchant que l’ouverture « Today And Tomorrow » parait difficile, à moins d’aller chasser le sanglier un dimanche matin, encore torché, avec ses fringues de la veille qui sentent encore le tord-boyaux et le « tabac » froid. C’est Hardcore, c’est lourd, ça sonne comme une adaptation de DISCHARGE à l’arrière d’un vieux van DOWN, le tout conduit par un Jimmy Bower à la vue légèrement embrumée. Un final bordélique à la ILLEGALS et la messe est dite.
Et d’ailleurs, DISCHARGE et autres URSUT (et l’école Crust Nordique en général) s’invitent au banquet anthropophage de « Burning The Blanket », qui ne fait ni dans la dentelle ni dans l’eau de seltz pour digérer. Rythmique à fond, riffs sombres et gluants et puis cette putain de voix qui empire avec les années. Phil, c’est un peu l’antithèse d’une bonne bouteille de Bordeaux, sa voix vieillit super mal, s’empâte de plus en plus comme son bide, mais finalement sonne plus viscérale et dangereuse que jamais. Et ça, putain, c’est bon et ça colle au ton de la bombe qui vous explose en pleine gueule. Un sale rendu, pour un truc jamais prêté.
« A la minute où j’ai commencé à écrire, je savais que ça allait être brutal ».
J’aime bien comme le mec joue l’euphémisme…Mais Phil, on a tous écouté Walk Through Exits Only, alors à quoi bon ce genre de précision…Et puis tu en reprends des bribes régulièrement d’ailleurs, comme sur le terrassant et pourtant marrant « Ruin You »…Et au cas où n’ait pas encore compris, tu rotes même à la fin pour montrer quel vilain garnement tu es toujours…
Ce qui ne t’empêche pas de composer un morceau aussi lourd et pressant que ce truc éponyme, qui laisse traîner sur la table polluée de mégots un énorme Sludgecore qui rappelle vraiment le SAB’, en version sudiste pas vraiment respectueuse de la légende. Tu es devenu vraiment lourd, mais comme tu le sais, tu allèges, et tu repars dans un South Crust qui déménage…Surtout les voisins qui commencent à se barrer.
« En collant de près à nos racines Hardcore, nous avons enregistré un album qui devait bousculer l’underground d’aujourd’hui. Un truc vraiment en colère »
Phil s’emporte contre la réalité virtuelle, mais l’assume aussi comme outil indispensable au rapprochement des gens. La musique qu’on vole, la musique qu’on propage, mais aussi des rencontres, alors finalement, l’essor du net, un mal pour un bien ? Dans ce cas, la réponse est claire. Phil et ses potes ont enregistré l’album de Hardcore/Metal/Crust/Sludge le plus viscéralement analogique de ces dernières années, en laissant parler leur nature profonde et leur colère. En juxtaposant des riffs typiquement Anglais à des rythmiques Southern Core, sur « Circling The Drain » par exemple. En sonnant plus Thrash Punk qu’un LP de covers de SLAYER par DOOM (« Clickbait »). En se la jouant direct et potache énervé sur fond de Bluescore rageur et fatigué de gueuler dans le vide pour un « Asshole » qui sonne le glas de Robert Johnson via la cloche de l’église CARNIVORE. Mais comme le schéma se répète presque du début à la fin, avec les quelques nuances que j’ai déjà apportées, à quoi bon s’emmerder à tout recenser. Oui, Caught Up In The Gears Of Application est un disque brutal, au moins autant que le premier ANSELMO & THE ILLEGALS, mais plus fou tout en étant plus canalisé et « classique » dans la forme, mais au moins aussi provocant dans le fond.
Tout ça valait bien un retour après treize ans de silence. Enfin silence, relatif on va dire…Mais il est vrai que l’underground avait besoin d’un bordel pareil pour remettre de l’ordre dans la hiérarchie des choses. Pour retrouver un Anselmo chafouin et enclin à tout envoyer balader. Un Bower jouissif qui se lâche. Et puis voilà, un album qui fait beaucoup de bruit, mais pas pour rien.
Une légende qui revient, mais est-ce vraiment une légende ou juste un truc pour se marrer et taquiner du Core comme du goujon ? Avec Phil, impossible de savoir…Comme le dit Anselmo, avec Internet, tout le monde peut donner son avis. Lui donne le sien via sa musique. C’est plus concret, et plus récréatif. Et beaucoup moins virtuel qu’un gros pain dans la gueule façon Vulgar Display of Power qui défonce le miroir du Damage des FLAG.
Titres de l'album:
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
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NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
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