Formé en août 2014 par Richard Hupka (guitare/chant) et son fils Lukas (batterie), BULLET-PROOF n’existait que pour un seul but : combiner la force de la vitesse et la fluidité des mélodies. Aujourd’hui, fort de deux albums longue-durée, le concept peut s’enorgueillir d’un parcours exemplaire au moment de négocier le virage de son troisième album, le plus décisif et dangereux. Soutenu par la maison de disques roumaine Sleaszy Rider Records, BULLET-PROOF a donc toutes les armes en main pour séduire un public avide de nostalgie eighties/nineties, et de cette domination exercée par la Bay-Area sur le reste du monde. Pour autant, ne craignez pas le syndrome du METALLICA soundalike, puisque ces italiens ont plus d’un tour dans leur sac, un sacré bagage technique, et surtout, l’ambition d’actualiser un son traditionnel pour le remettre en phase avec son époque.
Partager la scène avec des pointures comme TESTAMENT, RAVEN, GRAVEWORM, HOLOCAUST, ou TYGERS OF PAN TANG a donc permis au quatuor (Richard Hupka - guitare/chant, Andrea Demasi - guitare, Federico Fontanari - basse et Lukas Hupka - batterie) de se confronter à des vétérans de la scène, rodés à l’exercice de la combinaison. Et si un seul nom devait être retenu pour situer le terrain de jeu des transalpins, ce serait évidemment celui de TESTAMENT, puisque leur musique emprunte deux ou trois astuces aux recettes éprouvées de la bande à Chuck et Alex.
TESTAMENT, METALLICA, mais aussi METAL CHURCH, NEVERMORE, ICED EARTH, JUDAS PRIEST bien sûr, un peu de DEATH ANGEL, soit la quintessence de la concision virile mais harmonique, pour une démonstration de savoir-faire assez impressionnante. Immédiatement, on est happé par ce son si pur et rond aux entournures, et par cette rythmique lourde. Enregistré par Federico Pennazzato et Aldo Lonobile aux TMH Studios, mixé et masterisé par le même Federico Pennazzato, Cell XIX est donc professionnel jusqu’au bout des syncopes, et nous délivre un message simple et clair : le véritable Metal, celui qui transcende les époques et qui fédère toutes les générations se doit d’être joué avec les tripes, et synthétiser le meilleur des approches. Et en tergiversant entre Heavy, Thrash, Speed et Metal moderne, les italiens ont joué la bonne main, de celles qui font glisser le tapis dans votre besace.
Après une courte intro, « Brainocide » donne le ton avec son lick virevoltant. Double grosse caisse en furie et basse brillante de colère, chant hargneux et harmonies en contrepoint, l’équilibre est parfait, et l’ambiance surchauffée. On sent que huit ans de carrière et deux albums ont rodé le groupe au point de lui faire approcher la perfection dans son domaine, et si la mélodie principale de ce premier morceau est assez traditionnelle, l’énergie déployée permet de la faire passer comme une jolie pilule bleue.
Une fois à l’intérieur de la matrice, on découvre donc une autre réalité, faite de soli harmonieux et tout en puissance et nuance, un frontman en pleine possession de ses moyens, au timbre légèrement rauque mais au phrasé précis, et surtout, une cohésion de groupe assez bluffante. Tube d’entame, ce premier véritable morceau n’est pas qu’un simple résumé des capacités, ou pis, un hit lâché pour faire baver le chaland, mais bien un simple exemple des capacités de quatre musiciens qui connaissent l’air, et en chantent la chanson. « When Truth And Trust Collapsed » casse le moule, impose des saccades plus fermes, et nous ramène droit dans les années 90, lorsque les groupes purement Metal les plus musclés refusaient de se compromettre dans des modes de passage. On pense à une concession faite entre NEVERMORE et CHANNEL ZERO, sans les travers groove si symptomatiques et datés, mais on headbangue avec plaisir sur des titres qui s’enchaînent dans une logique imparable.
BULLET-PROOF est donc bien à l’épreuve des balles, et les évite même avec une souplesse déconcertante, en appuyant sur ses points forts les plus lourds et menaçants (« No Future »), ou au contraire en se laissant aller à sa nature la plus séduisante et catchy (« Cell XIX »). Pas vraiment purement Thrash, pas totalement Heavy non plus, le Metal des italiens est pluriel, mais simple d’accès. Les astuces techniques sont suffisamment intelligentes pour rester dans l’ombre, mais les détails sont travaillés, et les sifflantes et autres harmoniques distillées avec pertinence. Tout au plus soulignera-t-on quelques facilités dans certaines mélodies un peu éculées, mais ce reproche mineur ne doit surtout pas occulter le jugement général : ce troisième album est un modèle du genre.
On regrettera peut-être le parti-pris de concision qui élimine toute ambition progressive d’un titre vraiment épique, quelques ressemblances flagrantes avec le MEGADETH le plus commercial (« Cold Sigh »), un patinage au deux-tiers de l’album pour s’embourber dans le Heavy le plus typé (« Undeniable Decline »), mais tout le monde se retrouvera autour de la dernière version originale « Perception Of Reality », qui titille même la corde sensible du VOÏVOD le plus raisonnable.
Le choix de terminer l’album sur une blague Punk ne sera pas du goût de tout le monde (OFFSPRING pourquoi pas, mais sur un EP plus léger alors…), mais BULLET-PROOF, en dehors d’une ou deux erreurs mineures s’en sort avec plus que les honneurs, signant l’un des albums les plus sincères et prenants de ce début d’année.
Titres de l’album:
01. Endovena (Intro)
02. Brainocide
03. When Truth And Trust Collapsed
04. Paralyzed
05. No Future
06. Cell XIX
07. Cold Sigh
08. Undeniable Decline
09. Perfectly Divided People
10. Perception Of Reality
11. All I Want
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