Je vais être honnête avec toi lecteur, le dernier album de VICIOUS RUMORS que j’ai vraiment écouté était l’éponyme sorti en 1990 avant que le Hard Rock ne soit plongé dans un marasme l’obligeant à se remettre en question. Est-ce pour autant que je ne suis pas apte à juger de la qualité de ce nouveau-né ? Possible, mais je m’y attaque quand même, avec en tête le souvenir paradoxalement très frais d’un groupe qui m’intriguait à l’époque de sa capacité à se remettre en question tout en brouillant les frontières de genre. Car après tout, qui est vraiment VICIOUS RUMORS ? Au départ, un groupe de démonstrateurs techniques à la solde du Dieu solfège, qui en 1985 avaient sorti l’un des disques les plus bouillants des années 80, un peu comme si JUDAS PRIEST s’était payé les services de luxe de deux Yngwie Malmsteen pour le prix d’un. Avec un certain Vinnie Moore dans son casting, le combo de Santa Rosa hébergé dans l’écurie de pur-sang Shrapnel Records avait largement de quoi se faire remarquer, mais c’était sans conteste Digital Dictator sur Roadrunner qui leur avait vraiment permis de repousser les meubles et le plafond pour faire étalage de ses capacités incroyables à composer de véritables chansons à cheval entre Heavy féroce, Power véloce et Speed rosse. Mais comme on ne peut pas suivre cinquante groupes avec une fidélité absolue, il m’avait fallu faire des choix à l’orée des années 90, et alors passionné par le Thrash (comme toujours), le Grind, le Death et la Fusion, j’avais rangé cette assemblée de prodiges dans mes souvenirs de jeunesse un peu bordéliques. 2020 marque donc mes retrouvailles avec le groupe, toujours solidement mené par Geoff Thorpe (guitare/chant) et Larry Howe (batterie).
L’histoire de Celebration Decay n’est pas banale, et sa date de sortie repoussée coïncide avec une tournée triomphale fêtant les trente ans de la sortie du classique Digital Dictator. Prévue à la base pour durer une vingtaine de date, cette tournée s’est finalement étalée sur plus de cent concerts, ce qui n’a fait que modifier le calendrier de sortie, mais aussi cimenter les relations entre les musiciens sur la route. C’est donc un groupe très soudé qui nous en revient avec ce treizième LP, rond aux entournures, et solide comme un roc sur une montagne Metal. Aux côtés des deux leaders historiques, on retrouve donc la paire qui les a accompagnés dans leur célébration couronnée de succès, avec Gunnar DüGrey à la guitare (depuis 2017) et Nick Courtney au chant, mais aussi un invité de luxe, le bassiste Greg Christian (TESTAMENT, TRAUMA), qui contribue de ses lignes graves à la cohésion d’une rythmique toujours aussi pulsée et puissante. Et si par le passé, j’ai loupé le coche d’une petite dizaine d’albums (honte à moi), c’est avec plaisir que j’ai retrouvé la bande en grande forme, toujours aussi agressive et puissante, lyrique et emphatique, et apte à signer des hymnes à la gloire d’un Metal tel qu’il était déjà joué il y a plus de trente ans, alors que le groupe accuse aujourd’hui quarante années d’existence avec sa formation en 1979. Outre Greg Christian, on retrouve un autre invité sur Celebration Decay en la personne de Cody Green, venu prêter deux soli aux morceaux « Long Way Home » et « Any Last Words ». Un retour en fanfare donc, quatre ans après Concussion Protocol qui avait visiblement satisfait les fans, et pour être honnête, malgré mon manque de fidélité, j’ai eu la sensation en écoutant ce treizième LP de retrouver le VICIOUS RUMORS de la fin des eighties, avec un bonheur et un plaisir non feints.
Produit et mixé entre novembre 2019 et février 2020 par Geoff Thorpe et Juan Urteaga aux Trident Studios de Pacheco, Californie, Celebration Decay a de la gueule, et offre justement le visage d’un quatuor uni, et prêt à repartir encore pour quarante ans sur les routes. J’exagère sans doute un peu, mais il est toutefois difficile de reconnaître un groupe né à l’orée des années 80 en écoutant ces onze morceaux aussi solides que l’acier, versatiles mais cohérents, et témoignages d’une vitalité incroyable, qui résulte sans aucun doute de cette longue période passée sur la route à célébrer les trente ans de ce que beaucoup considèrent comme le plus grand achèvement discographique du groupe américain. Sans déjà savoir si ce nouvel effort pourra rivaliser dans le temps avec le chef d’œuvre de 1988, on constate qu’il en a les moyens musicaux, et qu’il tient la dragée haute à d’autres LPs de groupes confirmés de la grande époque. D’autres références avec les glorieuses eighties peuvent d’ailleurs être repérées au second degré, et il est amusant de constater que la présence de Greg Christian permet au groupe de signer un morceau plus TESTAMENT que nature, avec ce très catchy et nerveux « Any Last Words », qui n’est pas non plus sans évoquer METAL CHURCH. Le petit nouveau Gunnar DüGrey, enrôlé alors qu’il n’avait que dix-huit ans se montre aujourd’hui à vingt-et-un printemps aussi à l’aise que Vinnie Moore sur le classique Soldiers of the Night, et si son jeu n’a pas les intonations baroques et speed de son illustre prédécesseur, il n’en garde pas moins un phrasé diaboliquement précis et une inspiration héroïque. De son côté, Nick Courtney prouve qu’il a les épaules des grands frontmen, et domine de son organe surpuissant et aigu les compositions, qui retrouvent la flamboyance des grands moments de bravoure du triptyque de la seconde moitié des 80’s.
Sans jamais perdre de vue la puissance d’un Metal toujours aussi puriste, le groupe se permet des inserts plus lourds, mais plus mélodiques, à l’instar de l’écrasant « Asylum Of Blood », alors que l’entame à la nitro de « Celebration Decay » rappelle pourquoi les critiques s’amusaient beaucoup à classer les américains sur l’étagère du Speed Metal. Toujours aussi agressif et en verve, VICIOUS RUMORS ne renie rien de ses racines, et semble même retrouver l’allant de sa jeunesse, malgré quelques pauses plus convenues, à chaque fois sauvées par des arrangements intelligents et des ambiances à la SANCTUARY/QUEENSRYCHE (« Long Way Home »). La dernière partie de l’album, plus embourbée dans le classicisme d’un Metal inamovible se montre moins fascinante, et laisse quelques facilités planer, mais heureusement, le quatuor retrouve son jus sur le survolté « Collision Course Disaster », qu’ANNIHILATOR aurait pu composer sur ses derniers efforts. Et sans être une véritable révolution, Celebration Decay n’en reste pas moins une fête organisée en l’honneur du Heavy Metal le plus flamboyant et franc, toujours hétéroclite dans sa recherche d’exhaustivité, et toujours coincé entre Power, Hard Rock et Metal traditionnel. Un beau retour qui vient couronner une tournée auréolée de succès, mais il serait assez étonnant que Celebration Decay bénéficie lui aussi d’une cérémonie en grandes pompes dans trente ans. Logique.
Titres de l’album:
01. Celebration Decay
02. Pulse Of The Dead
03. Arrival Of Desolation
04. Any Last Words
05. Asylum Of Blood
06. Darkness Divine
07. Long Way Home
08. Cold Blooded
09. Death Eternal
10. Collision Course Disaster
11. Masquerade Of Good Intentions
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