Attaquons-nous à l’un des monuments de l’underground US, sans complexe ni impolitesse. Depuis les mid eighties, DECEASED incarne la seconde ligne de violence américaine, celle qui n’a jamais vraiment été reconnue à sa juste valeur, mais qui incarne celles d’intégrité et de non-compromission. D’autant que les originaires d’Arlington n’ont jamais vraiment levé le pied, publiant une bonne quantité d’œuvres savoureuses, accélérant même le rythme ces dernières années. Quatre longue-durée en six ans, c’est une sacrée moyenne pour des vétérans, et ce dernier-né, aussi méchant et vicieux que les précédents garde la même ligne de conduite, et respecte les mêmes obsessions : marquer les esprits, mais pas uniquement par la violence.
Agencé comme un film ou un concept album (ce qu’il est d’ailleurs), Children of the Morgue se présente en premier lieu sous une magnifique pochette parfaitement en accord avec son thème. Titillant l’heure de jeu, il ose une fois de plus des morceaux étirés au maximum, simplement séparés de quelques astuces transitoires qui ont le don de le rendre encore plus passionnant. Et une fois encore, le quintet nous heurte de plein fouet en jouant sur nos sentiments les plus masochistes.
DECEASED a toujours été l’élève le plus dur à placer dans la salle de classe délabrée. Death évidemment, mais aussi à l’aise dans le Thrash accrocheur et le Heavy majeur, le groupe a toujours refusé de se voir cloisonné à une discipline, et continue en 2024 d’alterner les humeurs et les ambiances. Mon vieux pote Kingsley "King" Fowley (un homme tout à fait charmant ceci dit en passant) reste toujours aussi modeste et refuse de se reposer sur ses lauriers, pourtant chèrement acquis. Il déclare très simplement à propos de ce nouvel album :
There will be fast parts, slow parts, melodic parts, noisy parts, and everything in between.
Et en effet, tout est dit. Mais évidemment, les choses vont un petit peu plus loin que ça, puisque la science exacte de composition du groupe a atteint une sorte de maturation dans l’excès, qui renforce les passages catchy, débride les envolées rythmiques, et confère un vrai parfum de folie à l’ensemble. Pourtant, avec un thème aussi généraliste et peu propice que la mort, difficile de jouer la sérénade, même aux psychopathes les plus cramés.
Mais « Children of the Morgue » donne le la 666hz, et condense en un peu moins de huit minutes toutes les idées formulées par le groupe depuis ses débuts. Ce Crossover global, qui embrasse toutes les tendances en vogue lors des primes années du groupe, mais qui regarde aussi vers le présent et l’avenir pour ne pas oser une resucée un peu trop facile. Et ce nouveau-né, promis à une mort certaine et rapide tient un discours qui tient plus de la pensée fataliste que du babillage de nourrisson un peu trop gai. Les guitares de Mike Smith et Shane Fuegel se montrent toujours aussi inventives, parcourant le répertoire classique du Death n’Thrash US avec beaucoup de zèle, pour mieux imprimer aux morceaux un filigrane personnel.
La voix de King, rauque et investie est toujours ce point central de focalisation que nous aimons depuis si longtemps. Capable de rendre encore plus vilains les titres agressifs et de transformer les plus lents en procession funèbre sans spectateurs, elle sublime ce tracklisting impeccable, qui raconte son histoire alors que nous continuons la nôtre.
Rythmiquement varié, mélodiquement amer, Children of the Morgue est une plongée dans les abysses d’une fin de vie inévitable. On passe sans transition de la découverte du corps sans vie jusqu’à sa mise en terre, en passant par le drainage des liquides internes et la préparation du corps via une thanatopraxie minimaliste pour ne pas effacer les traits familiers.
Le meilleur morceau pour observer ce long processus est indéniablement le terrifiant « The Grave Digger ». Le point de vue du préparateur de sépulture, avec sa pelle sur les épaules et son détachement quant à la tristesse familiale nous ramène à l’essence même du Death Metal joué Thrash. Beaucoup de plans, des bifurcations, une pause pour poser la pelle et casser une croûte, des mélodies qui évoquent une légère compassion, et un bilan global bien rond. De la terre à la terre, de la poussière à la poussière, des cendres aux cendres, et de la naissance à la mort, un sacré voyage parfois difficile, mais inestimable.
Comme la musique de DECEASED.
Children of the Morgue est un disque fascinant, entre colère, deuil, et réveil des morts dans un univers parallèle, existant ou fantasmé. Le quintet a une fois encore fait preuve de beaucoup de lucidité dans la diversité, pour nous offrir un album passionnant, en immersion totale, durant une nuit très opaque. On se prendrait même pour un employé des pompes-funèbres aimant faire correctement son travail pour honorer la mémoire du défunt. Mais un employé un peu étrange, à la sueur qui perle dès la perception d’effluves morbides, et aux mains qui tremblent au moment de brancher les machines. Un employé qui aurait un casque vissé sur les oreilles, diffusant un « Eerie Wavelengths » monstrueux et efficace, qui stimulerait la pire des feignasses à atteindre la perfection dans sa tâche.
Opulent, exhaustif, Children of the Morgue est une part importante du patrimoine des américains. Un album qui se range dans le haut du panier, et qui se veut allusif à toute une carrière. Une carrière perméable aux influences plus Punk (« Fed to Mother Earth »), mais une carrière ambitieuse, vouée aux arrangements idoines et aux réflexes conditionnés. Ainsi, le final « Farewell (Taken to Forever) » agite la main pour un dernier au-revoir au regretté, le tout sur Thrash/Death supersonique, qui digresse rapidement, et qui ne parle jamais pour rien dire.
DECEASED.
On pourrait s’arrêter à ce nom légendaire qui parle pour lui-même. Et c’est exactement ce que je vais faire.
Titres de l’album :
01. Destination: Morgue
02. Children of the Morgue
03. Turn to Wither
04. Terrornaut
05. The Reaper Is Nesting
06. Uninvited Dirge
07. The Grave Digger
08. Eerie Wavelengths
09. Fed to Mother Earth
10. Skull with the Vacant Stare
11. Brooding Lament
12. Farewell (Taken to Forever)
Sans doute pas leur meilleur album mais du très bon quand même !
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