Pas d’équivoque possible. Un machin qui se présente sous le nom de THE HUMAN RACE IS FILTH est forcément vilain, très vilain même. Et totalement improbable par-dessus le marché. Sludge/Crust ? Seriously ? Comment ces deux styles si opposés pourraient se marier entre eux sans risquer les ennuis et autres incompatibilités ? A-t-on déjà vu CROWBAR et FULL OF HELL enfanter dans un coin de la remise ? Non, et tant mieux d’ailleurs, le baptême du bambin exigerait sans doute un exorciste plutôt qu’un curé de campagne.
Mais bon, admettons.
THE HUMAN RACE IS FILTH est loin d’être inconnu sur la scène de Pennsylvanie, puisqu’il a déjà lâché trois petites détonations en mode EP depuis 2017. Et le mot détonation est employé à dessein tant la musique de ce power-trio est explosive, mais aussi très sale. Un peu comme un gros pétard glissé dans une bouse sur le bord de la route, et maculant de merde le pauvre passant hébété par tant de violence excrémentale.
Alors, au moment de juger de la qualité intrinsèque d’un premier long qui ne l’est pas vraiment, quels sont les avertissements indispensables ? Simple. Mettez le son au maximum quitte à vous taper des acouphènes pendant trois jours, laissez votre joie de vivre - ou ce qu’il en reste - au placard, et appréciez le boucan dispensé par Paul Folk (guitare/bruits), Kasey Harrison (chant/basse) et Brett Rebman (batterie), l’un des plus chaotiques du marché 2023. Salement Hardcore, ce mélange hétéroclite est du genre assourdissant, brutal de chez brutal, sans complaisance, mais sans lumière. Les ténèbres vont parfaitement au teint d’une bande qui refuse la musicalité hors de quelques arpèges sournois, et l’obscurantisme musical est presque une formule de politesse pour ces trois lascars.
Je le sens, vous ne me suivez pas, et vous ne comprenez pas encore de quoi il retourne. Alors, faites-vous votre opinion en supportant le nauséeux et gerbant « Bastardized », qui fait passer les PRIMITIVE MAN et autres NAILS pour des chorales du Vésinet adeptes de gospels et autres tubes chrétiens bon ton. Cette lourdeur qui tend vers l’oppression, ces riffs prétextes qui écrasent les illusions, cette rythmique pressante et suintante, tout évoque une vilaine cave de banlieue qui fut le décor d’exactions fort peu recommandables.
Dans le genre snuff pour les oreilles, Cognitive Dissonance se pose là. Snuff, car votre audition va mourir sous la complaisance audio de trois teignes qui n’ont cure de l’humanité, et qui déroulent leurs traumas avec une impudeur désarmante. « Life of Tyrants » en ouverture joue la roublardise de percussions tribales, mais les cris en arrière-plan ne dupent personne. Ici, on ne se lave pas les mains avant d’étrangler, et on a les ongles noircis par la graisse sur les outils. Outils évidemment utilisés pour torturer et non réparer.
Mais heureusement « Apes with Christ » replace la véritable violence au centre des débats, par le truchement de blasts ininterrompus et d’un chant atroce de gravité gros grain. Entre deux accélérations casse-cou, le trio nous gratifie de plans pesants, et cette alternance fait tout le sel de cette première réalisation, aussi moche et puante qu’un vieux tunnel de métro abandonné depuis un bon siècle.
Cadavre en décomposition, Cognitive Dissonance empeste la putréfaction d’un SDF mort depuis deux bonnes semaines, et illustre à merveille - si tant est que l’on puisse employer ce terme - notre époque gangrénée par les inégalités et l’absence de perspectives.
Pour faire simple, tout ce qui peut agacer est utilisé ici à plein régime. Les stridences et le feedback, les BPM qui cavalent comme des morpions sous acides, le dégueulis vocal avec morceaux de jambon et vinasse bon marché, et cette guitare agonisante qui dans un dernier râle vomit des riffs à la mode anglaise. En Amérique, ce genre de produit fait recette, spécialement auprès des marginaux qui ne connaissent de la vie que son côté le plus déplaisant. Comme un deal entre un junkie et son fournisseur tout aussi paumé que lui, Cognitive Dissonance se concentre sur ce que l’existence peut proposer de plus craspec (« Cloaked in Shame », ignoble et gras, « Hopes Wavered », hystérique et sans appel), de plus immédiat, et de plus définitif.
Petite balade dans les bas-fonds de Harrisburg, Cognitive Dissonance mélange en effet la noirceur du Sludge et la terreur du Crust/Grind, et nous offre un constat assez honnête d’une humanité égoïste, egocentrique, et concentrique dans son refus des délais. Ce premier album des fourbes THE HUMAN RACE IS FILTH démontre en effet que l’homme n’est qu’une sale bête qui mérite son sort, qui pue du cul et des autres orifices, et que les vers qui finiront par le ronger riront plus fort et plus longtemps que lui.
J’ai un peu la gerbe, mais il paraît que c’est normal.
Titres de l’album:
01. Life of Tyrants
02. Apes with Christ
03. Electronic Caterpillars
04. Bastardized
05. Cloaked in Shame
06. Hopes Wavered
07. Propagating Technology
08. Vomiting Strings of Human Decay
09. Tribal Injections of Division
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