Les masques, les maquillages, les accoutrements, on connaît depuis la nuit des temps. Le coup du « on mélange tant d’influences qu’on en devient inclassable », on connaît aussi. Les deux en même temps ? Idem. Alors, ne pensez pas nous surprendre avec vos capuches et votre make-up digne d’une fausse suite de Doomsday. L’apparence et le concept sont une chose, la réussite artistique une autre. Donc, permettez-moi de me faire mon opinion après quelques écoutes.
MISFORTUNE est le dernier bébé en date de M&O Music. Un bébé qu’ils chouchoutent de façon promotionnelle, en tirant leur avantage de cette couverture opportuniste. Un gros bébé qui a déjà les crocs bien aiguisés, et qui mord dans la bidoche comme un cannibale de Ruggero Deodato. Introduit comme le groupe européen du moment, sans plus de précision d’identité, MISFORTUNE se targue d’un métissage extrême qui se réclame de nombreuses sous-couches. De l’électronique, du Death Metal, du Hardcore, de l’Industriel, soit la quintessence même de l’ouverture d’esprit qui ne supporte que les idées les plus violentes. Et comme les musiciens ont des choses à dire et des revendications à affirmer, cette orientation semble être la plus idoine.
Je n’ai pas grande précision à vous apporter quant à ce projet. La bio est étonnamment discrète, les sites officiels aussi, et il semblerait que le rayonnement du groupe soit encore confidentiel. Quelques centaines de suiveurs pour un projet somme toute relativement viable. Pour peu que l’on aime son extrême multi-saveurs, et rempli d’horreur. Mais une horreur relative, proche d’un halloween à l’européenne, avec costume étudiés et bonbons trop sucrés. Quelque chose comme un épisode d’American Horror Story situé dans le Maine, avec vraies goules, vrais fantômes et apparitions cauchemardesques.
Relier Ryan Murphy à ce premier album est un pari risqué, mais mesuré. On sent la même tendance au choc de surface, et cette envie de soigner la forme pour que le fond n’ait plus grand-chose à faire. Mais loin d’une camelote de magasin discount, Collapsing Serendipity est un produit fini de bonne qualité. Plus plastique que ferraille, plus ampoule led 5 watts que candélabre familial, mais une gentille oppression qui pourra donner quelques sensations aux plus sensibles.
Si vous vous souvenez de cette compilation qui confrontait les ténors du Death aux terroristes de la Techno, vous aurez un bref aperçu de ce qui vous attend ici. Car en effet, ce premier long sonne comme Hellspawn, ce sampler qui osait comme accroche Extreme Metal Meets Extreme Techno. La formule est toujours bonne, quoi qu’incomplète. En effet, des années après la sortie de cette compile plus ou moins habile, d’autres sous-styles ont pointé le bout de leurs sonorités. Le Trap, le Beatdown, ainsi de suite jusqu’à l’overdose. Et justement, cette overdose est le résultat visé par cette nouvelle association de malfaiteurs qui repoussent les frontières du Metal Electro extrême, en vomissant dans un micro, et en extirpant d’une guitare masochiste des riffs génériques, mais effectifs.
Toutefois, nous ne sommes pas non plus en présence de malfaisants confondant pilonnage systématique et violence endémique. Les morceaux sont structurés pour que les effets fonctionnent à plein régime, les ambiances sont poisseuses, les volutes de claviers et de samples volent bas, et la fond est visiblement très en colère. Mais une saine colère, qui dénonce quelques travers de notre société comme les addictions, et le rôle des réseaux sociaux dans la déchéance de la jeunesse accro.
Des sujets d’importance pour un message passé à la masse de forgeron.
Comme si KMFDM avait abandonné son côté dansant pour s’acoquiner avec un PRODIGY encore plus influencé par DALEK que par les drogues, MISFORTUNE reste un projet qui souhaite alerter, allaiter à l’acide et aplanir les difficultés. Inutile de prétendre isoler un titre, le tout est à prendre comme tel, et si d’inévitables répétitions sont causées par cette orientation Indus, l’énergie qui se dégage de ce premier album est au moins équivalente à une journée de production d’une centrale nucléaire flambant neuve.
On écoute Collapsing Serendipity avec la rage au bide et le regard perçant. On l’utilise pour sonoriser les manifs et autres happenings de rue, où le pouvoir de ces graves fait trembler les fondations de la société. En osant le Death/Grind électronique et mécanique (« Government-Infused Fear »), nos complices du jour tâtent le terrain de l’extrême en allant directement à son bout. Un bout qui sent bon le souffre et les machines qui prennent le pouvoir. Difficile dès lors de savoir qui est responsable de quoi, et si l’humain reste au centre de la création. Ce qui n’est pas vraiment si important que ça.
MISFORTUNE n’est pas une malchance, c’est une sentence logique qui tombe au bon moment. Un procès qui condamne par contumace. Une épreuve. Un défi. Une réalité ignoble et décrite comme telle. Un album assourdissant, encore un peu tendre au niveau des idées, mais déjà bien formé par les crises d’application et les sons en cocon.
Un revers de fortune qui finalement, replace les choses dans leur contexte.
Titres de l’album :
01. War Psychos
02. Survival Of The Schoolyard's Fittests
03. Bloodless Family
04. Your Children Will Die In Pain
05. Drugs Are Forever
06. Depression As A Threat
07. Economical Eugenism And Modern Slavery
08. Hypothetical Meritocracy
09. Government-Infused Fear
10. Mutagenous Industry
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