En préambule de cette chronique, je tenais à assurer mon mépris éternel au journaliste/abruti (qui n’est journaliste que de nom) qui s’est cru hautement malin de distribuer gratuitement sur la toile cet album un mois avant sa sortie, obligeant l’artiste à lâcher son premier LP solo avec des semaines d’avance. Comment un tel comportement peut s’expliquer alors que 2020 est la pire année de l’histoire pour les artistes qui voient leurs tournées annulées, repoussées, et qui se demandent s’ils pourront continuer leur métier sans avoir à pratiquer la mendicité artistique ? Je me perds en conjectures sur ce comportement irresponsable, et je ne peux que déplorer sincèrement une telle attitude qui condamne un album bien avant que le public n’ait pu le découvrir officiellement. Espérons quand même que les supports physiques et numériques de Child Soldier : Creator Of God trouvent de nombreux acheteurs, mais surtout, que la situation évolue dans le bon sens. Préambule terminé. Fuck you !
Sinon, vous n’êtes pas sans connaître le musclé Greg PUCIATO, sorte de fils spirituel d’Henry Rollins et Glenn Danzig, celui qui à l’inverse de Moïse n’avait pas besoin d’écarter le public en deux pour le traverser. Les fans ne se sont jamais vraiment remis de ses performances hallucinantes en live, notamment celle surnaturelle dans un Virgin qui voyait le féroce chanteur se jeter dans le public alors même que le premier morceau venait à peine de démarrer. Comme beaucoup d’entre vous, j’ai eu la chance de voir plusieurs fois l’homme in situ avec son groupe phare, DILLINGER ESCAPE PLAN, et j’en ai vite conclu qu’il était de cette caste de frontmen capables de tout faire sur une scène, même sans liberté de mouvement. Je l’ai vu enflammer la scène de La Maroquinerie à Paris, pourtant étroite, je l’ai vu lâcher un napalm vocal sur le Trabendo, et même détruire la Nef d’Angoulême à force de lézarder les murs de ses cris. Mais depuis la cessation d’activité de DEP, l’homme a continué son chemin, créé une nouvelle entité (THE BLACK QUEEN), avant de s’épancher violemment en solo…d’une façon tout à fait accidentelle. Persuadé de composer un nouvel album pour TBQ, Greg a commencé à empiler quelques morceaux perso, avant de se rendre compte que leur rendu ne correspondait pas vraiment à l’univers de son combo. Alors, que faire ? Simple, penser pour la première fois se lancer sous son propre nom, et assumer seul ou presque l’instrumentation. Aidé en cela par quelques percussionnistes bien connus de son entourage direct (Ben Koller, Chris Pennie et Chris Hornbrook), Greg a donc accusé réception de son aptitude à enregistrer le reste des instruments seul pour proposer à son public quelque chose de différent, mais résumant à merveille son parcours musical depuis sa découverte au début des années 2000. Dès lors, inutile de vous attendre à une resucée de DILLINGER ou à une simple extension de THE BLACK QUEEN, Child Soldier : Creator Of God est bien un album de Greg sous son nom, et offre une diversité de ton assez conséquente, l’auteur ne s’étant pas préoccupé d’une quelconque homogénéité de styles.
Avec plus de soixante minutes au compteur, cette première escapade est riche, et vous aurez de quoi vous amuser pendant quelques temps en le disséquant. On retrouve Greg au meilleur de son inspiration, peut-être parfois un peu complaisant, mais jamais à dessein. Sa musique sur cet album revêt différents atours, de la délicatesse d’une électronique travaillée à la rudesse d’un Hardcore pas vraiment Math, mais hyper violent, en passant par des hybridations plus surprenantes qui ne sont pas sans rappeler une association entre Trent Reznor et DEPECHE MODE, comme le prouve l’évanescent mais Heavy « Fireflies ». Conscient que de produire sous son propre nom lui permettait toutes les libertés, mais lucide aussi sur le fait que son propre nom est justement associé à des groupes admirés par le public et représentant des modèles pour la société musicale, Greg a donc trouvé le compromis parfait, sans en faire. Sa personnalité seule s’est chargée de la cohérence du projet, ce qui lui permet d’éviter les comparaisons trop directes qui lui auraient coûté des reproches formels. Et comme un pied de nez extraordinaire, le LP commence sur une ballade acoustique d’une pureté absolue, sur laquelle la voix de Greg sonne claire et sincère, un peu fragile, avec toujours ce falsetto qui a fait sa marque de fabrique sur les morceaux les plus Ambient de DEP (« Heavy Of Stone »). Pour enfoncer le clou, l’artiste continue avec une sorte d’hommage à Tricky et lâche le dansant « Creator Of God », et alors qu’on se dit que cette première œuvre fuit la violence comme le monde son salut, « Fire For Water » sonne l’alarme Hardcore avec sa dissonance irritante, permettant enfin à la guitare de reprendre ses droits, et à la voix de Greg de retrouver ses impulsions les plus animales.
Soyons clair, cet album est une sorte de fourre-tout génial qui a permis à PUCIATO de sortir ses tripes et mettre son âme de musicien à nu. Lorsqu’il singe la nonchalance électrique des années 90, il reste crédible, comme s’il découvrait les L7, les SMASHING PUMPKINS, et les AFGHAN WHIGS (« Deep Set »). Lorsqu’il s’emballe Rock, il nous largue un up-tempo à donner des puces aux RAMONES (« Down When I’m Not »). Lorsqu’il décide de proposer un mantra universel pour apaiser les tensions internes et trouver la paix, il module, chante comme sous Xanax, mais développe des mélodies prenantes (« You Know I Do »). Et une fois l’album envisagé dans sa globalité, sa longueur n’a plus de quoi étonner. Il fallait que Greg sorte ce qu’il avait en lui depuis longtemps, sans avoir à coller à l’éthique d’un collectif particulier. Cette fois-ci, le collectif, c’est lui, et lui seul, et sa pudeur n’a d’égal que son talent pour transcender des approches classiques et les transformer en aveux harmoniques (« Through The Walls »). Beaucoup se désespèreront de la tendance paisible de cet album, même si la violence couve souvent sous la douceur apparente, comme un volcan prêt à exploser. Beaucoup se demanderont ce qui a pu passer par la tête de Greg pour qu’il ose « A Pair Of Questions », qui ressemble à une retraite méditative de Devin Townsend en Californie des années 80. Beaucoup déploreront que les fulgurances Hardcore soient aussi absentes. Beaucoup rageront de la copie presque trop fidèle du NIN des années 90 de « Evacuation ». Beaucoup. Mais les plus ouverts s’enthousiasmeront pour cet album différent, qui place Greg dans une situation idéale, celle du chanteur de vous-savez-quel-groupe-monstrueux qui maintenant fait ce qu’il veut.
J’ai beaucoup aimé pour ma part, même si de nombreuses écoutes ne m’ont pas encore révélé tous ses secrets. J’ai beaucoup aimé cette sincérité, cette honnêteté de ton, et surtout, ces chansons si différentes, mais appartenant toutes à la même âme. Chacun sa sensibilité, mais je tiens à te remercier Greg de nous avoir offert un album sincère qui reflète ce que tu es, en partie, et ce que tu aimes.
Titres de l’album:
01. Heavy Of Stone
02. Creator Of God
03. Fire For Water
04. Deep Set
05. Temporary Object
06. Fireflies
07. Do You Need Me To Remind You?
08. Roach Hiss
09. Down When I’m Not
10. You Know I Do
11. Through The Walls
12. A Pair Of Questions
13. Evacuation
14. Heartfree
15. September City
J'aime beaucoup DEP. Ces deux morceaux n'y ressemblent pas, mais me donnent envie d'écouter l'album au complet.
Je tombe sur la chronique et ce visuel de groupe intrigant. Cette nouvelle offrande est franchement pas mal, à confirmer avec plus d'écoutes.
01/04/2025, 15:21
On en parle des groupes qui tournent en Israël ? (Comment ça, je trolle ?)Alors, pour moi [qui suis à 200% pro-ukrainien pour ce qui concerne le conflit actuel et 0% russophobe (je considère qu'il y a une différence entre la Russie et la Russie de Pout(...)
31/03/2025, 21:24
Bon...Je viens de me bouffer à peu près la première moitié de leur discographie là...Comme dirait le penseur, cela m'en touche une sans faire bouger l'autre.J'aurai essayé ma foi... ... ...
31/03/2025, 09:08
Quand je vois certains commentaires ici, on mesure à quel point la France (et pas que) est gangréné par les idiots utiles de la Russie. J'aimerais bien vous y voir si ce dégénéré de Poutine avait envahi la France : comment l'auriez-vous j(...)
31/03/2025, 08:54
Je n'avais pas été vraiment convaincu par l'album précédent, trop gonflé aux hormones inutilement, là ça respire, ça pue le old-school à plein nez, ça sent l'achat !
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On va peut-être vous ouvrir un sujet "La Géopolitique vue de ma fenêtre" dans le forum, ça pourrait vous être utile parce que je ne suis pas certain que ça passionne tout le monde tout cela....En tout cas, étant donné qu'il y(...)
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28/03/2025, 09:03
"Oui, comme nous en France en 1914 quand nous voulions récupérer l'Alsace et la Lorraine. Rien de choquant pour moi."Ouais, rien de choquant. Cet idiot utile de Zelensky avait juste faite sa campagne en faveur de la paix.
27/03/2025, 20:46
"Poutine ne s'est pas levé un matin en se demandant ce qu'il pouvait faire ce jour-là, puis a décidé que d'envahir l'Ukraine, ce serait marrant"Ça c'est une certitude, pour Poutine l'Ukraine c'est la Russie. Po(...)
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Et l'Ukraine n'a pas respecté les accords de Minsk, Zelensky déclarant même vouloir récupérer le Dombass par n'importe quel moyen.C'est un peu plus compliqué que les Russes ont envahi l'Ukraine (Poutine ne s'est pas lev(...)
27/03/2025, 19:36
Génocide ou pas, il y a un pays qui en a envahit un autre (du moins il essai hu hu). Point barre. C'est pas plus compliqué que ça. Si on cherche à justifier ou excuser ça, le monde va devenir un enfer total (plus qu'il ne l&apos(...)
27/03/2025, 16:49
Je ne vois pas pourquoi les fans Russes du groupe devraient pâtir de la politique de POUTINE et être privés de les voir en live. La prochaine étape c'est quoi ? obliger tous les groupes à arborer un drapeau ukrainien ?
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27/03/2025, 06:02
Il me semble que lorsqu'on parle de “désukrainiser” l'Ukraine on est pas loin d'une logique génocidaire.Après mon jugement est peut-être influencé par les massacres de Boutcha ou la déportation de dizaines de milliers d&ap(...)
26/03/2025, 20:47