On ne peut pas dire que les texans de PORTRAYAL OF GUILT nous lèsent. D’ailleurs, il n’y a aucune culpabilité à ressentir lorsqu’on produit trois formats en une seule année, même si l’un deux - un split en compagnie des CHAT PILE - peut s’apparenter à de la simple récréation en occupation de terrain. Depuis leur création il y a quatre ans par le guitariste/chanteur Matt King, le bassiste Blake Given et le batteur James Beveridge, PORTRAYAL OF GUILT n’a pas vraiment chômé, mais a laissé quelques auditeurs et journalistes interloqués. Quelle est donc cette musique maladive que le combo d’Austin pratique, en convergence des genres, et qui déclenche des réactions assez épidermiques chez les auditeurs ayant la malchance de poser leurs oreilles dessus ? Pour Wikipedia, le groupe texan s’affilie au Black Metal, au Grindcore, au Post-Hardcore, au Screamo, et en mélangeant ces données, vous ne serez pas loin de la vérité. La vérité, la seule, c’est que cette musique est unique, viscérale, noire comme du charbon, méchante comme une teigne, et résignée comme un poivrot dont le front affronte encore une fois le trottoir...
Entre NAILS, ACID BATH, PRIMITIVE MAN, la vague NOLA la plus nauséeuse, un traumatisme crânien suite à une agression, Phil Anselmo et ses illégaux, CEREBRAL FIX après une cure de mauvais acide, une gastro-entérite maculant la porcelaine des toilettes de fèces et de sang, et une migraine après avoir subi les assauts répétés d’un obscur groupe de BM norvégien à l’éthique d’enregistrement bloquée sur le magnétophone à cassettes, PORTRAYAL OF GUILT se veut le porte-parole d’une époque tendue, à l’espoir anémié par la réalité, et nous brosse pour la seconde fois en une année un tableau assez peu réjouissant de l’état du monde et du stress engendré par la paranoïa et la peur. Quelques mois après le déjà traumatique We Are Always Alone au message plutôt clair, Christfucker se propose de faire la jonction entre GODFLESH et la fin du monde.
Dès l’intro assourdissante et dissonante, les choses sont mises au point, et le propos imposé sans ambages. PORTRAYAL OF GUILT n’a pas l’intention de vous laisser dans votre zone de confort, et a bien l’intention de vous trimbaler dans les couloirs les plus répugnants de l’underground américain. Assez proche de ce que le BM US le plus expérimental et porté sur l’Indus peut produire de plus radical et anti-musical, ce troisième album des texans est une ode à la cruauté, mais aussi au réalisme de temps qui n’ont guère celui de panser les plaies. Entre Hardcore moderne cédant sous les coups de boutoir d’un Black/Grind vraiment féroce et charbonneux, Sludge maladif aux tripes bouchées par la haine, NOLA moins southern et plus Boston, Christfucker règle son compte à la religion, aux idéaux, et se contente de fouler du pied toutes les règles de musicalité existantes, tout en faisant preuve d’un bel esprit d’initiative en matière de composition.
Produit par Ben Greenberg, masterisé par Ted Jensen et décoré d’un artwork signé Matt King lui-même, Christfucker est en quelque sorte l’abomination artistique qu’on est en droit d’attendre du Hardcore moderne. Celui qui a tourné le dos aux dogmes initiaux et qui se montre perméable à tous les courants les plus extrêmes du moment. C’est ainsi que ce nouvel album passe par toutes les teintes et ambiances, osant parfois des breaks ludiques assez incongrus, pour mieux relancer la machine d’un énorme riff fatigué que le pire groupe de Doom n’oserait recycler encore une fois. Et pourtant, la sauce prend, comme un conte horrifique qui en rajoute dans les détails glauques et Gore, mais dont la trame reste assez solide pour captiver l’attention. Alors peu importe que personne n’y retrouve ses petits en termes de classification, puisque le but est justement de dérouter l’auditeur et de le mettre mal à l’aise. Et dès « The Sixth Circle », on est happé dans une autre dimension, en noir et blanc, qui aime les ténèbres et les rais de lumière aveuglants, l’absence de repères, et finalement, une certaine forme de folie contemporaine.
Je suis conscient que mon boulot est de décrire cet album pour que vous puissiez vous y intéresser ou non. Simplement, la donne est parfois si complexe qu’on préfère ne pas trop en dévoiler pour que l’horreur de la situation reste aussi grande que la surprise de la découverte. Sachez que même découpé en courts tronçons de moins de trois minutes, l’impact de PORTRAYAL OF GUILT n’en est pas moins efficace et puissant, comme le prouve le terrible et damné « Dirge », purge pour l’âme, ou « Master/Slave » et son mid tempo souffreteux et son chant à l’agonie.
On pourrait même dire que l’ignoble « where the suffering never ends » résume à la perfection la démarche de ces sadiques. A la manière de BILE sans le côté Electro, des FETISH 69 sans les itérations industrielles, de certains produits Sentient Ruin sans la méchanceté gratuite, Christfucker, loin d’être un blasphème, et un constat assez alarmant sur notre époque et son manque total de perspectives, mais surtout, un magnifique crossover malsain qui exige de capitonner les murs pour éviter de s’y fracasser la tête de désespoir.
Titres de l’album:
01. Intro to CHRISTFUCKER
02. The Sixth Circle
03. Sadist
04. Fall from Grace
05. Dirge
06. Bed of Ash
07. The Crucifixion
08. Master/Slave
09. ...Where the Suffering Never Ends
10. Possession
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21/11/2024, 08:46
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