On parle souvent des groupes de Hard Rock, de Glam et de Sleaze qui furent condamnés sur l’autel du Grunge et salement lâchés par leurs labels, et ayant finalement rendu les armes.
Mais on aborde plus rarement le cas de ceux qui se sont accroché au point de ne jamais décrocher, continuant de jouer leur musique sans se soucier de leur pseudo crédibilité ou de chiffres de vente quelconques.
Ainsi, les ENUFF Z'NUFF de Chip et Donnie, n’ont jamais raccroché leur Hard Pop sur la patère de l’Alternatif, et ont continué leur route, traversant les nineties puis les années 2000 sans trop se poser de questions inutiles, produisant toujours de très bons albums aux hits potentiels si MTV n’avait pas la mémoire aussi courte.
Mais heureusement pour eux, la fidélité de leur fanbase n’a jamais été remise en cause, ce qui permet au groupe d’être toujours présent en 2016 sans interruption de plan de carrière, avec toutefois quelques ajustements…
On le sait, depuis 2013, le ENUFF Z'NUFF historique ne gravite plus qu’autour de Chip Z'Nuff, légendaire bassiste depuis le départ de Donnie Vie juste avant l’album Covered In Gold.
Le line-up des rois du Pop Sleaze est donc complètement renouvelé, avec deux nouveaux membres et le retour de Tory Stoffregen à la lead, mais en fait, cette formation ne nous intéresse pas vraiment dans ce cas précis, puisque ce quatorzième album officiel nous replonge dans une époque passée, lorsque le quatuor était toujours constitué de Donnie, Chip, Derek et Vikki, et s’apprêtait à déverser sur le monde des tonnes de bubble-gum et de paillettes Glam.
Car oui, Clowns Lounge (du nom d’un club de strip-tease fréquenté à l’époque par le groupe) n’est rien de plus qu’une compilation, mais pas de celles qui assemblent les hits du passé histoire de remettre un combo sur les rails ou d’engranger quelques brouzoufs.
Non, en l’état, Clowns Lounge est un morceau d’histoire, celle des débuts, lorsque les NUFF composaient comme des fous pour préparer les démos de ce qui devait devenir leur premier album éponyme.
Nous découvrons donc avec ces douze morceaux qui sont aussi nostalgiques qu’ancrés dans le présent, et qui finalement, lient le passé du groupe avec son avenir, un album diablement intéressant dans le fond, mais aussi dans la forme. Chip présente d’ailleurs l’affaire en ces mots :
« Donnie et moi avons composé ces morceaux ensemble, comme nous l’avons toujours fait sur tous nos albums. Tout ça date de 88/89, nous enregistrions au Lac Geneva, dans le Wisconsin, sur un vieux magnéto, pendant nos débuts. Ces morceaux n’ont jamais été terminés, nous étions très prolifiques et nous voulions enregistrer le plus d’idées possible. Grâce aux moyens dont nous disposions à l’époque – un studio d’enregistrement, une production – nous avions vraiment beaucoup d’idées, et pour une raison ou une autre, ces morceaux sont passés à la trappe ».
Du coup, Chip a décidé de retravailler ces morceaux dans son studio, ainsi qu’à ceux du Chicago Recording Company et du Stonecutter de Chicago, en gardant la trame d’origine pour l’adapter aux impératifs contemporains du NUFF d’aujourd’hui.
En résulte un assemblage assez homogène dans le son, mais résolument hétérogène dans la qualité. Puisque vous devez bien vous douter que si ces morceaux n’ont à l’époque pas passé les tests de qualité, il y avait une raison valable, que nous découvrons en 2016 au travers de pistes qui auraient pu devenir des classiques du groupes, tandis que d’autres sonnent vraiment comme des leftovers qui ont bien fait de le rester il y a presque trente ans.
La surprise du disque, c’est évidemment de retrouver ce titre Arlésienne, « Devil Of Shakespeare », dont les fans les plus hardcore commençaient à se demander s’il existait vraiment…Il s’agissait en effet selon les rumeurs du dernier titre enregistré par le regretté Jani Lane juste avant son décès, que nous découvrons enfin ici, et j’avoue qu’il eut été dommage de ne pas pouvoir en profiter, tant il représente vraiment le pinacle de ce Clowns Lounge, par ailleurs parfois relativement anecdotique. Très lourd et à l’emphase Heavy dramatique, sa portée émotionnelle est encore plus forte eut égard au contexte participatif de l’ancien WARRANT, et ses intonations lacrymales et bluesy marquent les esprits et le cœur, et correspondent très bien au contexte entourant son enregistrement.
Le reste ?
Du dispensable, du très dispensable, mais aussi des titres que l’on retrouvera un peu plus tard sous une forme différente ou plus aboutie, mais aussi un inédit, « Dog On a Bone », récemment enregistré avec Chip au chant, qui présente le nouveau visage du NUFF 2016.
Mais il est toujours plaisant de découvrir pour la énième fois ce superbe mélange de Rock teigneux, de Hard Rock délirant et de Pop festive, et cette tranche de vie passée remise au goût du jour saura satisfaire tous les aficionados de ce groupe si décalé, sorte de CHEAP TRICK des nineties.
D’ailleurs, Chip ne s’est pas moqué de ses fans, et ne s’est pas contenté de dépoussiérer à la hâte de vieux fonds de tiroir à peine remasterisés pour l’occasion, mais a accompli un vrai lifting qui offre à ces chansons tout le relief qu’elles méritent, et impossible de résister à l’enthousiasme mélodique de pépites comme « Back In Time »,
« She Makes It Harder » et ses allusions finaudes, « Radio » et sa patine alternative sur fond de riffs Pop-Punk, ou du bondissant « Backstreet Kids » qui déroule sur fond de chœurs juvéniles exubérants.
Evidemment, d’autres interventions auraient sans doute dû rester dans l’ombre, mais difficile de se montrer difficile justement, puisque l’ensemble de l’album passe très bien la rampe, même si le son moderne est un peu trop standard eut égard à l’authenticité brute des démos retrouvées.
Mais inutile de faire la fine bouche, et il est tout à fait permis de s’éclater au son exalté de « Round and Round », l’un des plus Heavy du lot, ou de reprendre en cœur le psychédélique « Rockabye Dreamland », annonciateur d’un premier album éponyme que personne n’a pu oublier.
En définitive, et en forme de conclusion, j’affirme que Chip a eu raison de se plonger dans son glorieux passé pour se focaliser sur son présent. Grace à Clowns Lounge, on a vraiment le sentiment de redécouvrir un groupe que l’on pensait connaître par cœur, qui tout en se rapprochant de ses origines, affirme qu’il est toujours aussi pertinent des années plus tard.
L’avenir nous dira si ENUFF Z'NUFF perdurera dans son esprit d’origine avec le seul Chip aux commandes, mais en attendant la suite, cette compilation de souvenirs a de quoi vous faire patienter en toute quiétude.
« Quand Peter Gabriel a quitté GENESIS, Phil Collins s’est chargé du chant. C’est exactement le modèle que nous allons suivre, puisque je deviens le frontman du groupe, et que je souhaite le faire entrer de plain-pied dans l’avenir »
Le temps nous dira si ce parallèle osé porte chance à Chip et ses troupes. Mais c’est tout le mal qu’on puisse leur souhaiter.
Titres de l'album;
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