Steven Wilson seul, c’est déjà du génie. On le sait depuis son départ de PORCUPINE TREE à l’orée des années 2010, et chacun de ses albums studio est venu apporter sa pierre au culte de ce guitariste/compositeur/chanteur/auteur/alchimiste. On se demande même ce que le bonhomme n’est pas capable de faire, tant sa facilité déconcertante à pondre des mélodies insérées crème dans une structure évolutive semble n’admettre aucune limite. Mais admettons que l’on remette les choses dans leur contexte, et que ce génie revienne dans le giron de sa famille d’origine pour nous offrir un nouvel album que personne n’attendait plus depuis 10 ans. Sacré fantasme n’est-ce pas ? Un retour de PORCUPINE TREE parmi les vivants est un rêve que caressaient tous les fans de ce groupe à part, et les années passant, ce rêve a cru pouvoir devenir réalité via les déclarations des musiciens, qui ne fermaient aucune porte. Carrière solo, COVID, tout n’a pas été facile, mais ce rêve s’est finalement transformé en nouvel album sept titres, peut-être le plus humble artistiquement de la carrière des anglais, mais aussi l’un des plus purs et des plus beaux.
Steven l’a dit lui-même. Si le groupe n’avait rien eu de neuf à dire, Closure / Continuation n’aurait jamais vu le jour, surtout pas comme un exercice de style ou un accès de nostalgie. Le titre lui-même se réfère à la position du trio actuellement, sans savoir quel chemin va être suivi dans un avenir proche. La fin ou la continuité, mais il n’est pas nécessaire d’avoir la réponse à cette question pour apprécier ce nouveau monument qui fait suite à The Incident, estampillé 2009, avant que Wilson et ses lunettes ne se sentent pousser des ailes individuelles.
Aujourd’hui, via Music for Nations, Closure / Continuation clôture les comptes avant nouvel investissement. Il permet aussi à Wilson de se reposer sur les épaules de ses comparses, puisque pour la première fois, la composition s’est voulue collective et non individuelle, laissant Wilson poser son sac de démos à l’entrée du studio. Trois hommes qui participent à l’aventure, un groupe donc beaucoup plus soudé, pour une musique qui dès ses premières mesures renvoie à l’histoire d’un trio hors du commun. La technique a été très libre, Wilson ramassant une basse qui traînait pour jammer pendant des heures avec Gavin Harrison, avant que tous ne repartent suivre leur propre chemin, travaillant par intermittence entre deux projets solo, pour peaufiner, inventer, improviser jusqu’à ce que les morceaux prennent vraiment forme, formant de fait une étrange symphonie à l’unité retrouvée.
Beaucoup de ces nouveaux morceaux existent depuis The Incident. Ils trainaient d’ailleurs sur le disque dur d’un ordinateur, avec des appellations anonymes comme « PT2018, PT2015 », avant de prendre leur forme finale à force d’interprétation et d’arrangements. Un seul mot d’ordre avant d’aller plus en avant et de proposer un produit fini. Gommer les influences Metal le plus possible, Steven ne pouvant plus supporter l’agressivité inhérente au Heavy, et désirant explorer des horizons plus calmes, sans tomber dans la Pop de son ultime effort solo. Mais on ressent parfois cette envie d’adoucissement, et de retour aux bases de Canterburry, lorsque les premières mesures de « Dignity » s’évaporent dans l’air comme des volutes de plaisir profitant d’un été pastoral. On pense à YES, GENESIS, mais aussi Steve Morse, BIG HOGG, et même un PINK FLOYD moderne reprenant à son compte les feuillets de RENAISSANCE dans une version plus actuelle.
A la manière d’un TOOL relevant les compteurs en survolant sa propre carrière, PORCUPINE TREE regarde en arrière non pour se propulser vers l’avant, mais pour profiter de l’instant présent, savourer cette musique superbe composée à plusieurs, et si les claviers de Richard Barbieri allègent admirablement bien l’axe puissant Wilson/Harrison comme Richard Wright servait de négociateur entre les obsessions paranoïaques de Waters et les évasions stellaires de Gilmour, les morceaux n’en possèdent pas moins cette puissance incroyable dans la tranquillité qui a toujours animé le groupe depuis ses débuts.
Plusieurs singles ont été lâchés pour annoncer l’album, mais aucun de ces morceaux n’est radio friendly, bien au contraire. Trop longs, débarrassés de gimmicks putassiers, et trop classe pour se mouvoir sur les ondes comme des apéritifs commerciaux vulgaires. « Harridan » par exemple, laisse une énorme basse slappée et coulée présenter l’album aux fans, en toute polyrythmie avec ces mesures impaires diaboliques et ce delay de guitare en arrière-plan. Avec un chant en retrait et traité comme une voix venue de nulle part, ce titre introductif fait le lien entre hier et aujourd’hui, mais ne parle pas de demain, tout comme l’album ne parle pas d’un concept unique pour se focaliser sur des idées individuelles, comme le deuil, les évènements surnaturels de Skinwalker Ranch (qui a inspiré un excellent found-footage du même nom, ainsi qu’un documentaire en plusieurs parties), la paranoïa et la violence de notre société moderne, mais aussi la lâcheté des politiques qui s’en collent plein les fouilles avant que la fin du capitalisme ne les enterre.
Auberge espagnole très bien rangée aux chambres impeccables, Closure / Continuation est effectivement plus apaisé que n’importe quel album de PT. Seuls quelques morceaux osent la distorsion à outrance, certains se passant même de l’instrument roi. « Of The New Day » ne tolère par exemple qu’une acoustique pure avant d’accepter une distorsion raisonnable, alors que le très zen « Walk The Plank » ne supporte qu’une basse ronde et des arrangements de claviers ludiques.
« Chimera’s Wreck », la clôture gigantesque, revient dans le cœur de Wilson chercher des traces de ressentiment après la perte de son père. Morceau triste et contemplatif par excellence, il incarne l’épilogue rêvé d’un album qui justement passe comme dans un rêve, laissant une sensation de plénitude nous embrumer les yeux. L’émotion de retrouver un groupe essentiel au sommet de sa forme, aussi impressionnant qu’il n’a toujours été humble. Car finalement, le TREE n’a jamais enregistré d’albums progressifs avec la volonté de le faire. Nous les avons catalogués dans le genre parce que nous aimons qu’ils y appartiennent, mais en écoutant ce sublime de fragilité Closure / Continuation, on se rend compte que le genre est trop cloisonné pour emprisonner une inspiration aussi vaste.
Objectivement, évidemment, ce nouvel album ne défriche aucune terre nouvelle, pas plus qu’il ne découvre de nouveaux rivages. Il se contente de traverser une mer d’une dizaine d’années à sa vitesse, pour arriver à bon port dans les tympans de fans qui seront tout simplement heureux. Et à l’image cette pochette qui singe quelques astuces graphiques du David Bowie des années 2010, Closure / Continuation ferme des portes, et en ouvre de nouvelles. Quant à savoir si les loquets seront culbutés pour aller de l’avant, ou si le groupe se contentera de rester sur les canapés rouges de la loge, seul l’avenir que personne ne connait peut le savoir.
Mais il n’est nul besoin de savoir pour ressentir.
Titres de l’album :
01. Harridan
02. Of The New Day
03. Rats Return
04. Dignity
05. Herd Culling
06. Walk The Plank
07. Chimera’s Wreck
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