Il est d’usage de considérer les albums de b-sides, de raretés et autres inédits comme une jolie façon de racler les fonds de tiroir histoire de capitaliser, de temporiser, et de sustenter les fans à moindre frais. Et si cette maxime se vérifie presque systématiquement dans le cas de groupes établis, il n’en va pas de même avec ceux ayant un minimum d’intégrité, ou osons le mot, de génie. Il arrive que parfois, l’exercice se transforme en démonstration éclatante, et que l’amateur se voit satisfait au-delà de ses exigences les plus pointues, mais le cas de figure est rare…après tout, en en toute logique, lorsqu’un combo laisse des compos de côté, il y a une bonne raison à cela. Mais ce genre de considération ne fait pas loi lorsque le dit groupe est tellement productif qu’il n’a pas le recul nécessaire pour juger de la pertinence de certaines créations, à chaud, et qu’il oublie sur la table de mixage des instants de créativité pure…Tout ceci pour dire quoi au juste ? Que le principe est dans le meilleur des cas une façon de gagner du temps, en nous offrant une ou deux perles perdues dans une bourriche d’huîtres grasses ? Que dans le pire des cas, il peut toujours faire office de remplissage dans une étagère à la régularité indispensable ? Oui, d’une part, mais autre chose, de plus important.
NAPALM DEATH.
Péremptoire, mais pas tant que ça. Réfléchissez-y. Si le groupe lui-même s’étonne d’être devenu ce qu’il est, à savoir le plus grand des plus légendaires exemples de l’extrême mondial, c’est que la question, et l’affirmation sont d’importance. Après tout, qui aurait cru il y a plus de trente ans après avoir tendu l’oreille déjà handicapée sur Scum, que cette assemblée d’olibrius bruitistes allait devenir la machine de guerre la mieux huilée du Hardcore, sans jamais se renier, sans jamais ralentir le rythme, ni laisser la mort lui barrer le chemin ? Pas grand monde, et surtout pas la presse, qui n’y voyait là qu’une exagération de plus à ajouter au passif d’un pays qui n’avait jamais hésité à réclamer la paternité de toutes les plus grandes avancées artistiques du vingtième siècle, en termes de musique moderne. Alors, oui, aujourd’hui, NAPALM DEATH est une institution, mais pas pour rien, pas juste pour l’honneur et l’horreur, pas juste à cause des lyrics engagés de Barney ni des paroles enragées de Shane, parce que depuis des décennies, ils produisent la musique la plus efficace et pertinente que l’extrême ait pu un jour fantasmer, au détour d’un blast beat bien amené. Alors, le coup de la compile, les originaires de Birmingham nous l’ont déjà fait. Plusieurs fois, et celui du live aussi. Pas toujours à bon escient, mais ça n’a pas toujours été de leur faute non plus. Alors, lorsque Century Media annonça l’année dernière la publication d’une double compilation de raretés, l’heure n’était pas à l’hésitation. Et lorsque le label précisa que la période couverte relierait 2004 à 2016, l’heure n’était pas à la tergiversation. Et pour une bonne raison, puisque cette période balise le terrain le plus fertile recouvert par les anglais depuis leur reconversion au Crust/Grind le plus assassin, celui des SIEGE, des DISCHARGE, de REPULSION, et de l’école suédoise qui leur a habilement emboîté le pas. Et rien que de se replonger dans la discographie concernée donne le tournis. The Code Is Red…Long Live The Code, Smear Campaign, Time Waits For No Slave, Utilitarian, Apex Predator, soit la quintessence d’un art séculaire consistant à bousculer les idées reçues voulant qu’un groupe vieillissant ne puisse plus trouver les forces nécessaires pour avancer. Mais NAPALM ne s’est jamais arrêté, et là où ses adversaires progressaient à pas prudents, eux, traçaient à pas de géant, ne se souciant de rien ni de personne. Apex Predator en témoignait, après tant d’années passées sur la route, Barney et les siens sonnaient encore plus frais que sur Hatred Surge, qui annonçait pourtant tous les débordements à venir. Question de classe, et de foi…
Alors finalement, quid de ce terrifiant package Coded Smears And More Uncommon Slurs à la pochette peu amène ? Des surprises, de l’inédit, de quoi se taper la tête contre les murs en se sentant maudit ? Oui, tout ça, plus encore, et des vœux et rêves exaucés jusqu’à la Noël 2020. Un double CD rempli à ras-bords de morceaux inconnus, difficilement trouvables, de faces B, de versions trafiquées, et surtout, de rage, de colère, de ressentiment, et une question qui reste en suspens. Quel autre groupe peut se targuer d’avoir abandonné des pistes aussi chargées, au moment de peaufiner le tracklisting d’albums déjà célébrés ? Aucun sans doute, mais le résultat nous laisse hébétés…Car sans être un nouvel album des héros anglais, ce que Coded Smears n’est assurément pas, il n’en est pas pour autant une pause dans l’espace-temps, et fait encore avancer la cause des chevaliers agacés. Difficile de croire que la somme de travail présentée ici n’est constituée que de chutes de studio, tant la charge est lourde, et le propos costaud. Ces inédits tiennent la plupart du temps la dragée haute aux morceaux officiels, et se permettent même parfois d’être de meilleure qualité, et rien que le fait de réaliser qu’une rouste du calibre de « An Extract (Strip It Clean) » a été considérée à l’époque par le quatuor comme tout juste bonne à figurer sur une anthologie des bas-côtés en dit long sur le potentiel de ces félons. Félons, mais félins, plus rapides que la moyenne, car avec un tracklisting de trente-et-une salves pour une durée de quatre-vingt-dix minutes, ce LP passe comme dans une rixe en plein Brighton, et laisse exsangue, le souffle coupé, et la morgue renfermée. Difficile d’en extirper des exemples à mettre en avant de la non-logique, puisque chacun des chapitres est d’une importance cruciale, et renvoie tous les chagrinés dans les jupes de leur maman, effrayés par tant de brutalité affichée. On a rarement connu le groupe aussi remonté, même lors de la transition si délicate entre l’encore expérimental Words from the Exit Wound et le plus tranché et retour au panier Enemy Of The Music Business, mais en restant honnête, et très objectif (ce qui dans mon cas et celui des ND n’est pas chose aisée), Coded Smears And More Uncommon Slurs est sans conteste le plus grand disque que Shane, Mick, Mark et Danny ont pu sortir depuis…Apex Predator, qui lui-même était le meilleur depuis Utilitarian, et ainsi de suite, jusqu’au retour à la case départ…
Mieux, il est certainement le meilleur disque des exilés de Birmingham depuis Scum, si l’on veut pousser les choses encore plus loin. Parce qu’il est fondé, parce qu’il est intense, parce qu’il nous réserve des giclées de puissance comme le soufflant « Standardization » en ouverture, parce qu’il n’oublie pas que la brièveté est mère de sagesse et de sureté, via l’impitoyable « Paracide », défiant « Nazi Punks Fuck Off » sur son propre terrain. Parce qu’il réconcilie le ND des années 90 et celui plus franc des années 2010 (« Critical Gluttonous Mass »), parce qu’il garde la tête haute face à la nouvelle génération de branleurs qui confondent vitesse et précipitation, et Crust et justification (« Will By Mouth », Danny n’est pas humain, mais il le sait déjà). Parce qu’il est joueur, mais qu’il décolle le papier peint à fleurs (« Like Piss To A Sting », à mort les hippies), parce qu’il est plus lourd qu’une claque de MASTODON, et plus psychédélique qu’une répète des MEATHOOK SEED (« Omnipresent Knife In Your Back »), parce qu’il sait que ce qu’il laisse derrière lui est aussi important que ce qui sera proposé demain (« What Is Past Is Prologue », un riff de fou pour une litanie de Barney sans coup de mou), parce qu’il reste socialement pertinent sans oublier qu’on peut-être malsain et articuler son message pour ne pas le balbutier (« Atheist Runt », le truc le plus glauque qu’ils aient pu produire, et qui rappelle d’ailleurs leurs débuts pseudo-gothiques bien méchants) et puis parce que…
Et puisque parce que c’est NAPALM DEATH, le plus grand groupe extrême de la création. Si Dieu n’a rien foutu le dernier jour de sa semaine, il a dû se dire à postériori qu’il aurait pu bosser pour revendiquer la paternité d’un des ensembles les plus légendaires du vingtième siècle, adoubé par les Rolling Stone, Mojo et autres Sounds qui d’ordinaire, ne sont pas très enclins à saluer l’underground…Mais Dieu n’a rien à voir dans cette affaire, qui est celle d’hommes qui soulignent les travers d’autres hommes, au travers d’une musique aussi viscérale que vitale, et qui avec Coded Smears And More Uncommon Slurs prouvent que les restes sont parfois plus alléchants que les plats sur la table. Les légendes les plus fascinantes sont parfois les plus concrètes. Et de simples carrières, qui marquent plus que d’autres. Mitch, reviens, tu leur manques. Et à nous aussi. Car l’histoire n’est pas finie…
Titres de l'album:
CD 1 (46:25):
1. Standardization (02:46)
2. Oh So Pseudo (02:36)
3. It Failed To Explode (03:38)
4. Losers (04:22)
5. Call That An Option? (03:03)
6. Caste As Waste (03:06)
7. We Hunt In Packs (03:49)
8. Oxygen Of Duplicity (03:30)
9. Paracide (01:39)
10. Critical Gluttonous Mass (02:26)
11. Aim Without An Aim (03:05)
12. An Extract (Strip It Clean) (03:12)
13. Phonetics For The Stupefied (03:29)
14. Suppressed Hunger (03:09)
15. To Go Off And Things (02:29)
CD 2 (46:16):
1. Clouds of Cancer / Victims Of Ignorance (02:06)
2. What Is Past Is Prologue (02:57)
3. Like Piss To A Sting (01:31)
4. Where The Barren Is Fertile (02:22)
5. Crash The Pose (01:33)
6. Earthwire (02:55)
7. Will By Mouth (01:25)
8. Everything In Mono (02:48)
9. Omnipresent Knife In Your Back (05:15)
10. Lifeline (03:18)
11. Youth Offender (02:07)
12. No Impediment To Triumph (Bhopal) (03:02)
13. Legacy Was Yesterday (02:15)
14. Outconditioned (02:25)
15. Atheist Runt (06:07)
16. Weltschmerz (Extended Apocalyptic Version) (04:05)
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