Celestial Malefactor

R'lyeh

27/03/2017

Autoproduction

Petite mise au point culturelle. R'lyeh, dans l’imaginaire de notre cher Lovecraft, était une cité imaginaire dont on trouvait la première allusion dans la nouvelle « The Call Of Cthulhu », dont le titre doit certainement vous dire quelque chose…

Lovecraft la décrivait comme une cité engloutie dans le pacifique sud, sorte de prison dans laquelle était enfermé le fameux Cthulhu. Il faut donc voir une analogie entre son concept et celui de ce one man band Américain, qui aujourd’hui sort son premier album, étroitement lié à l’univers de l’auteur, mais porteur d’un concept personnel que je me propose de vous décrire en ces lignes.

Celestial Malefactor traite en fait d’un enlèvement extra-terrestre. Un ancien pilote de la seconde guerre mondiale et sa femme rentrent chez eux en voiture un soir d’orage. Tout à coup, un gigantesque vaisseau alien d’où émane un bruit de sirène assourdissant troue le ciel, Ils sont soudain aspirés par un faisceau jaillissant de cette énorme soucoupe, et l’homme voit sa femme emmenée, avant que lui-même ne puisse s’échapper grâce à des turbulences pour pouvoir rejoindre la terre. Il nous raconte donc son expérience en douze chapitres, qui forment donc la trame narrative de ce premier effort, aussi original qu’il n’est bruyant, aussi avant-gardiste qu’il n’est dissonant.

En l’état, R’LYEH est donc un projet de longue haleine élaboré en solo par Robert Aguilar, qui s’est chargé de la composition, de l’écriture, mais aussi de l’interprétation. Chose assez courante dans le Black, cet album n’en reste pas moins une intrigante entrée en matière qui combine plusieurs influences pour finalement restituer une œuvre personnelle, assez abrasive dans le fond, et résolument anticonformiste.

Si la musique développée sur ce premier LP est plutôt absconse et difficile à assimiler, elle n’en est pas moins riche et troublante. Et comme Aguilar n’a pas choisi la facilité en laissant sa créativité s’exprimer sur plus d’une heure et dix minutes, vous comprendrez de vous-même que l’écoute de ce Celestial Malefactor va vous demander une somme d’efforts assez conséquente, ne serait-ce que par les accointances que le musicien partage avec d’autres artistes comme Mories de GNAW THEIR TONGUES ou même à un degré moindre STALAGGH, sans toutefois atteindre les sommets bruitistes de non-sens de ce dernier projet.

Néanmoins, les pics d’intensité atteints tout au long des douze morceaux de cet album permettent une telle comparaison, et seront à même de repousser les plus aventureux d’entre vous, et d’horrifier les plus sensibles, qui fuiront à toutes jambes cet amalgame de sons discordants, de concentrations de fréquences graves proches du Drone, et de hurlements concentriques censés évoquer l’aventure de ce vétéran errant dans ce vaisseau à la recherche de réponse.

Je ne suis pas certain que l’issue de son aventure hors du commun lui en procure, tout comme Celestial Malefactor ne nous en donne aucune. Ceci étant dit, le cheminement de cet œuvre n’est pas sans logique et cohérence, même dans ses exactions les moins supportables.

Il est possible de la concevoir comme un bloc, qui unirait dans un même ciment les atrocités d’ABRUPTUM avec une version extrême de DEATHSPELL OMEGA, expurgée de tout désir mélodique abordable.

Certes, pour les néophytes et autres adorateurs de bienséance harmonique, R’LYEH ne sera qu’un énième projet bruitiste à ranger sur l’étagère du mépris, mais je ne peux m’empêcher de trouver sa démarche assez envoutante, et son entreprise de déconstruction rythmique relativement fascinante.

Utilisant des changements d’accords étranges et des mélodies atonales, Robert Aguilar trace sa route à travers sa propre imagination doté d’un libre arbitre sans entrave, et nous livre donc un essai conceptuel, parfois proche de l’abstraction du Jazz d’avant-garde, un peu comme si le Zeuhl de MAGMA se confrontait au spectre déchargé d’un BM Ambient et bruitiste à la REVENGE.

Mais loin de se mordre la queue, l’artiste parvient toujours à trouver une piste pour relancer l’attention, comme sur cet étrange et cryptique « Purgatory », qui abuse d’arpèges acides bientôt fondus dans une chape de plomb de riffs dissonants, les moulant à nouveau dans une forme différente.

Le chant en lui-même est assez symptomatique de la démarche globale, et se veut sourd, mixé en arrière-plan, et utilisé comme une troisième ou quatrième piste rythmique plus que comme une expression orale à proprement parler. La boîte à rythme, bloquée sur un beat délibérément excessif n’empêche nullement d’apprécier la brutalité des morceaux, et ajoute même une petite touche synthétique surréaliste à l’ensemble. Mais il est indéniable que nous atteignons parfois des sommets d’abstraction musicale, comme à l’occasion de cet indescriptible « The Ring Of Forfeit », qui abandonne toute structure un tant soit peu agencée pour se livrer à une orgie de cris et une débauche de stridences, rendant l’écoute assez difficile pour toute oreille non rompue à l’exercice du Raw Black avant-gardiste.

Mais faites l’expérience, et si l’intégralité de l’album vous effraie encore un peu trop, tentez l’approche de synthèse par le versant « Dreaming Of Black Holes, » qui en onze minutes et dix-neuf secondes résume parfaitement l’entreprise d’un point de vue non-musical.

Parties rythmiques d’une intensité farouche, riffs concentriques qui soudain se brisent sur les dissonances les plus irritantes, et densification abusant même de percussions sorties de nulle part, pour de temps à autres laisser percer quelques mélodies décharnées, tel est le menu de ce morceau à tiroirs qui ose même quelques arrangements de samples et autres bruitages censés illustrer l’expérience vécue par cet homme à bord de ce vaisseau…

Difficile de décrire avec suffisamment de fidélité ce premier album beaucoup trop personnel et abstrait pour être décortiqué avec un langage clair et concret. Si beaucoup le verront comme une nouvelle abomination bruitiste émanant d’un cerveau dérangé et mis en pratique par un instrumentiste limité, d’autres le percevront au contraire comme une expression de « musique concrète », adaptée à un contexte de Black Metal réservé à une petite catégorie de fans ouverts à toute possibilité.

A vous de faire votre choix, mais si l’on peut reprocher à R’LYEH de régulièrement replacer certains plans cacophoniques sans chercher à les varier, l’étrangeté et la complexité de son travail sont quand même à souligner, et son Celestial Malefactor se pose en premier jet suffisamment intéressant pour générer une suite qui gagnera à être moins abrasive et plus aérée.

A moins qu’il ne souhaite lui aussi finir dans une prison subaquatique comme Cthulhu…Mais pas sûr que Lovecraft de son au-delà ne lui soit d’une grande aide.


Titres de l'album:

  1. Ascending to the Writhing Ether
  2. God Hammer
  3. 9 Send
  4. Igniting in Those Eyes
  5. Purgatory
  6. The Ring of Forfeit
  7. A Broken Glass in the Mist
  8. Dreaming of Black Holes
  9. Enormity of the Empyrean Conspiration
  10. The Sun Rider
  11. Return to the Motherland
  12. Purgatory (Acoustic Version)

Soundcloud officiel


par mortne2001 le 19/04/2017 à 17:59
68 %    1260

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Obscura + Gorod + Skeletal Remains

RBD 17/02/2025

Live Report

Doom, Rock'n'Roll & Vin rouge

Simony 10/02/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : le tape-trading

Jus de cadavre 09/02/2025

Vidéos

Carcass + Brujeria + Rotten Sound

Mold_Putrefaction 28/01/2025

Live Report

Carcass + Brujeria + Rotten Sound

RBD 23/01/2025

Live Report

Antropofago + Dismo + Markarth

RBD 16/01/2025

Live Report

Sélection Metalnews 2024 !

Jus de cadavre 01/01/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : MONOLITHE

Jus de cadavre 15/12/2024

Vidéos
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Styx

De rien, avec plaisir amie métalleuse.   

20/02/2025, 19:34

Moshimosher

Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...

20/02/2025, 19:08

Humungus

J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...

20/02/2025, 18:52

l\'anonyme

Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé. 

20/02/2025, 09:27

Simony

Hello Styx, problème remonté à notre webmaster, merci.

20/02/2025, 08:00

Tourista

Ça devient de la chaptalisation ce rajout permanent de groupes.

20/02/2025, 06:42

LeMoustre

Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci. 

19/02/2025, 17:51

Styx

Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.

19/02/2025, 16:32

Ivan Grozny

Merci pour le report, ça me tente bien d'y aller jeudi à Paris.

18/02/2025, 22:44

Jus de cadavre

Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !

17/02/2025, 21:39

Saul D

Moi je regrette quand même le line up des années 80...mais bon....

17/02/2025, 14:08

RBD

Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)

17/02/2025, 13:18

Humungus

Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)

17/02/2025, 06:50

RBD

C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)

15/02/2025, 18:14

Humungus

Super titre !Cela donne envie putain...

14/02/2025, 09:45

NecroKosmos

Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)

14/02/2025, 05:50

Warzull

AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)

13/02/2025, 18:38

Jus de cadavre

Toujours le même riff depuis 35 ans    Mais toujours efficace !

13/02/2025, 17:13

Simony

Excellente initiative, dommage que je sois si loin !

12/02/2025, 07:08

RBD

Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)

12/02/2025, 01:30