Technical Thrash ou Progressive Thrash ? Les deux sont si intimement liés que la réponse n’en est que plus complexe. Alors admettons un juste milieu pour satisfaire tout le monde, mais aussi pour y glisser l’un des représentants les plus admirables de ces dix dernières années. Et pour le trouver, nul besoin de traverser l’Atlantique. Un simple bus ou une voiture suffisent pour rallier Enschede aux Pays-Bas, qui se trouve pile à onze heures de chez moi.
Mais là encore, le voyage n’est pas obligatoire. CRYPTOSIS a la politesse de nous envoyer de ses nouvelles régulièrement, et 2025 se fête au son de son deuxième album, Celestial Death. Quatre ans après l’impact énorme de l’introductif Bionic Swarm, qui avait secoué la tignasse des fans d’un Thrash fin et lettré, les bataves frappent une nouvelle fois, peut-être encore plus fort, pour imposer ces dix nouveaux morceaux plus intro qui risquent fort de faire de gros dégâts dans les esprits sensibles.
Il est évidemment déconseillé de se mélanger les pédales et de prendre les hollandais pour les américains de CRYPTOPSY. Si les deux orchestres partagent des vues évolutives sur la question brutale, CRYPTOSIS a fait le choix de rester très musical, malgré une violence de fond indéniable. Enregistré par Olaf Skoreng au Tom Meier et au Studio Moon Music entre avril et août 2024, mixé par Fredrik Folkare aux Chrome Studios (UNLEASHED, NECROPHOBIC, HELLBUTCHER) et masterisé par Tony Lindgren aux Fascination Studios (ARCH ENEMY, BORKNAGAR, AMORPHIS) en Suède, Celestial Death dispose donc d’un son clair et ample, subtilement spatial, qui laisse les sons tournoyer dans une stéréo galactique. Avec des arrangements sobres mais effectifs, le trio (Frank te Riet - basse/mellotron/chœurs, Marco Prij - batterie, Laurens Houvast - guitare/chant) tisse sa toile et élargit son univers, incluant comme à l’habitude des éléments de Death, de Jazz, de Rock progressif, sans tomber dans le pompeux abscons pour intellectuels barbares.
En parvenant à un équilibre parfait entre complexité et efficacité, le groupe marque des points, et tape même le 12 points eurovisien à l’occasion du petit chef d’œuvre « Ascending ». L’un des nombreux singles de ce deuxième album est un morceau punchy, qui repose sur une thématique de circonstance. Elle est expliquée en ces termes par Laurns lui-même :
Ce morceau plonge dans un futur où l’humanité télécharge sa conscience dans un vaste nuage numérique, brouillant les frontières entre la réalité et l’existence virtuelle. « Ascending » capture à la fois l’attrait et les conséquences dérangeantes de ce progrès technologique. Il s’agit d’une réflexion sur la permanence envoûtante d’une vie déconnectée du monde physique.
On reconnaît là les obsessions technologiques en vogue au vingt-et-unième siècle, cette immortalité traquée comme le Saint Graal et qui pourrait un jour prendre la forme d’un esprit relié à un gigantesque espace de stockage et qui continuerait à vivre artificiellement, nous garantissant une intemporalité sans limites. Mais est-ce encore la vie ? Le numérique est-il cet Eldorado promis par les chercheurs et les ingénieurs ? Ne risque-t-on pas de brader notre humanité pour honorer des Dieux digitaux qui ne nous veulent pas que du bien, alors même que les plus grands spécialistes craignent une destruction massive causée par une IA de plus en plus gourmande ?
Les questions se posent, mais les réponses sont encore discrètes. Il conviendra d’attendre encore un peu pour trancher, et en attendant, la musique reste l’apanage des vrais musiciens, qui écrivent, composent et enregistrent sans refiler leurs responsabilités à des machines de plus en plus…humaines. Pour le moment.
CRYPTOSIS, en attendant de voir ses prophéties se réaliser, continue de pilonner comme un damné pour incruster son Thrash évolutif dans les consciences. A la manière d’un NOCTURNUS joignant ses forces à BELIEVER, Celestial Death dépeint un monde fantasmagorique à la VOÏVOD, et utilise quelques recettes canadiennes pour développer son point de vue, sans perdre en concision. Les titres sont donc suffisamment courts eu égard au nombre de plans conséquent qu’ils contiennent, et « Reign of Infinite » de se poser comme acmé d’une approche absconse et complexe, sans toiser du regard la plèbe dont nous faisons partie.
Le but n’est donc pas d’en mettre plein la vue, mais plutôt d’en mettre plein la tête. La somme d’informations prodiguées par ce deuxième chapitre est époustouflante, et pourtant, l’homogénéité ne se laisse pas sacrifier sur l’autel de la profusion. Non, avec cette basse en constant traquenard, cette guitare qui exploite toutes ses capacités, et cette batterie en roue libre, le power-trio avance sur du velours, et confronte la tradition Techno-Thrash à la réalité contemporaine progressive.
Cédant parfois à l’emphase d’un Heavy Thrash lourd à la STRAPPING YOUNG LAD pressé comme une étoile filante (« Absent Presence »), pour mieux jouer avec la dextérité l’instant suivant (« Cryptosphere »), CRYPTOSIS sait oublier ses ambitions progressives pour frapper fort, et nous laisser avec un beau tympan au beurre noir.
Efficace, pertinent, méchant, agressif, intelligent et ambitieux, Celestial Death est une suite plus que logique à Bionic Swarm. Il en garde les obsessions futuristes, les sympathies brutales et la philosophie éthique. Et s’insère donc dans une logique de Thrash progressif et technique, soit le meilleur des deux mondes. Quoique dans le cas des hollandais, les mondes se démultiplient comme des virus.
Titres de l’album:
01. Prologue – Awakening
02. Faceless Matter
03. Static Horizon
04. The Silent Call
05. Ascending
06. Motionless Balance
07. Reign of Infinite
08. Absent Presence
09. In Between Realities
10. Cryptosphere
11. Coda – Wander into the Light
Vous le croyez ou pas, mais je n'ai jamais entendu causer de ce groupe...Au vu des deux critiques dithyrambiques, je vais donc forcément me pencher sur la chose... ... ...
23/03/2025, 06:33
S'il remonte un groupe qui reprend le style de Katatonia jusqu'à "Last Fair Deal Gone Down", je suis alors enthousiaste au-delà du raisonnable ! Affaire à suivre !
22/03/2025, 14:51
Il manquerait une petite chose à cette sélection si je ne signalais que Sindre Nedland, le chanteur d'In Vain, est décédé le 2 mars 2025. Il avait 40 ans.C'était un remplaçant qui avait assuré les concerts depuis l'&eac(...)
20/03/2025, 22:09
Merci pour ce report, qui rend très bien compte de ce moment hors du temps. J’avoue qu’une setlist uniquement composée de titres d’argus ne m’aurait pas déplu (comme au courts of chaos de l’an passé si je ne me trompe pas) mais c’est(...)
18/03/2025, 21:35
On a connu des ruptures plus violentes... J'ai l'impression qu'il faut comprendre qu'il va lancer sa propre formation pour reprendre de vieux titres de Kakatonia (pardon, c'était trop tentant et je ne le pense pas vraiment) voire approfondir leur style. Ce se(...)
18/03/2025, 20:21
C'est le groupe du chanteur de feu Paean. Il faut que j'essaie l'album de 2022.
15/03/2025, 15:41
Franchement Alcest mérite mieux qu'un de ces énièmes groupes de post-rock ou post-metal à la con ou tout est recraché.
15/03/2025, 11:50
Très bon groupe de Death grind,que je viens de découvrir moi qui aime la musique extrême je ne suis pas déçu !Je le conseille à tous
12/03/2025, 10:09
Va vraiment falloir arrêter ces commentaires politiques systématiques, c'est d'un redondant, même si, je conviens que pour le présent groupe ce soit peu évitable. Mais un peu de sérieux, le capitalisme honni se réjouit justement des luttes (...)
12/03/2025, 08:01
Oui il y avait des tensions je pense. Hinds voulait clairement une orientation moins "Metal" depuis quelques temps pour Masto... Et dernièrement il était très critique sur le concert d'adieu de Black Sab' auquel Masto va participer. Il avait po(...)
11/03/2025, 20:35
Du tout bon ça !!!PS : L'intro de la chro c'est pour de vrai mortne2001 ou juste pour la beauté du texte ???
11/03/2025, 19:29
Apparemment Hinds était moins impliqué dans le groupe ces derniers temps mais c'est vraiment dommage cette séparation.
11/03/2025, 07:47