Sur le papier, c’était vendu comme une nouvelle sortie Heavy/Speed qui ma foi m’inspirait, une fois n’est pas coutume. Sauf qu’entre le papier et la réalité, les différences sont parfois flagrantes. Et il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre que cette horde de Belges enragés ne se dispersait pas dans des considérations gentiment mordantes et mélodisantes, mais se vautraient bien dans un énorme Thrash pur jus, directement influencé par l’austère école Allemande.
D’ailleurs, ils le revendiquent eux-mêmes. Teutonic Thrash Metal. C’est écrit en gros sur leur page Facebook. Un peu péremptoire et surtout risqué dans une époque inondée de sorties se réclamant ouvertement d’un héritage germain encombrant, mais finalement, et après une petite demi-heure de réflexion, le doute n’était plus permis.
Les DESERTER étaient bien les dignes successeurs des références qu’ils se plaisaient à énumérer sur leur page officielle, sans toutefois en atteindre le niveau de qualité. Mais le temps faisant son affaire, il convenait de leur en laisser un peu pour faire leurs preuves, processus déjà bien engagé sur ce Coils of the Lesser Serpent, qui a décidément pigé pas mal de choses au comment du pourquoi.
L’histoire de nos bruxellois n’est ni banale, ni calme et limpide comme un long fleuve tranquille. Je ne reproduirai pas en ces lignes leur bio in extenso, puisqu’elle est disponible un peu partout sur la toile, mais admettons quand même que ces jeunes soldats Thrash n’ont pas eu la tâche de la stabilité facile. Leur line-up a été en constante mouvance et évolution, et c’est aujourd’hui en formation resserrée qu’ils se présentent pour nous offrir leur second longue durée, faisant suite à une première démo, Beauty In Chaos, et un LP initial, Chernobyl ‘s Beauty.
Leurs armes de DESTRUCTION massive ? Une foi sans bornes en un Thrash séculaire, fondé sur des impulsions rythmiques nerveuses et impromptues, et une grosse bordée de riffs vengeurs et acérés. Et si l’on en croit leur Facebook, articulés autour du quatuor Yacine (guitare/chant), Thomas (basse), Sander (batterie) et Pablo (guitares), ils sont prêts à mettre l’Europe à feu et à Thrash, et même pourquoi pas les USA puisque le label d’outre Atlantique Vile Records s’occupe de leur distro sur place. Pas facile pourtant de rivaliser avec les cadors de l’agression ricains, mais l’enthousiasme dont font preuve nos amis du plat pays devrait leur permettre de s’imposer un peu partout, et même pourquoi pas outre Rhin, puisque leurs influences les plus évidentes viennent d’Allemagne.
Outre le nom de DESTRUCTION habilement placé dans cette chronique, les furieux osent évidemment prononcer celui de KREATOR, tenter quelques allusions à SODOM, mais aussi saluer les pères fondateurs d’EXODUS, de SLAYER, DEATH, et quelques noms plus récents, THE CROWN, WARBRINGER, ou encore THE BLACK DAHLIA MURDER. Tout ceci n’est bien sûr pas faux, mais c’est bien du côté de la bande à Mille et Ventor qu’il faut chercher leur essence, tant chaque piste de ce Coils of the Lesser Serpent carbure au pétrole raffiné Extreme Agression, Coma Of Souls, et autres alambics Enemy Of Gods.
Mais après tout, il n’y a aucun mal à se référer aux plus grandes légendes du style, si tant est que vous ayez les capacités de produire une musique aussi efficace et lapidaire, ce qui est assurément le cas de nos DESERTER, qui toutefois ne s’écartent jamais des sentiers battus pour prendre quelques risques incongrus.
Nous avons donc droit à une jolie démonstration de Thrash sans concession, utilisant des astuces vieilles comme les syncopes de Mille Petrozza, et abusant même de ses intonations méchamment rauques de bon aloi.
De là à parler d’un simple démarcage flirtant tout autant avec l’hommage que le plagiat, le pas est court, et il conviendra de faire attention dans les années à venir à prendre un peu plus de recul.
Pourtant, l’affaire commence bien et tourne rond avec son intro débordante de chœurs grandiloquents, avant qu’une valse de syncopes guitaristiques ne nous plaque au sol, pour une entrée en matière « Darkening Clouds over Utopia » tout à fait idoine et collant à sa thématique sombre. Instrumental plutôt bien senti et parfaitement restitué, mélodique à souhait mais concassé de parties en double grosse caisse bien compressées, c’est un poing rageur tendu vers le ciel encombré qui nous mène sans ménagement au terrassant « Urban Gehenna », véloce comme un guépard féroce, et qui lui aussi se passe de cris et reste sur une ligne instrumentale déchirée de soli enflammés et d’accélérations contrôlées.
Riffs en catalogue, interruptions et reprises en béton, la recette fonctionne pour de bon, et le choix d’avoir occulté d’emblée les vocaux peut sembler bizarre, mais permet justement à ce second album de se démarquer. Mais rassurez-vous fans de grognements et de hurlements, après une mise en jambes étourdissante, « Headhunter » vous permettra de découvrir l’organe caverneux de Yacine, qui comme Mille privilégie des tonalités étouffées, un peu dans l’optique d’un Angelripper en plus intelligible.
L’attaque est frontale et massive, et les débordements d’une section rythmique décidément très entreprenante permettent aux guitares de découper en toute tranquillité.
Epaulés par un son clair et puissant, les compositions se laissent parfois même aller à quelques blasts disséminés, histoire de bien appuyer sur la violence débridée, sans jamais toucher du bout du médiator au Thrashcore à corps.
Les quatre derniers segments de l’album (qui n’en compte que sept, un peu feignants les belges quand même) jouent l’alternance entre progressif et impulsif, et osent le tout et son contraire au travers de morceaux qui accumulent les minutes sans compter et les jets de bile instantanés.
Et si « Carnal Carnival » ne rogne pas sur les BPM et les saillies de guitares ensanglantées, « Cry Of The Forsaken » préfère s’aventurer en terre contrastée, avec son acoustique d’intro délicate et son développement écarlate. Et le mid tempo parvient enfin à se faire une petite place, entre deux couplets à la vélocité appuyée, pour un énième salut de la main aux derniers albums de KREATOR, la spontanéité en plus.
« Warscar » termine la course genre compète nascar intrépide, et se propose une fois de plus d’aborder tous les aspects de la cause Thrash, en laissant même une grosse basse crossover se faire une petite place. Impeccable, sans accroc ni passage au stand, c’est un final bien préparé qui nous laisse sur une impression de course bien gérée
Alors non, pas de quoi se dire qu’on a jamais entendu ça avant, et beaucoup de références pas toujours bien nuancées. Du KREATOR/WARBRINGER made in Belgium, pour une petite demi-heure de Metal incandescent, mais encore un peu condescendant. Un peu de distance avec ses influences ne dérangera personne, et permettra à ce sympathique quintette de se faire une place au soleil de la Bay Area. Ou des usines de la Ruhr, comme bon leur semblera.
Titres de l'album:
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