Bon, chers amis américains, il va vraiment falloir vous calmer. Je sais qu’en ce moment, la campagne présidentielle vous donne des sueurs froides, entre un président sortant à moitié sénile et un candidat républicain à l’oreille dégagée, mais ça n’est pas une raison pour vous exciter comme ça sur vos instruments. Ceci étant dit, rien ne m’obligeait aujourd’hui à traiter du cas de deux groupes de Death/Doom US, mais le hasard ne s’accorde pas toujours avec les humeurs de saison. Et puis j’ai horreur de la plage. Et des touristes. Et de la chaleur. Alors, la lancinance, la lenteur et les grognements me gardent au frais finalement.
Pas de quoi se plaindre.
CAVE, comme son nom l’indique, a émergé un beau jour de 2018 d’une vieille cave sans doute similaire à celle du docteur Petiot. Mais CAVE, c’est aussi un seul homme, éponyme, aux commandes de ce projet, mais aussi de nombreux autres. Je n’en reproduirai pas la liste ici, mais sachez qu’elle fait un bon gros pavé sur The Metal Archives. Considérons donc Jared Moran (son vrai nom, parce qu’il ne faut pas exagérer) comme un Rogga Johansson de l’extrême le plus cryptique et sauvage, encore plus vilain et incorruptible que son collègue.
Et Dieu sait si CAVE est un machin que l’on ne mettra pas entre toutes les mains. Pur produit de l’école Death/Doom ricaine la plus maladive, Cave III est un recueil de pensées morbides que l’on partage entre initiés, et qui se refile sous le manteau dans les rues les plus mal famées de Gulfport, Mississippi. Alors, oubliez Tom Sawyer, oubliez les roues à aube, oubliez tout le folklore local, et concentrez-vous sur ce rapport médico-légal, qui pourrait faire passer le premier CARCASS pour un album de Raggamuffin.
CAVE sent mauvais, et c’est tant mieux. Mais l’homme derrière le pseudonyme ne se contente pas du minimum syndical crade pour exister. Non, il va plus loin, car il sait qu’une bonne dose de dissonances et d’expérimentation peuvent rendre le style encore plus oppressant. En charge de toute l’instrumentation, de la batterie en futs de bière à la basse inexistante, en passant par la guitare aux motifs indiscernables, Jared pratique l’art de l’agression avec un panache indéniable, parvenant même à rendre son boucan aussi répétitif et hypnotique qu’un Death gore Industriel.
Mais produit à une échelle locale.
Les néophytes tombant par hasard sur cet objet bruitiste me sortiront leur argument massue. La même chanson reproduite plusieurs fois, ou une seule chanson découpée en sept tranches. Evidemment, vu la cacophonie proposée par l’américain, je ne saurais les contredire. Mais quelle belle cacophonie…Jared Moran n’hésite pas en effet à aller trop loin, au risque de sombrer dans le Noise le plus absolu, et c’est pour ça que ce deuxième longue-durée est appréciable. Loin des timorés qui veulent garder prise avec la réalité et une certaine forme de musicalité, CAVE prône l’abandon de soi au bruit le plus abscons, et nous sert encore rigide une prestation essentiellement rythmique, recouverte d’une noble couche de pourriture de guitare. Ce pauvre instrument certainement accordé beaucoup plus bas que la normale peine à se faire entendre dans tous ses détails, et se contente d’officier comme un back noise en magma incompressible et incompréhensible.
Mais le style s’accorde justement très bien de ce parti pris.
A l’image d’une maquette enregistrée sur un quatre-pistes très fatigué, pour être ensuite numérisée sans trop se prendre la tête, Cave III est un segment horrifique brouhaha blindé d’écho, dont les plans sont aussi clairs qu’un discours de Joe Biden. Tout au plus perçoit-on les nombreux blasts qui emballent la machine au-delà du raisonnable, et les grondements vocaux d’un démon sorti de sa cage après une courte hibernation. Lars Ulrich pourrait envier ce son de caisse claire non traité, tandis qu’ENCOFFINATION a déjà adoubé la bestiole d’une accolade de l’épaule.
Recommandé aux fans de VOID ROT, CONVULSING et MORTIFERUM, Cave III est un album de Death Doom pour plus de dix-huit ans, avec ses figures bruitistes pornographiques et son obscénité rythmique et vocale. On ne pige pas toujours les positions, on ne distingue pas toujours les orifices, mais on sait que ça va et que ça vient sans tendresse, et sans lubrifiant, dans une cave quelconque.
On a connu plus convivial, mais un peu de sévérité ne fait pas de mal. Enfin si. Bref, vous m’avez compris. Si en général vous avez la gaule.
Titres de l’album :
01. Prophecy Revealed
02. Enchanted Tendencies
03. Beyond Abstraction
04. Ingenious Concealment
05. Antiquity Superstition
06. Pillar
07. Unifying Worship
Du lourd cette musique !
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